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HAENDEL, La resurrezione – Beaune

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Spectacle
15 juillet 2025
La resurrezione sans maître

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Oratorio sacré
Musique de Georg Friedrich Haendel sur un livret de Carlo Sigismondo Capece, créé à Rome le 8 avril 1708

Détails

Angelo
Suzanne Jerosme
Maddalena
Céline Scheen
Cleofe
Margherita Maria Sala
Giovanni
Thomas Hobbs
Lucifero
Thomas Dolié

Le Banquet Céleste

Basilique Notre-Dame de Beaune, vendredi 11 juillet 2025, 21h

Après le départ de leur directeur musical Damien Guillon, les musiciens du Banquet Céleste ont décidé de poursuivre leur aventure collective sans chef. L’ensemble Les Dissonances, hélas aujourd’hui dissous, a montré que c’était un modèle de direction artistique possible et qui pouvait donner de grands résultats musicaux. Dans le répertoire baroque, cette approche prend presque des allures de pratique historiquement informée : la figure du chef telle que nous la connaissons aujourd’hui surgit très tardivement dans l’histoire interprétative et, avant le XIXe siècle, c’était souvent le premier violon ou le claveciniste qui menait l’ensemble des instrumentistes.

Ce qu’il y a de très beau et de passionnant dans une telle entreprise, c’est qu’elle oblige ostensiblement les instrumentistes à s’écouter et se regarder les uns les autres, plutôt qu’à diriger toujours leur regard vers un point central. Dans une musique à l’instrumentation aussi variée et virtuose que La resurrezione de Haendel, il est beau de voir ainsi l’attention circuler d’un instrument à l’autre, du hautbois à la viole, du premier violon aux flûtes à bec. On a l’impression de voir la musique naître sous nos yeux, avec un plaisir partagé entre les musiciens et le public, surtout lorsqu’on retrouve des interprètes aussi fabuleux que Lucile Boulanger à la viole ou Patrick Beaugiraud au hautbois. Cependant, puisque les chanteurs sont placés dos à l’orchestre, un certain degré de précaution s’impose inévitablement. Les tempos choisis sont globalement plutôt lents, probablement pour que tout le monde puisse suivre sans accroc. De fait, l’exécution est d’une grande précision, ne souffrant d’aucune sortie de route ou de décalage intempestif, mais l’ensemble manque de relief dramatique ou de partis pris plus nets. Peut-être après tout que cette atmosphère de sérénité générale, jusque dans les airs plus ténébreux, relève d’un choix interprétatif délibéré. Assumé de la sorte, on ne peut que lui opposer notre goût subjectif. On aurait donc été personnellement plus comblé s’il y avait eut plus de contrastes dynamiques, d’angoisse et de trouble, mais cette version mesurée, presque protestante, a le mérite d’être singulière. Quoi qu’il en soit, il est probable qu’une lecture plus dirigiste et nerveuse ait de toute manière été troublée par l’acoustique réverbérante de la Basilique, un lieu certes somptueux, mais peu propice à la mise en valeur des détails musicaux.

La question de l’utilité du chef d’orchestre, avant même celle de sa fonction, intrigue souvent les néophytes. À quoi peut bien servir ce monsieur ou cette dame qui s’agite ainsi devant les musiciens ? Une tentative de réponse consisterait à envisager le travail qui doit être fait en amont de la représentation : le chef est celui qui unifie les tempéraments et les esthétiques des différents interprètes autour d’une lecture cohérente de l’œuvre. Il arrive cependant parfois, même avec un chef, que les chanteurs paraissent un peu déconnectés les uns des autres, comme évoluant en parallèle, comme s’ils appartenaient à des mondes distincts. C’est un peu ce que l’on a ressenti par moments lors de ce concert, sans que l’on puisse dire avec certitude si l’absence de chef en est la cause. En tout cas, nous avions affaire à de fortes personnalités vocales (et scéniques), dont l’engagement individuel, à une exception près, ne faisait aucun doute.

