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GOUNOD, Faust — Paris (Bastille)

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Spectacle
23 mars 2021
Faust, Batman et Rosemary’s baby

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en cinq actes de Charles Gounod

Livret de Jules Barbier et Michel Carré, d’après l’œuvre de Goethe

Créé à Paris (Théâtre lyrique) le 19 mars 1859

Détails

Mise en scène

Tobias Kratzer

Décors et Costumes

Rainer Sellmaier

Lumières

Michael Bauer

Vidéo

Manuel Braun

Faust

Benjamin Bernheim

Méphistophélès

Christian van Horn

Valentin

Florian Sempey

Marguerite

Ermonela Jaho

Siebel

Michèle Losier

Dame Marthe

Sylvie Brunet-Grupposo

Wagner

Christian Helmer

Faust âgé

Jean-Yves Chilot (rôle muet)

Orchestre et chœurs de l’Opéra national de Paris

Chef des Chœurs

José Luis Basso

Direction musicale

Lorenzo Viotti

Paris, Opéra Bastille, vendredi 19 mars à 19h30

Elle était attendue cette nouvelle production de Faust après l’échec de la vision de Martinoty en 2011 – malgré la belle prestation de Roberto Alagna – et de son piètre toilettage réalisé par Jean-Romain Vesperini en 2015.
Il faut dire qu’il n’est guère facile de succéder à Jorge Lavelli dont la mise en scène avait déclenché à sa création en 1975 un scandale retentissant avant de devenir un classique du genre, maintes fois imité, qui a été repris durant près de trois décennies à Garnier puis à Bastille.

C’est à Tobias Kratzer qu’a échu la lourde tâche de remettre l’ouvrage sur le métier. Familier du grand opéra à la française, le jeune metteur en scène allemand a déjà monté Les Huguenots à Nice, Le Prophète à Karlsruhe, L’Africaine à Francfort et Guillaume Tell à Lyon. Il propose une vision spectaculaire de l’œuvre de Gounod, avec une parfaite maîtrise des effets spéciaux à couper le souffle, et un usage pertinent de la vidéo, confiée à Manuel Braun. Pendant près de trois heures, le public est embarqué dans une implacable course à l’abîme, au cours de laquelle il assiste, ébloui, à une succession de tableaux surprenants, parfois audacieux qui ne lui laissent aucun répit. L’intrigue est transposée de nos jours à Paris. Son point de départ est respecté, Faust est un homme mûr qui vit dans un appartement cossu, Méphisto est vraiment le diable et non pas un fantasme de Faust comme on l’a vu ailleurs. Cependant Kratzer prend quelques libertés avec certains événements du récit. Au lever du rideau, le « vieux » Faust campé par l’excellent Jean-Yves Chilot vient de s’offrir les services d’une prostituée qui ne l’a visiblement pas satisfait. Méphisto, entièrement vêtu de noir, une cape noire sur les épaules, surgit de derrière la bibliothèque, entouré par six démons et à la fin du premier tableau, il s’envole tel Batman, en agitant les bras, entraînant avec lui Faust dans les airs. Valentin et ses amis ne sont pas des soldats mais les membres d’une équipe de basket. Marguerite vit dans une HLM de banlieue, elle rencontre Faust dans une boîte branchée où elle se déhanche tout en consultant son portable. Le sortilège de Méphisto n’est pas permanent, Faust redevient vieux par moment, notamment à la fin de l’acte du jardin alors qu’il s’apprête à monter chez Marguerite pour la posséder. Méphisto prend alors sa place et déflore la jeune fille qui se retrouve enceinte du diable, comme dans le film Rosemary’s baby. D’ailleurs Kratzer semble apprécier les références cinématographiques. Déjà dans Guillaume Tell à Lyon, il avait transformé les Autrichiens en clones des trois méchants d’Orange mécanique. La scène de l’église, terrifiante, se déroule dans une rame du métro. Nous n’en dévoilerons pas davantage, le reste est à l’avenant.


