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Opéra de Paris 2012-2013 : une saison en enfer… ou au paradis ?

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Humeur
27 août 2012

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Lorsque nom de Nicolas Joel fut annoncé pour succéder à Gerard Mortier à la tête de l’Opéra de Paris, une importante fraction des lyricomanes parisiens commença à se réjouir. Aujourd’hui la plupart d’entre eux déchante, oubliant qu’il est un métier presque aussi ingrat qu’entraîneur de l’équipe de France de football : c’est directeur de l’Opéra de Paris. Au sein même de la rédaction, les avis divergent. Qui a tort, qui a raison ? A chacun de choisir son camp.
 

 
 

Une saison en enfer                                      
par Jean-Michel Pennetier
 
Lorsque nom de Nicolas Joel fut annoncé pour succéder à Gerard Mortier à la tête de l’Opéra de Paris, une importante fraction des lyricomanes parisiens commença à se réjouir : avec un directeur réputé spécialiste en voix, le chant allait reprendre ses droits sur la première scène nationale, le répertoire allait enfin s’élargir et peut-être l‘Opéra allait-il retrouver l’identité historique qui lui fait tant défaut. On disait en effet que le nouveau patron avait préparé une liste des titres trop absents de la scène et certains se prenaient à rêver : fini les nièmes productions des Noces de Figaro, place au bel canto si scandaleusement négligé, aux résurrections des grands opéras de Meyerbeer ou Halévy, aux versions françaises originales des chefs-d’œuvre de Verdi ou Donizetti. Quant aux mises en scène expérimentales, leur glas avait sonné. Les marchands de pissotières factices (accessoire indispensable de la modernité scénographique) avaient déjà fait leurs valises pour la scène madrilène. A mi-mandat, et alors que le bruit court que Nicolas Joel est candidat à sa propre succession, qu’en est-il de ces espérances ?

Où sont les stars ?

Anna Netrebko, Dmitri Hvorostovsky, Karita Mattila, Dolora Zajick, Joyce DiDonato, Piotr Beczala, Diana Damrau, Jonas Kaufmann, Katarina Dalayman, Peter Mattei, René Pape, David Daniels, Roberto Alagna, Olga Borodina, Barbara Frittoli, Ramon Vargas, Sondra Radvanovsky, Ferruccio Furlanetto, Eva Maria Westbroek, Marcello Giordani, René Fleming, José Cura, Falk Struckmann, Thomas Hampson, Placido Domingo, Deborah Voigt, Susan Graham … Si vous fréquentez régulièrement notre site, ces noms ne vous sont pas inconnus : on appréciera plus ou moins l’un ou l’autre, mais, globalement, ce sont quelques-uns des chanteurs les plus célèbres du circuit. Ne les cherchez pas à l’affiche de l’ONP la saison prochaine, c’est au Metropolitan de New-York qu’ils chantent.

Pas besoin d’aller si loin pour entendre Bryn Terfel, Simon O’Neill, Eva-Maria Westbroek, Diana Damrau, Vittorio Grigolo, Barbara Frittoli, Simon Keenlyside, Leo Nucci, Placido Domingo, Jonas Kaufmann, Anja Harteros, Mariusz Kwiecien, Ferruccio Furlanetto, Joyce DiDonato, Daniela Barcellona, Thomas Hampson, Angela Gheorghiu ou René Fleming : il vous suffira de porter vos pas à Londres. Là encore, aucun de ces artistes ne chante à l’ONP la saison prochaine.

La Scala de Milan ne se débrouille pas mal non plus et elle affiche un éventail de chefs d’orchestre inégalé (sans parler des metteurs en scène) : Daniel Barenboïm, Valery Gergiev, Hartmut Haenchen, côtoient Pape, Kaufmann, Harteros, Terfel, Frittoli, Barcellona, Nucci, Antonenko, Vogt, Plowright, Theorin, Meier, Álvarez, Radvanovsky, Ciofi, O’Neill … Quant à Grigolo, Goerne, DiDonato, Gheorghiu, Flórez, ils ont droit à un récital. Ces litanies ne suffisent d’ailleurs pas à venir à bout de la liste des artistes lyriques actuels les plus en vue. Il y manque encore Nina Stemme, Klaus Florian Vogt, Joseph Calleja, Gregory Kunde, John Osborn, Stephanie Blythe, Anne Sofie von Otter, Mariella Devia, Cecilia Bartoli, June Anderson, Edita Gruberova et bien d’autres (nos lecteurs nous pardonnerons d’avoir oublié leur artiste favori(te) !).

