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HALÉVY, La Juive — Stuttgart

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Spectacle
1 avril 2012
Intégrale, ou presque !

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Détails

Fromental HALÉVY

La Juive

Opéra en cinq actes sur un livret d’Eugène Scribe

Créé le 23 février 1835 à Paris (Académie Royale de Musique)

Mise en scène

Jossi Wieler, Sergio Morabito

Décors

Bert Neumann

Costumes

Nina von Mechow

Chorégraphie

Demis Volpi

Lumières

Lothar Baumgarte

Eudoxie

Catriona Smith

Rachel

Tatiana Pechnikova

Éléazar

Gilles Ragon

Brogni

Liang Li

Léopold

Dmitry Trunov

Ruggero

Karl-Friedrich Dürr

Albert

Motti Kastón

Staatsorchester Stuttgart

Staatsopernchor Stuttgart

Direction musicale

Sébastien Rouland

Opéra de Stuttgart, dimanche 1er avril 2012, 17h

 

 

Le grand opéra français semble connaître actuellement un regain de faveur sur les scènes européennes. Après Les Huguenots bruxellois qui viennent de triompher à Strasbourg et juste avant que le rideau de la salle Favart ne se lève sur La Muette de Portici, l’Opéra de Stuttgart propose une reprise de La Juive. Créée en mars 2008, autour de l’Éléazar de Chris Merritt, cette production avait fait grand bruit à l’époque, notamment parce que, hormis quelques mesures de récitatif et un fragment du ballet, la partition y est donnée sans coupures, ce qui permet d’entendre des pages qui ne figurent dans aucun enregistrement, à commencer par l’intégralité de l’ouverture, habituellement tronquée. Au cours de la représentation, on découvre ici un chœur inédit, là un air avec sa reprise, et l’on se rend compte que l’ouvrage trouve ainsi sa cohérence et gagne en intensité dramatique.

Le décor monumental, se compose de plusieurs éléments tout en bois, disposés sur un plateau tournant afin de faciliter les changements à vue : au premier acte, une place avec à gauche le portail d’une église et à droite la demeure d’Éléazar. Au deux, l’intérieur de la maison sur trois niveaux, permet d’astucieux jeux de scène. L’appartement d’Eudoxie, au trois, ressemble à une loge d’artiste avec son miroir entouré d’ampoules lumineuses. Enfin, au quatre, une gigantesque structure évoque l’intérieur d’une prison tandis que le dernier acte se déroule sur la même place que le un.
 
Jossi Wieler et Sergio Morabito proposent une mise en scène d’une grande lisibilité avec une direction d’acteurs précise et inventive. Les deux premiers actes sont traités avec une certaine distanciation, les metteurs en scène n’hésitant pas à disséminer ici ou là quelques gags : au lever du rideau, les personnages, en costumes contemporains, finissent par se déguiser au cours de la fête en revêtant des habits moyenâgeux. Au début du deux, le dialogue entre Éléazar et Eudoxie en présence de Léopold, qui tente de dissimuler son visage derrière un livre, est traité comme une scène de comédie. En revanche au trois, après le ballet, représenté sous forme de pantomime jouée par des enfants, le drame reprend le dessus avec des effets spectaculaires : le sac de la maison d’Éléazar à la fin du quatre, évoque les heures les plus sombres du nazisme et le dénouement aussi brutal qu’inattendu laisse le public pantois : au moment où Brogni supplie Éléazar de lui dire où est sa fille, celui-ci répond : « La voilà » en tirant sur Rachel une balle à bout pourtant.
 

 

La distribution, composée essentiellement de membres de la troupe locale, défend avec conviction cette partition complexe et s’en tire avec les honneurs. Karl-Friedrich Dürr et Motti Kastón sont irréprochables dans leurs rôles épisodiques, le second avec de surcroît une excellente diction. Dmitry Trunov possède un timbre clair, avec un aigu facile, émis en voix mixte, qui fait merveille dans sa sérénade du premier acte, « Loin de son amie » chantée tout en nuances. Au deux, son grand duo avec Rachel montre qu’il est également capable de vaillance. Catriona Smith est une Eudoxie d’une belle allure. Dotée d’une voix plus corsée que celle d’une soubrette, elle enchaîne, au début du trois, l’air « Tandis qu’il sommeille », avec ses vocalises, ses trilles et sa grande cadence conclusive qu’elle exécute avec brio, le duo avec Rachel, et enfin le boléro « Mon doux seigneur et maître » dont elle donne les deux couplets. Scéniquement la cantatrice écossaise s’intègre parfaitement à la vision du metteur en scène qui la fait apparaître au début de l’acte trois, assise devant son miroir, vêtue d’un déshabillé qui laisse entrevoir ses bas et son porte-jarretelles.

Écrit pour Cornélie Falcon, le rôle de Rachel est plus difficile à distribuer : Tatiana Pechnikova en possède les moyens. Le medium est solide, le grave consistant et la cantatrice se permet même le luxe de conclure l’acte trois avec un contre-ré insolent. Si le timbre n’a rien d’exceptionnel, l’incarnation théâtrale du personnage est tout à fait convaincante. Dommage que son français soit, la plupart du temps, incompréhensible. Succédant à Chris Merritt, Gilles Ragon propose un Éléazar à la fois autoritaire et introverti dont il parvient à suggérer toute l’ambiguïté. Sa prière « O Dieu de nos pères » qui ouvre le deuxième acte est un modèle de retenue et d’émotion avec un style et une diction irréprochables. A partir du troisième acte, le ténor semble lutter contre un registre aigu qui devient de plus en plus rebelle ce qui nous vaut, à la fin du quatre, un « Rachel, quand du Seigneur » déchirant. Cependant il ne parvient pas tout à fait à éviter l’accident vocal au cours de la redoutable cabalette qui conclut l’acte. Au rideau final, le public lui réserve néanmoins une ovation bien méritée. Enfin, la basse Liang li a fait grande impression dans le rôle du Cardinal de Brogni. Le timbre est de bronze, et la voix, homogène sur toute la tessiture, possède un registre grave impressionnant et sonore. Sa cavatine « Si la rigueur » est un des grands moments de la soirée. De plus, l’acteur excelle à traduire les différentes facettes de ce personnage tourmenté et son français est tout à fait intelligible.

Sébastien Rouland propose une direction rigoureuse et précise où le drame va crescendo jusqu’au final du trois, proprement hallucinant. Il convient également de souligner l’excellence des chœurs, dont l’importance est considérable dans cet ouvrage.

Une soirée électrisante où l’on découvre enfin le vrai visage de ce grand opéra. Plus de quatre heures de musique sans le moindre temps mort ; voilà qui prouve que, comme pour Les Huguenots d’Olivier Py, l’absence de coupures, loin de lasser ou d’ennuyer le spectateur, capte davantage son intérêt.       

 

 

 

 

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Jossi Wieler, Sergio Morabito

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