Benjamin Bernheim, Jean-Yves Chilot, Christian Van Horn © Monika Rittershaus / Opéra national de Paris

Dans une interview que l’on peut voir sur le site de l’OnP, Kratzer dit avoir voulu montrer le désir obsédant de rester jeune qui caractérise notre société. Cela n’est pas très évident dans sa réalisation sauf lorsque Faust redevenu vieux est entravé dans son action et se retourne vers Mephisto pour retrouver sa jeunesse. Quant au dénouement, force est de reconnaître qu’il nous laisse quelque peu sur notre faim.  

La partition est donnée dans sa quasi-totalité avec la scène de la chambre, souvent coupée, qui se situe ici dans le cabinet d’un gynécologue où Marguerite, qui s’est rendue là en compagnie de Siebel, fait une étrange découverte en regardant son échographie. On y entend outre le magnifique air « Il ne revient pas », la réponse de Siebel « Versez vos chagrins dans mon âme ! ».


Ermonela Jaho, Michèle Losier © Monika Rittershaus / Opéra national de Paris

La distribution est dominée par le Faust exceptionnel de Benjamin Bernheim qui campe un héros éperdu, dépassé par les événements qu’il a lui-même déclenchés, soumis à Méphisto et torturé par le remords. Vocalement, le ténor français dispose d’un timbre clair et homogène, on ne peut qu’admirer l’élégance de sa ligne de chant qu’il parsème d’infinies nuances, notamment dans un « Salut demeure chaste et pure » de toute beauté, et la délicatesse de son phrasé. Ermonela Jaho est une Marguerite touchante, son timbre légèrement voilé lui permet de livrer une ballade du « Roi de Thulé »  particulièrement émouvante et d’interpréter avec beaucoup de retenue l’air des bijoux. On n’oubliera pas de sitôt les gros plans de son visage terrorisé dans la scène du métro. Au dernier tableau son « Anges purs, anges radieux » bien projeté et couronné d’un aigu brillant lui vaut une ovation méritée. Scéniquement, Christian van Horn est un Méphisto convaincant, qui tire toutes les ficelles du jeu avec une délectation non dépourvue d’humour. La voix est claironnante, notamment dans « Le veau d’or » qui flatte ses meilleures notes, mais manque par moment de profondeur. Sa sérénade, sarcastique à souhait est phrasée avec soin avec toutefois un français perfectible. Florian Sempey campe un Valentin brut de décoffrage, primaire et borné. L’ampleur de sa voix, l’aisance de son registre aigu lui permettent d’offrir une scène finale particulièrement poignante. En revanche on aurait aimé davantage de nuances dans « Avant de quitter ces lieux » mais sans doute, son interprétation tout en force de cet air sied davantage à sa conception du personnage. Sylvie Brunet est une dame Marthe épatante en jean et baskets, elle ne fait qu’une bouchée d’un rôle qui ne comporte aucune difficulté pour elle. Sur la scène, Michèle Losier est parfaitement crédible en jeune garçon mais vocalement son incarnation d’adolescent amoureux transi ne parvient pas à convaincre totalement, peut-être à cause de son timbre trop clair. Christian Helmer campe un Wagner tout à fait honorable. Enfin n’oublions pas les Chœurs remarquablement préparés par José Luis Basso dont c’était la dernière collaboration avec l’OnP. En dépit des masques, obligatoires en ces temps de pandémie, saluons leur « Gloire immortelle de nos aïeux » d’une haute tenue.  

Lorenzo Viotti propose une direction éminemment théâtrale avec des tempos contrastés.

Dommage que ce spectacle n’ait été joué que deux fois à huis clos. Il sera cependant retransmis le vendredi 26 mars sur France 5 à 20h55 en attendant que le public puisse l’apprécier dans la salle enfin rouverte, à l’occasion d‘une prochaine reprise.     

 

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Créé à Paris (Théâtre lyrique) le 19 mars 1859

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Mise en scène

Tobias Kratzer

Décors et Costumes

Rainer Sellmaier

Lumières

Michael Bauer

Vidéo

Manuel Braun

Faust

Benjamin Bernheim

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Valentin

Florian Sempey

Marguerite

Ermonela Jaho

Siebel

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Dame Marthe

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Wagner

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Paris, Opéra Bastille, vendredi 19 mars à 19h30

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