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5 questions à Ottavio Dantone : « l’étude de la musique baroque requiert une compréhension préalable du jazz »

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Actualité
12 novembre 2025
Ottavio Dantone ressuscite Cesare in Egitto, le chef‑d’œuvre de Geminiano Giacomelli, enregistré en première mondiale par l’Accademia Bizantina avec une distribution de premier plan au festival d’Innsbruck.

Lorsqu’il est question de Giulio Cesare, les amateurs d’opéra pensent, de manière générale, à Händel. C’est de bonne guerre. Qui est donc ce Giacomelli ?

Il s’agit d’un compositeur du XVIIIe siècle qui a acquis une notoriété considérable. Originaire de Plaisance, il a exercé son activité professionnelle au sein des théâtres italiens les plus réputés. Il s’agit d’un compositeur qui a rencontré un succès considérable et dont l’influence sur l’évolution des goûts a été significative. Il a su démontrer une capacité d’adaptation remarquable, lui permettant de répondre aux attentes et aux préférences variées du public. L’enregistrement et la présentation de cette œuvre à Innsbruck ont été motivés par un désir de longue date de se réapproprier l’œuvre d’un auteur majeur. L’objectif de ce projet est de dévoiler le monde réel du XVIIIe siècle. Dans le contexte de l’époque baroque, si les noms de Haendel et Vivaldi sont aujourd’hui largement reconnus, il convient de mentionner que d’autres compositeurs, tels que Giacomelli, jouissaient d’une popularité considérable à cette époque. Cette hypothèse est étayée par le fait que Giacomelli entretenait également des relations avec la cour de Vienne, où il a dirigé son César. Suite à la première représentation à Milan, puis à Venise, il a dirigé une autre représentation à Graz, puis à Vienne. La ville d’Innsbruck a été évoquée comme un exemple pertinent, car elle est connue pour son festival qui offre aux spectateurs l’opportunité de découvrir des raretés. Ainsi, j’ai proposé ce qui est communément considéré comme son chef-d’œuvre, mais aussi parce que l’année précédente, j’avais dirigé Tamerlano de Vivaldi. Dans cet opéra, on trouve également des airs de Giacomelli. Cesare in Egitto se distingue par des compositions remarquables, qui se caractérisent par un talent indéniable, une expression raffinée et une mélodie envoûtante.

Il n’est pas le premier compositeur à se retrouver, de manière inopinée, au cœur de l’œuvre d’un collègue.

Le pasticcio, que l’on qualifie aujourd’hui de forme mineure, était en réalité très apprécié du public. Ce genre permettait l’écoute de nombreux styles musicaux différents. En outre, les compositeurs sélectionnaient fréquemment les sections les plus captivantes, souvent parmi celles qui étaient déjà connues du public. Le pasticcio, forme théâtrale hybride, était souvent une représentation à succès. C’est ainsi que des musiciens tels que Giacomelli sont découverts, notamment à travers des pasticcios. À titre d’illustration, l’année prochaine, nous enregistrerons une autre œuvre de Vivaldi, un pasticcio (mélange de styles) incluant des pages de Haendel, un air et Pergolesi. Cette étude s’avère particulièrement pertinente pour quiconque s’intéresse à la musique et aux préférences musicales en Italie durant cette période.

Mozart lui-même s’est pastiché dans Don Giovanni.

Il est fréquent de mentionner des compositions qui marquent durablement l’imaginaire collectif. Il est à noter que l’air d’opéra pouvait être substitué par un autre si le chanteur jugeait cette adaptation pertinente pour sa voix et si l’auditoire était en mesure d’apprécier cette substitution. À titre d’illustration, Caffarelli refusait de signer le contrat s’il ne pouvait pas interpréter son air préféré en ouverture de l’opéra. Cependant, il convient de noter que les termes du contrat en question se révélaient particulièrement rigoureux. Cette illustration met en exergue les méthodes de construction d’un opéra à l’époque. Il convient de noter que la composition pouvait être modifiée en fonction des préférences du public ou des aspirations d’un artiste.

Quand on pense aux premiers baroqueux qui sacralisaient la partition au point de lui appliquer parfois une patine protectrice.