Et Paris, alors ? En dehors de Natalie Dessay, Juan Diego Florez, Anna Caterina Antonacci, Violeta Urmana et Marcelo Alvarez, peu de noms connus au programme de l’ONP la saison prochaine. Ajoutons-y nos gloires locales, dont certaines font une belle carrière internationale : Ludovic Tézier, Sophie Koch ou Karine Deshayes (là encore, il en manque). En dehors de ces quelques noms, la saison affiche essentiellement, pour les rôles principaux, de bons vieux routiers, capables d’assurer correctement une représentation mais sans ce je-ne-sais-quoi qui fait les soirées électrisantes. Le format vocal de certains artistes pose aussi question : par quel miracle technique tel chanteur qui a du mal à passer la rampe à Favart ou aux Champs-Elysées pourra-t-il être entendu à Garnier ou à Bastille ? L’imagination n’est pas non plus au pouvoir dans la distribution des rôles : l’excellente Antonacci a déjà chanté Carmen à Favart, son Don José, Nikolai Shukoff, interprétait ce même rôle au Châtelet. Les seconds rôles du Falstaff semblent recopiés sur le spectacle du TCE en 2010 : Marie-Nicole Lemieux, Paolo Fanale et Raul Gimenez. Un comble quand on sait que Nicolas Joel fait jouer la clause d’exclusivité qui interdit à un chanteur programmé à l’ONP de se produire scéniquement sur une autre scène de la capitale.

Mais, me direz-vous, pourquoi donc l’ONP devrait-il afficher des noms connus ? On le sait bien, il ne suffit pas d’aligner les stars pour faire une bonne représentation. Effectivement, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, l’ONP en a fait la triste démonstration avec les récentes Forza del destino et une nouvelle Manon, qui n’ont pas laissé de souvenir impérissable. Ce sont d’ailleurs les chanteurs concernés que nous retrouverons la saison prochaine, avec plus de succès espérons-le. Il n’en demeure pas moins qu’à l’Opéra plus qu’ailleurs, on n’est rarement célèbre par hasard : peu de métiers demandent autant de rigueur, d’investissement, de sacrifice, ne sont à ce point soumis aux aléas d’un problème de santé. Dans les noms que nous avons données, on trouvera sans doute quelques gloires qui vivent sur leur réputation, un ou deux chanteurs à la renommée artificiellement gonflée par les budgets publicitaires de leur éditeur, mais pas tant que ça. Les bons chanteurs, on les connaît. Statistiquement, ils sont plus nombreux que les grands artistes en devenir : en admettant qu’un chanteur mette entre 5 et 10 ans pour percer et qu’il chante pendant 30 ou 40 ans, il y a en effet 4 fois plus d’artistes lyriques de qualité en activité que de bons chanteurs inconnus mais de qualité qui attendent de percer.

En panne de révélations vocales

Bien sûr, on pourrait imaginer qu’un directeur au flair hors pair soit justement capable d’identifier ces nouvelles stars, « bien et pas chères ». C’était d’ailleurs la réputation de Nicolas Joel. Mais si l’on regarde les saisons qui viennent de s’écouler, on chercherait en vain de vraies révélations. Même le jeune Aleksandro Antonenko entendu l’année passée en Otello avait fait ses débuts deux ans plus tôt au frileux Metropolitan. Quant aux autres jeunes ténors du moment, Joseph Calleja et Vittorio Grigolo (particulièrement appréciés à Londres), ils attendent toujours de faire leurs débuts sur la scène nationale. Les remplacements de dernière minute n’ont pas non plus été l’occasion, comme c’est le cas parfois ailleurs, de laisser la place à un jeune talent méconnu. Natalie Dessay souffrante dans La Sonnambula, Marcelo Alvarez dans La Forza del Destino, Rolando Villazon qui devait initialement chanter dans Manon (était-ce d’ailleurs bien raisonnable ?)… Les occasions n’ont pas manqué. Quel contraste avec le mandat de Massimo Bogiankino qui, au milieu des années 80, fit découvrir au public parisien des chanteurs peu ou pas connus comme Cecilia Gasdia, Samuel Ramey, June Anderson, Chris Merritt, Rockwell Blake, Simon Estes, Ferruccio Furlanetto, Gino Quilico, Martine Dupuy, Cheryl Studer … tout en programmant Luciano Pavarotti, Jaime Aragall, Alfredo Kraus, Shirley Verrett, Nicolai Ghiaurov, Neil Schicoff, Renato Bruson, Ghena Dimitrova, Gabriel Bacquier, Alain Vanzo, Lucia Valentini-Terrani, Ruggero Raimondi, Gwyneth Jones, Hildegarde Behrens et tant d’autres. A l’époque, il n’y avait pas grand monde pour trouver l’herbe plus verte à côté.