Suzanne Jerosme, qu’on avait découvert dans le même rôle au Théâtre des Champs-Élysées l’automne dernier, propose une interprétation idéale de l’Ange. Ce personnage, rayonnant et glorieux, fait son entrée dans un air virtuose accompagné par les cuivres, dont la chanteuse ne fait qu’une bouchée, grâce à une gestion exemplaire du souffle et une vocalisation brillante. Elle donne à tous ses récitatifs une dimension vive et piquante, attentive à toujours dire le texte. Ses airs plus recueillis, comme les volutes envoûtantes de « Se per colpa di donna infelice », sont rendus avec une grande délicatesse, jamais mièvre. Une artiste à suivre, assurément. Face à elle se dresse le Lucifer incisif et très en verve de Thomas Dolié. La voix assume aussi bien les aigus cinglants que les graves abyssaux exigés par Haendel, avec beaucoup d’autorité et de mordant. Notons que, comme chez tous les autres interprètes, les da capo de ses airs sont variés, avec une grande originalité et beaucoup d’aplomb.

La Marie-Madeleine de Céline Scheen passe de l’ombre de la lamentation à la lumière de la foi avec une palette expressive remarquable. L’émission est un peu engorgée, la diction floue et le timbre a quelque chose d’étouffé et de feutré, mais l’interprète parvient toutefois à incarner une figure habitée, particulièrement poignante dans les airs lents, comme « Per me già di morire » où la voix se serre contre les descentes chromatiques du hautbois, dans un dialogue empreint de douleur contenue. Son exaltation presque malicieuse après l’annonce de la résurrection donne à sa Madeleine les accents d’une véritable « folle de Dieu ». À ses côtés, Margherita Maria Sala, que nous avions découverte en ces lieux dans un tout autre répertoire, impressionne par la souveraine noblesse de sa Cléophas. L’expression est d’un dépouillement remarquable, sans rien de ce qu’on appelle communément des « effets » – qui peuvent parfois avoir leur charme. Son timbre chaleureux se déploie avec une aisance et une puissance qui force l’admiration et, pour ne rien gâcher, l’italien est d’une clarté radieuse. Sans forcément la comparer à d’autres voix auxquelles on pense inévitablement, on pressent toutes les merveilles qu’elle pourrait accomplir dans d’autres œuvres et dans d’autres répertoires…

Seule véritable ombre au tableau, le saint Jean de Thomas Hobbs peine à convaincre. Le timbre est pourtant beau, la voix soutenue sur l’ensemble de la tessiture, mais l’expression est d’une placidité constante. Le « disciple que Jésus aimait » semble affligé au point d’avoir sombré dans l’apathie la plus complète, dont même l’annonce de la résurrection du Christ ne parvient à le tirer. Pour ne rien arranger, l’italien est très peu idiomatique et la déformation anglicisée du texte nuit à son éloquence. Quoi qu’il en soit, on ne boudera jamais notre plaisir d’entendre cette œuvre de la toute première jeunesse de Haendel – il n’avait que 23 ans –, d’une inventivité et d’une richesse qu’on serait tenté, par boutade, de dire inégalées dans le reste de sa production. Elle est aujourd’hui jouée presque aussi souvent que ses grands oratorios anglais et c’est tant mieux. Si Haendel avait voulu éblouir les Romains de 1707 avec un oratorio sacré foisonnant d’idées et de théâtre, comme il le fera avec Rinaldo en arrivant à Londres quelques années plus tard, il ne s’y serait sans doute pas pris autrement.

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Musique de Georg Friedrich Haendel sur un livret de Carlo Sigismondo Capece, créé à Rome le 8 avril 1708

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Suzanne Jerosme
Maddalena
Céline Scheen
Cleofe
Margherita Maria Sala
Giovanni
Thomas Hobbs
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Le Banquet Céleste

Basilique Notre-Dame de Beaune, vendredi 11 juillet 2025, 21h

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