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Sophie Marceau et Gérard Mortier

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3 février 2009

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Sophie Marceau et Gérard Mortier

Je n’étais qu’un enfant lorsque Sophie Marceau fit ses débuts au cinéma dans des films dont instinctivement je perçus, avec délices, la sentimentalité frelatée et sale.

J’étais lycéen lorsque dans L’Etudiante, vêtue de T-Shirts épousant son sein, et portant de grosses lunettes coquines (comme, depuis peu, Camille De Rijck), elle infligeait des tirades intellos à un Vincent Lindon médusé (et qui, vainqueur du Prix de Rome, composait des mélopées incertaines sur son piano électronique).

J’étais étudiant lorsque Sophie Marceau, sans doute frappée par son échec à l’agrégation dans ladite Etudiante, s’avisa qu’elle n’avait jamais lu que des synopsis de séries B, et résolut de devenir une intellectuelle. Cette période dura. Elle semblait se poser toutes sortes de questions et leur chercher réponse dans les épais ouvrages de Luc Ferry ou les pages roses du Larousse.

Heureux habitant du Quartier Latin, il était naturel que j’allasse voir dans des salles d’Art et d’Essai Sophie Marceau exposer dans des films abscons et prétentieux les trésors de son esprit – et au passage, les attraits de sa plastique. Car c’est bien connu : pour voir des actrices nues, il faut aller voir des films intellectuels. Il faut voir et revoir ce film engagé sur Tsahal, Pour Sacha, où Sophie incarne une combattante et plonge nue dans l’eau calme du Jourdain.

Elle passa derrière la caméra, et sa filmographie m’intéressa moins que quand elle était devant, forcément.

Il y eut cet épisode larmoyant au Festival de Cannes (ou aux Césars ?) où elle bafouilla des banalités pleine de détresse naïve. Et cet autre épisode, à Cannes, où son sein glissa – ô surprise !- de son fourreau.

Bref, Sophie Marceau était devenue une icône has been, mi-sexy, mi-paumée, loin en tout cas des émois juvéniles qu’elle avait su éveiller en nous. Son meilleur film reste Joyeuses Pâques, avec un très bon Belmondo.

La voici qui nous revient, avec des franges, toute maigrie, et posant sur toutes les couvertures à la maman résolue, avec toutes sortes de déclarations propres à la rapprocher de la quadra-quinqua la plus moyenne.

Une chose est sûre : Sophie Marceau a renoncé à être glamour, et a renoncé à être une intellectuelle. Elle a élu domicile dans la banalité et la médiocrité ambiantes, mélange de moralisme et de féminisme agonisant, de bouffe bio et de maternité moderne.

C’est triste.

Non parce que cela nous donne un coup de vieux. Mais parce que disparaît de notre horizon érotique une silhouette depuis longtemps familière et aimée.

Parce que, surtout, cet effondrement fantasmatique nous fait comprendre ce que nous vivons au royaume enchanté de l’opéra.

Je ne parle pas ici des divas qui trouvent plus malin de prendre des airs canaille et de ne pas recoudre les accrocs à leur robe de concert.

Je parle, une fois n’est pas coutume, de Gérard Mortier.

Comme Sophie, Gérard a commencé de bonne heure. Comme Sophie, il a connu des succès populaires, est devenu une valeur sûre, et très tôt a catalysé l’enthousiasme du public et du milieu lyrique. Puis, Gérard s’est avisé qu’il était non un comptable flamand, mais un intellectuel est-allemand, et s’est haussé du col à Salzbourg puis à Paris à coup de ténèbres théoriques et spéculatifs.

Mais voici : en postulant à New York puis à Madrid, Gérard a montré qu’il n’avait désormais cure de ces sursauts philosophiques et entendait surtout, comme Sophie, peaufiner sa respectabilité et tirer les dividendes de son parcours habilement géré.

Comme Sophie, Gérard cesse de s’inventer des masques, arrête de jouer et redevient ce qu’il était tout au fond de lui : un habile carriériste surfant sur le consensus et offrant au public le miroir de sa propre indifférenciation esthétique et morale.

Sophie Portier et Gérard Marceau ont un exact correspondant dans le monde des lettres : Philippe Sollers.

Peut-être ce syndrome est-il le signe que la crise intellectuelle ouverte dans les années 70 en Europe est en train de se refermer et que nous revenons dans les eaux tièdes d’un pompidolisme benêt.

La première option a de quoi réjouir, et la seconde de quoi inquiéter.

Le combat continue.

Sylvain Fort

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