Pourtant, les jeunes artistes de talents ne manquent pas (il suffit d’aller faire un tour sur YouTube, de lire les comptes-rendus sur les forums, etc.) : Angela Meade, Jessica Pratt, Kathleen Kim, Rachele Gilmore, Meredith Hoffmann-Thomson, Olga Peretyatko, Krassimira Stoyanova, Pavol Breslik, Lludmyla Monastyrska, Yonghoon Lee, Dimitri Platanias, Samir Pirgu …Vous en connaissez sûrement ! Quelques-uns ont d’ailleurs déjà chanté à l’ONP, mais cette saison : rien ou presque. Seule exception, les débuts de Martina Serafin, malheureusement dans une des plus horribles productions de Tosca qui puisse se concevoir.

Quelles raisons à cela ?

Un commentateur de France Musique suggérait récemment que la reprise de la Tétralogie consommait trop de budget. Pas celui des chanteurs en tout cas, car New-York, Londres et la Scala, cités précédemment, la proposent également. Sans être exceptionnelle, la distribution du Met propose Simon O’Neill, Katarina Dalayman, Stephanie Blythe, Martina Serafin … Celle de Covent Garden aligne Bryn Terfel, Eva-Maria Westbroek, John Tomlinson, Antonio Pappano. A la Scala de Milan, vous pourrez entendre Pape, Poplavskaya, Theorin, Meïer, O’Neill, Petrenko, Gubanova, sous la baguette de Daniel Barenboïm. Bien sûr, à Paris, on peut toujours critiquer : mais faire mieux ?

Le budget de l’ONP serait-il globalement insuffisant ? On en doute : avec 190 millions d’euros, il est analogue à celui de Metropolitan (environ 200 m€) et du Royal Opera (120 m€).

Le cachet des vedettes serait-il exagéré ? On nous affirme que le « top fee » (le cachet maximal attribué à un artiste lyrique) est de 15.000 € par soirée. Le surcoût entre un artiste correct et une star serait donc de quelques euros quand on le divise par le nombre de places. Pas de quoi fouetter un Domingo (qui chante au Châtelet, théâtre municipal), d’autant que le choix de la qualité peut se révéler un bon investissement (Pavarotti faisait vendre des abonnements entiers sur son nom pour une soirée).

A budget comparable, les prix de l’ONP seraient-ils particulièrement « populaires » ? Pas vraiment, d’autant que, chaque année, le nombre de places à bon marché diminue : cette saison, une centaine de places à 15€ passent à 35€ (un exemple parmi d’autres). Si l’Opéra de Paris communique sur plus de 350 places à un prix inférieur à 35€, le Metropolitan Opera en offre près de 900 à moins de 35$ (soit 26€).

Autre argument avancé, les gens ne viennent pas pour les stars mais pour les titres. Dans ce cas, à quoi sert un budget équivalent à celui des institutions nationales les plus renommées, si les coûts de production associés à une programmation prestigieuse ne sont pas assumés ? Plutôt que de consommer la plus grosse part du budget lyrique du ministère de la Culture, autant en restituer une partie à nos théâtres de province qui font souvent un travail excellent avec des bouts de ficelle.

Les anglo-saxons ne semblent d’ailleurs pas du même avis : si vous voulez du bel canto un peu rare, New-York vous attend avec une belle Maria Stuarda dominée par Joyce DiDonato (la saison dernière, Anna Netrebko chantait Anna Bolena). En revanche, si vous aimez l’opéra français et que vous pleurez d’avoir manqué Robert le Diable à l’ONP en 1986, vous pouvez aller à Londres, c’est là que ça se donne.

Les attentes du public

En admettant néanmoins que le critère du titre proposé soit celui qui ressort des études de marché, l’analyse qui en est faite n’est-elle pas simpliste ? Car la première question à se poser, c’est pourquoi un individu décide d’aller à l’Opéra ; la seconde, c’est pourquoi il y retourne. Nous avons tous des amis ou collègues qui nous ont demandé de leur faire découvrir l’opéra, parce qu’un certain prestige était associé à cet institution. Et ce prestige, il venait de l’enthousiasme des médias, des échanges enflammés sur Internet, du bouche à oreille, des échos qui découlent naturellement de la qualité des spectacles proposés, et non des titres. On parle de l’ONP quand il remonte tel ouvrage oublié, quand un chanteur exceptionnel est à l’affiche, quand une production novatrice déclenche une nouvelle querelle des anciens et des modernes … Pas quand on y monte la nième reprise de Tosca avec trois braillards plantés devant deux toiles peintes vieilles de 20 ans. Revenons à nos amis. Ils nous ont dit qu’ils aimeraient bien voir Carmen ou La Traviata, mais nous avons choisi pour eux un titre pas nécessairement très connu, avec une belle distribution, dans une production de qualité. Emballés, ils ont pris des places pour la saison prochaine : pour Carmen, bien entendu. En première catégorie (il ne restait plus que ça !). Et là, de deux choses l’une : ou bien c’était à nouveau génial, et ils sont vaccinés pour la vie (ils s’abonneront même la saison prochaine) ; ou bien c’était juste moyen et ils ne reviendront pas : quitte à faire une folie en claquant 500 € dans une soirée (entre les places, le parking et la nounou), autant s’offrir un trois étoiles du Michelin ou un week-end dans un Relais & Château.