Une rigueur méthodologique s’imposait, notamment dans l’étude des traités, pour approfondir la compréhension du langage. Initialement, la musique baroque était donc exécutée et interprétée de manière très orthodoxe, notamment en ce qui concerne l’utilisation des instruments. Il s’agissait de créer un choc immédiat avec la connaissance antérieure de la musique ancienne, qui était conditionnée par le goût. À titre d’illustration, au XIXe siècle, l’interprétation de la musique ancienne s’inscrivait dans une esthétique propre à cette époque. Cette tendance s’est d’ailleurs particulièrement accentuée au début du 20e siècle. Cette dynamique explique en grande partie la rareté de la visibilité des auteurs de cette époque. Il convient de mentionner que des compositeurs tels que Bach, Vivaldi et Haendel ont réussi à s’imposer, même lorsque leurs œuvres n’étaient pas interprétées avec la plus grande exactitude. Au cours des trente dernières années, l’étude des traités sur le langage et des conventions théâtrales ou de concert a révélé une pratique plus libre. À l’époque, on ne boudait pas forcément une approche disruptive. Il ressort de cette analyse que la véritable philologie est aujourd’hui principalement associée à la connaissance esthétique du langage et à la relation entre la musique et la parole, c’est-à-dire à la rhétorique. Cette démarche s’inscrit dans la continuité d’une compréhension approfondie des enjeux précédents. Ces mélodies, que l’auditoire reconnaît et identifie, sont des composantes familières du répertoire musical. La méthodologie employée pour leur interprétation vocale est largement maîtrisée et ne nécessite pas de directives explicites. Ainsi, nous avons développé une compréhension approfondie de la structure des œuvres et des composants musicaux. Il a été constaté que la liberté d’expression était considérable. Lors de l’enregistrement et de l’interprétation du Couronnement de Dario de Vivaldi, il a été observé que la partition originale et le manuscrit présentaient de nombreuses coupures. Ces dernières ont été nécessaires pour rendre la musique compréhensible, car la partition originale présentait une difficulté de lecture. Ainsi, il apparaît que, dans le contexte contemporain, toute forme d’indignation face aux coupures semble inopportune. Il s’ensuit que la reproduction fidèle de ce qui est figuré sur la partition ne constitue qu’une part de la performance musicale. En effet, la partition ne reflète pas intégralement la richesse et la complexité de l’interprétation musicale. Il est à noter que de nombreuses informations, en particulier les plus significatives, ne sont pas consignées par écrit, bien qu’elles soient présentes. Ces dernières sont sous-entendues par le biais de codes et de conventions musicales et gestuelles.

Harnoncourt préconisait notamment aux chanteurs manifestant une tendance excessive à la précision métronomique de se référer à l’œuvre d’Ella Fitzgerald.

Cette observation s’avère particulièrement pertinente, car elle suggère que ce n’est pas le jazz qui influence la musique ancienne, mais plutôt le jazz qui trouve son inspiration dans la musique ancienne. Cette affirmation repose sur une analyse approfondie de la liberté d’expression musicale telle qu’elle a évolué au fil de l’histoire. Ainsi, l’étude de la musique ancienne révèle qu’elle était soumise à des conventions sociales plus rigides que celles que nous connaissons aujourd’hui. Cette approche, que l’on pourrait qualifier de liberté artistique, a été évoquée par Harnoncourt, qui suggérait l’écoute d’Ella Fitzgerald. Cette liberté, que Caccini qualifiait de sprezzatura au XVIIe siècle, est un concept qui mérite une étude approfondie pour comprendre les influences et les implications culturelles de cette période. La sprezzatura, concept clé de l’art vocal, implique une liberté d’expression qui s’exprime dans l’espace temporel. Cette dernière se caractérisait par une organisation systématique et cohérente, formant un ensemble structuré. Cette approche méthodique vise à se rapprocher de la nature intrinsèque de la parole. Cette approche s’inscrit en effet dans le cadre des principes de l’interprétation de la musique ancienne. En effet, cette forme de liberté encadrée favorise l’émergence d’un style vocal singulier, empreint de fascination et de communicativité accrue. En outre, elle éclaire avec plus de perspicacité la signification de la musique, notamment dans ses aspects vocaux. À l’époque, les instruments se voyaient confier la tâche d’imiter, dans la mesure du possible, la voix et le rythme de la parole. Cette approche permet de saisir la portée de l’affirmation. Il s’avère donc essentiel de reconnaître que l’inverse, à savoir l’adaptation de la musique baroque au jazz, ne saurait être considéré comme une démarche pertinente. En effet, il semble que ce soit davantage le jazz qui ait puisé son inspiration dans la musique baroque, plutôt que de considérer une adaptation réciproque. Il convient de souligner que l’étude de la musique baroque requiert une compréhension préalable du jazz, en raison de la proximité stylistique entre ces deux genres musicaux. Il convient de noter que, dans certaines situations, il serait hasardeux de conclure que cela constitue une règle générale. Cependant, l’assertion d’Harnoncourt n’était en aucune manière erronée.

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