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MASSENET, Grisélidis – Montpellier

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Spectacle
6 juin 2023
Grisélidis, ou l’amour conjugal

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Conte lyrique en trois actes, avec un prologue

Musique de Jules Massenet

Poème de Armand Silvestre et Eugène Morand (d’après Le Mystère, représenté à la Comédie-Française)

Création le 20 novembre 1901 à Paris, Opéra-Comique

 

Version de concert

Détails

Grisélidis

Vannina Santoni

Alain

Julien Dran

Le Marquis

Thomas Dolié

Le Diable

Tassis Christoyannis

Fiamina

Antoinette Dennefeld

Bertrade

Adèle Charvet

Le Prieur

Thibault de Damas

Gondebaud

Adrien Fournaison

 

Choeur Opéra national Montpellier Occitanie

cheffe de choeur

Noëlle Gény

Orchestre national Montpellier Occitanie

direction musicale

Jean-Marie Zeitouni

 

 

 

Montpellier, Opéra Berlioz, Le Corum, le 2 juin 2023, 20 h

 

 

La résurrection de cette Grisélidis, due à la collaboration entre le Palazzetto Bru Zane et l’Opéra de Montpellier, est à marquer d’une pierre blanche. Dans un tout autre registre que Fidelio, c’est en effet le triomphe de l’amour conjugal. A contrario du thème si fréquent de l’infidélité des femmes comme de leurs maris, de leur faible résistance à la moindre tentation, nous avons là un couple héroïque qui surmontera les pièges tendus par le Malin, avec l’aide de Sainte Agnès… L’ouvrage est rare (1), singulier par son sujet où se conjuguent avec bonheur une religiosité naïve et la franche comédie. Un jeune noble chasse dans les bois et y rencontre une femme-enfant, s’en éprend. Il l’épousera et en aura un fils… Là s’arrête la ressemblance de Grisélidis avec le livret de Maeterlinck pour Pelléas et Mélisande, l’ouvrage lyrique exactement contemporain le plus célèbre (2). La gestation de l’ouvrage par Massenet fut plus longue qu’aucune autre, et sans doute y consacra-t-il beaucoup plus de temps qu’à Werther ou Manon. Comédie (« Comédie lyrique ») douce-amère, où un couple exemplaire, Grisélidis et le Marquis, est doublé par le Diable, qui a juré de détourner l’héroïne de sa fidélité, avec Fiamina, sa complice (3). Ajoutez Alain, qui n’a cessé d’aimer Grisélidis, quelques seconds rôles, et le tour est joué. Si l’histoire, aux racines anciennes et renouvelées (4) a inspiré quantité d’ouvrages lyriques, elle est ici totalement recomposée, entre la Légende dorée et le fabliau. On n’est pas loin de l’esprit du Décaméron originel.

La version de concert, enregistrée ce soir, nous dispense heureusement des interprétations psychanalytiques (Le Marquis et le Diable, deux faces d’un même homme) ou transposées. Ainsi l’attention est-elle exclusivement focalisée sur la musique et ses interprètes. On ne sait qu’admirer le plus. Massenet connaît son Gounod, comme son Wagner. Le sens dramatique et l’écriture traduisent une richesse singulière et renouvelée. Les qualités prosodiques, rares pour un texte versifié, permettent à chacun de comprendre, sans devoir recourir au sur-titrage. Commençons donc par rendre hommage à Jean-Marie Zeitouni, premier artisan de cette incontestable réussite. Son amour pour Massenet, ancien et constant, doit être rappelé. La direction qu’il imprime est exemplaire d’intelligence, d’efficacité, humble, toujours dévouée au texte, sans pathos ajouté, attentive à chacun comme à tous. Le résultat est confondant de justesse, de vie et d’émotion. Porté par un souffle continu, l’orchestre, pleinement investi, raffiné, sait rire comme jouer la grandeur, avec le lyrisme pour constante. La poésie, le mystère, la fièvre mais aussi la verve sont bien là. Les couleurs, l’élégance servent une expression dramatique passionnante.