Des prix de moins en moins en moins populaires, des titres sans originalité, des chanteurs majoritairement de seconde zone … soyons justes. Il y a quand même un point sur lequel Nicolas Joel aura tenu ses promesses : les productions les plus originales, les mises en scène les plus décalées, ont effectivement disparu de l’affiche. Faut-il s’en réjouir ?

Il faut sauver le soldat Joel
par Sylvain Fort

Il est un métier presque aussi ingrat qu’entraîneur de l’équipe de France de football : c’est directeur de l’Opéra de Paris.

Nous avons eu l’occasion de l’écrire dans ces pages : le lyricomane est par nature grincheux et insatisfait, et il ne rend les armes que devant de réelles prouesses (de programmation, de mise en scène, de performances vocales) – même si, alors, c’est avec un enthousiasme contagieux.

Le Directeur fait rarement l’objet de ses hommages. Chefs et chanteurs ont presque seuls droit à ses emballements. La haine, en revanche, lui est plus souvent qu’à son tour impartie. Pour s’en venger, Mortier a quitté Paris en crachant au visage du public parisien. Hugues Gall, pour d’autres raisons, a juré ses grands dieux qu’on ne l’y reprendrait plus. Avant eux, Liebermann n’a dû son salut qu’à des budgets démesurés, sortant la Grande Boutique d’une torpeur qui donnait à ses ennemis de principe (Boulez) de vicieuses espérances.

Ne réécrivons pas l’histoire. Rappelons seulement que chez nos voisins, les périodes de faste alternent avec les baisses de tension. Lissner à La Scala a connu des jours douloureux. Et Covent Garden doit presque tout au génie de Pappano. Tant mieux pour eux. Mais croit-on sincèrement qu’il ne se trouve pas au-delà des Alpes ou de la Manche des critiques pour dire vertement leur fait aux dirigeants de ces maisons ?

Second rayon ?

Parlons de Nicolas Joel. La diatribe de l’ami Jean-Michel est brillante et pour une bonne part nous en partageons les préoccupations. Nous avons, il y a quelques mois, déploré l’absence à Paris des « aigles royaux ». Mais il est évident que Nicolas Joel gère un héritage. La politique de Mortier a fait perdre à l’Opéra de Paris quelques années dans les agendas des stars d’aujourd’hui. Le retard à l’allumage se paye : les stars dont parle Jean-Michel ont été accueillies ailleurs, puis choyées, reconduites, suivies, et des liens de fidélité se sont créés, de loyauté aussi. Les chanteurs ne sont pas si mercenaires qu’on le croit. Ils aiment les lieux familiers et les têtes connues. Paris leur a tourné le dos, Paris n’est plus dans leurs priorités. Il y a ceux qui, parmi les stars mondiales, pourraient certes chanter à Paris. On en a vu quelques-unes ces dernières années, mais la saison prochaine nous en prive amplement. On le déplore. Mais cela suffit-il à faire de la saison cet « enfer » ? A nous aussi, d’ouvrir nos oreilles à ce que l’Opéra nous proposera. C’est toujours avec curiosité et intérêt qu’on attend les prestations d’Ambrogio Maestri, d’Ekaterina Siurina, de Gidon Saks, de Marianna Pizzolato, Michaela Kaune, sans parler de Nicola Beller-Carbone et Jane Archibald : certes, leurs noms sonnent moins joliment que Bryn Terfel ou Jonas Kaufmann, mais rangeons nos mouchoirs et essayons de ne pas décréter trop tôt qu’ils sont de seconde catégorie. Regardez leur agenda : tous chantent aussi les premiers rôles dans les théâtres dont parle Jean-Michel.

