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Edito
5 mars 2013

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Saisons palpitantes, stars vénérées, productions de rêve… Voilà ce que le bon lyricomane scrute lors de l’annonce par les théâtres de leur programmation à venir. Cette nouvelle fournée – point encore tout à fait complète – nous réserve déjà de belles perspectives. Mais ne nous y trompons pas. Ces saisons sont nées il y a des mois dans des circonstances point encore aussi dégradées que celles qui prévalent aujourd’hui. Ce que nous voyons, c’est la lueur d’étoiles déjà éteintes. Car les financements publics vont immanquablement se tarir. Dans nombre de pays voisins, c’est déjà le cas. La France ne fera pas exception.

Le choix de Stéphane Lissner pour diriger l’Opéra de Paris doit certes à son talent, mais surtout à sa méthode pour lever des fonds, telle qu’il l’a éprouvée à Milan. Partout, les conditions de nomination des directeurs d’opéra vont évoluer vers ce modèle. Il faudra moins disposer d’une vision artistique attestée que d’un savoir-faire réel en matière de « fund raising ». Gérard Mortier a raison de vitupérer, en Espagne, les autorités publiques qui semblent préférer le football à l’opéra. Mais cette colère même est déjà d’un autre temps. Elle est celle d’un homme qui se pense investi d’une mission artistique. Mais croit-il que les dirigeants de clubs de foot se sentent investis d’une mission sportive ? Allons, ils furent parmi les premiers à faire entrer leur sport dans le monde enchanté du financement privé, par les sponsors, les droits télévisuels et même l’entrée en bourse. C’est la logique qui prévaut dans les musées du monde entier. Les efforts de Henri Loyrette, au Louvre, pour trouver à Abou Dabi ce que les analystes financiers appelleraient « un relais de croissance » ont été vilipendés par les gardiens du temple, mais sont vitaux à la survie de cette grande institution nationale.

Ne doutons pas que l’opéra ne prenne ce chemin. Il sera ardu. Car nul ne finance une institution culturelle sans contrepartie. Or, en France, la contrepartie fiscale est encore trop peu incitative. Il faudra évoluer vers d’autres contreparties. Les grands mécènes auront sans doute le droit de siéger à un conseil d’administration élargi. Ils seront fondés à juger de la politique financière de la maison. Ils pourront, le cas échéant, contester des décisions artistiques dépourvues de rentabilité. Les politiques vont aussi avoir leur mot à dire. L’argent public qui continuera d’irriguer les théâtres, plus rare, sera aussi plus précieux. On ne voit pas les collectivités locales accorder encore à des directeurs d’opéra la confiance dont ils ont pu bénéficier. Déjà, les comptes que nombre d’entre eux ont à rendre sont souvent précis et contraignants. Cela ne fera qu’augmenter. Jusqu’au jour peut-être où les collectivités locales placeront à la tête des théâtres des comptables publics, qui sauront gérer au cordeau et répondre aux attentes des autorités publiques sans brandir la supériorité sacro-sainte de l’Art. Des spécialistes de la programmation free-lance les appuieront pour constituer leur saison. Ils existent déjà dans un certain nombre de théâtres. Ils seront demain plus nombreux et plus usuels.

Evidemment, cela signifiera aussi des saisons moins riches. Des coupes claires dans les budgets. Les cachets diminueront. Les équipes seront moins nombreuses. Le volant d’intérimaires augmentera. Les efforts à faire pour attirer les publics, les séduire, les retenir. Car l’opéra risque fort de ne pas faire le poids face à des occupations culturelles tellement plus populaires et attractives. En France, en particulier, il est à craindre que l’opéra n’apparaisse décidément comme le refuge de privilégiés, et que toute politique défavorable aux maisons d’opéra ne trouve son alibi dans la démocratisation culturelle. Tenir la voie du milieu entre démocratisation et exigence est le sentier difficile emprunté par maint opéra. Mais il faudra faire plus. Le Met est en train de donner l’exemple avec ses diffusions dans les salles de cinéma.
 
Justement, le cinéma. Son modèle économique n’est somme toute pas bien éloigné de celui de l’opéra. Ses contraintes sont comparables. Une vraie différence réside dans le fait que certains films parviennent à se rembourser. Les opéras, quoi qu’il arrive, ne parviendront pas à se passer de la perfusion de financements extérieurs. Ils resteront totalement dépendants de leurs subventions. La part des recettes ne couvrira jamais leurs dépenses. Elle restera même presque négligeable. La part de recettes en salle vitale au cinéma ne l’est pas à l’opéra. Aussi, quitte à changer d’ère, pourrait-on envisager un fonctionnement différent : quitte à avoir des maisons d’opéra paupérisées, tenues par des budgets serrés, contraintes de toutes parts, pourquoi ne pas en profiter pour prendre une mesure radicale, forte, historique, en rupture, consistant à briser un tabou et dissiper un mythe socio-économique – oui, pourquoi ne pas décider que le prix des places dans tous les opéras de France sera aligné sur celui des places de cinéma ?

 

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