La distribution superbe ne comporte aucune faiblesse. Grisélidis, épouse et mère, a trouvé sa voix dans la grande soprano lyrique Vannina Santoni. Pureté d’émission, un aigu lumineux, des graves solides, la voix est ample, libre et longue, aux phrasés ciselés. Le récitatif « La mer ! Et sur les flots… » enchaîné à l’air « Il partit au printemps », suivi de la prière avec Loys, peuvent-ils être mieux servis ? L’émotion est juste et ne nous quittera pas. Thomas Dolié nous vaut un Marquis passionnément épris de sa femme. Le baryton prend ici les accents héroïques de la noblesse, dont la tendresse est évidente, dès son éblouissement du début. Humain, sensible, tourmenté, mais courageux, le personnage que vit le chanteur nous fait partager ses émotions, ses interrogations. La tenue vocale est exemplaire d’élégance et de classe.

A la création, le personnage essentiel du diable, familier à l’opéra depuis le Kaspar du Freischütz, le Bertram de Robert le Diable, de Méphisto, et de dizaines d’autres, avait trouvé en Lucien Fugère une incarnation propre à ravir les spectateurs. Un bon diable, oserait-on écrire, s’il n’était malfaisant, car les traits comiques abondent, on le croirait tout droit sorti de l’enfer burlesque de l’Alceste de Lully. Tassis Christoyannis campe un Diable de théâtre jovial, truculent, couard et paresseux, libertin de l’école de Don Alfonso. Sans outrance ajoutée, facétieux, son chant, est savoureux pour un bonheur constant. Le marchand d’esclaves sert son texte avec délectation et abattage. Comment résister à ses couplets qui ouvrent le deuxième acte (« Loin de sa femme qu’on est bien ») ? La Fiamina d’Antoinette Dennefeld, intervient peu, mais son autorité vocale, impérieuse et subtile, excelle à faire vivre l’épouse délurée et jalouse du Diable.

Seul ténor de la distribution, l’amant poétique, Alain, est ici confié à Julien Dran. Ses interventions font forte impression, dès le début du prologue « Ouvrez-vous sur mon front… », où sa passion s’exprime dans toute sa force, jusqu’à son retour, orchestré par le Diable (« Je suis l’oiseau »). La voix généreuse, au style irréprochable, sait se faire héroïque, vaillante comme d’une fragilité émerveillée. Bertrade, la suivante de Grisélidis, est l’adorable Adèle Charvet. Sa chanson d’amour « En Avignon pays d’amour », est ravissante. La lecture du retour d’Ulysse, où la voix parlée se substitue au chant, est un moment fort pour conclure le premier acte. La voix est sûre, chaleureuse et séduisante. Le Prieur (Thibault de Damas) et Gondebaud (Adrien Fournaison) complètent avec bonheur cette distribution de luxe.

Les rares interventions du chœur sont bienvenues, en coulisses, concernant presqu’exclusivement les illustrations religieuses, de l’Alleluia au Magnificat.

Exceptionnels sont les concerts et spectacles qui emportent l’adhésion sans la moindre réserve. Ce fut le cas. Le public, conquis, en un même élan, ovationne longuement les interprètes. Le délicieux ouvrage de Massenet ne méritait pas l’indifférence dans laquelle il semblait tombé. Les Parisiens pourront en juger le 4 juillet au TCE, avant que l’enregistrement soit commercialisé, permettant à chacun d’en faire son miel.

(1) Jamais donné depuis sa courageuse exhumation à Saint-Etienne, en 1992, il attend sa mise en scène depuis 1942.
(2) Comme Pelléas et Mélisande, Grisélidis fut créée par André Messager, avec une mise en scène d’Albert Carré et des décors de Jusseaume, à l’Opéra-Comique.
(3) Comme dans la Flûte enchantée, deux couples sont opposés, l’un noble, l’autre bouffe.
(4) Boccace conclut son Décaméron avec l’histoire du marquis de Saluces, dont s’inspira Zeno pour un livret souvent mis en musique, avant que Charles Perrault lui consacre un de ses contes.

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Conte lyrique en trois actes, avec un prologue

Musique de Jules Massenet

Poème de Armand Silvestre et Eugène Morand (d’après Le Mystère, représenté à la Comédie-Française)

Création le 20 novembre 1901 à Paris, Opéra-Comique

 

Version de concert

Détails

Grisélidis

Vannina Santoni

Alain

Julien Dran

Le Marquis

Thomas Dolié

Le Diable

Tassis Christoyannis

Fiamina

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Bertrade

Adèle Charvet

Le Prieur

Thibault de Damas

Gondebaud

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Choeur Opéra national Montpellier Occitanie

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Noëlle Gény

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direction musicale

Jean-Marie Zeitouni

 

 

 

Montpellier, Opéra Berlioz, Le Corum, le 2 juin 2023, 20 h

 

 

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