Toulouse vs. Paris

Continuons sur le cas Joel. Il aurait déçu. Ne serions-nous pas en train de juger le Joel de l’ONP d’après le Joel du Capitole ? A Toulouse, le nombre réduit d’œuvres, la relative légèreté de la structure, permirent à Joel de cultiver son jardin des voix. A Paris, l’enjeu est autre. Il faut du répertoire et des nouveautés, mais le répertoire pèse d’un poids tout particulier. Les exigences financières commandent souvent. Il faut satisfaire un public plus large et plus divers. Nicolas Joel n’a pas à Paris la liberté dont il jouissait à Toulouse. Et cependant, que voyons-nous ? Des exhumations de grande valeur venues du vérisme italien (après Francesca da Rimini et même Il Trittico, nous aurons La Gioconda), des originalités (après la rare Arabella, nous aurons Le Nain de Zemlinsky), du très grand public (Tosca, Carmen, Les Contes d’Hoffmann) et du plus exigeant (Khovantschina, Capriccio). Chaque amateur de lyrique nourrit un rêve secret : tel cast de rêve dans tel opéra rarissime. C’est vrai quoi ! Pourquoi Joel ne programme-t-il pas Das Schloss Durande avec Dorothea Röschmann, Jonas Kaufmann et Thomas Hampson ? Mais je vois déjà dans l’œil de mes amis belcantistes le dégoût qu’inspire une telle idée, et le Mosé in Egitto dont ils fantasment le retour me fait frémir d’angoisse… Soyez directeur de l’Opéra de Paris après ça…

Quelques coups d’éclat

Il n’en reste pas moins que Nicolas Joel fait mieux et plus que le job. D’abord, il a eu ce coup de génie qui a nom Philippe Jordan. L’orchestre de l’Opéra connaît sous sa conduite un état de grâce qu’on pensait inaccessible. Souvenez-vous de Cambreling-breling. Ensuite, les Chœurs ont retrouvé leur éclat. On en a souvent parlé ici, répétons-le : à sa puissance, ce chœur a ajouté une présence, une musicalité, une précision qu’on espérait plus, grâce à Patrick Marie Aubert, venu de Toulouse. Ces deux ensembles – Orchestre et Cheur -, sont tout simplement la colonne vertébrale de la maison. Ne les comptons pas trop vite pour rien. Ensuite, Nicolas Joel ne nous a pas seulement débarrassés des bidets en fonte et des nazis en string. Il a démontré leur vanité. De mise en scène archi-classique en revival contesté, de lecture audacieuse en lecture respectueuse, il a rouvert l’éventail, sans concession aux aberrations qui continuent de pourrir les scènes européennes. Enfin, il ne faut pas oublier que les productions éclatantes de Covent Garden, du Met, de Vienne, de Munich se paient de routines épouvantables. Il n’est pas vrai que le festival y soit permanent. D’affreuses soirées sans rien ni personne compensent tout cela. A Paris, on a fini de trahir le public avec du festival greffé sur du fonds de répertoire. L’Opéra de Paris est redevenu à un niveau bien plus qu’honorable ce qu’il est supposé être : un théâtre de répertoire. Tous les soirs se donne un spectacle qui, sauf exception, ne déçoit pas le public. A cela, un contexte social apaisé n’a pas peu contribué. S’il est un sujet qui interpelle davantage, c’est celui de la création contemporaine, impartie à des compositeurs certes valeureux mais un peu trop récurrents. Et cette saison n’offrira pas de création contemporaine. Il serait temps de passer commande à Thierry Escaich, Guillaume Connesson, Benoît Mernier ou Karol Beffa ! Peut-être aussi manque-t-il les deux ou trois spectacles où l’Europe lyrique voudra se ruer. Mais peu importe. Pour cela, nous avons les festivals : Bayreuth, Salzbourg, Glyndebourne, Aix-en-Provence. A eux, les stars, les affiches, les provocations, les innovations. A Paris, le cousu-main, la constance de qualité, la fiabilité et la sécurité. C’est pour cela que le grand public paye.

Nous autres, lyricomanes, ne sommes pas les meilleurs juges des qualités d’un directeur. Nous réclamons de la Formule 1, quand ils sont payés pour livrer une berline de bonne tenue. Nous exigeons du caviar où ils s’ingénient à mitonner de la cuisine bourgeoise. Ne manquons pas de les rappeler à la raison lorsqu’une production ou un choix artistique sont manifestement décevants et en-dessous de ce qu’ils sont supposés offrir. Mais essayons de ne pas oublier que diriger un théâtre est un métier d’artisanat et d’exécution : aussi aurions-nous mauvaise grâce à appliquer comme règle de jugement les seuls désirs de nos imaginations fertiles.

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