Forum Opéra

SCARLATTI Alessando, Stabat Mater – Ambronay

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Spectacle
18 septembre 2025
Avant Pergolèse, en plus audacieux et riche

Note ForumOpera.com

3

Détails

Alessandro Scarlatti

La Maddalena penitente , Parte seconda : Sinfonia

Defecerunt prae lacrimis : Lectio Prima Feria vi Maioris Hebdomade

Notte ch’in carro d’ombre : Vieni, o notte, e in questo petto

Mentre un Zeffiro Arguto : Sinfonia

Stabat Mater

Marie Théoleyre, soprano et direction (avec Guillaume Haldenwang, clavecin et orgue)

Rémy Brès-Feuillet, contre-ténor

La Palatine

 

Ambronay, Festival, 13 septembre 2025, 15h

 

 

La relative brièveté du Stabat mater impose toujours un complément de programme. Ce sont quatre pièces, deux sinfoniae encadrant deux airs qui introduiront la célèbre hymne dont le texte est attribué à Jacopone da Todi. Alors que les six instrumentistes de La Palatine ont pris place et qu’on attend la première sinfonia, c’est la voix de Marie Théoleyre qui résonne, nue, entonnant un Alleluia de plain-chant (ou laude ?), que reprend Rémy Brès-Feuillet, avant que leurs voix s’unissent. Excellent moyen de susciter une attention forte tout en créant une atmosphère de recueillement, en accord avec les pièces retenues. Les mélismes sont bien conduits, malgré de petits soucis de justesse. Le violoncelle sera ponctuellement affecté de la même réserve au début de la sinfonia de La Maddalena penitente. L’imprécision des cordes sera vite contredite et les nombreux passages staccato du Stabat mater seront autant de réussites. Deux airs suivent, dont les textes, pathétiques, appellent l’illustration la plus baroque. Le premier, confié au contre-ténor, souvent apprécié dans ce répertoire, confirme son aisance, la rondeur de son émission, comme sa longueur du souffle. L’écriture raffinée de Scarlatti séduit à plus d’un titre, dans le jeu d’imitations confié aux instruments. Une cantate de chambre suit, d’un caractère voisin, grave et animé, sur un beau motif de ritournelle. La conduite de notre soprano, comme son attention au texte, retiennent l’attention, plus que le timbre ou les aigus projetés sans grâce. La sinfonia « Mentre un Zeffiro Arguto », à trois, ferme agréablement cette introduction. On en retiendra le beau jeu des violons, articulé, animé, quasi dansant. Ces derniers, très sollicités, virtuoses dans le Stabat Mater, y seront quelque peu écrasés par des basses trop sonores (théorbe, violoncelle, contrebasse, orgue).

Le texte  diffère ponctuellement de celui qui nous est familier, avec quelques variantes, alors fréquentes. D’une douzaine d’années postérieur (1), le Stabat mater de Pergolèse est écrit pour deux castrats. En était-il de même de celui de Scarlatti ? Sans doute. Il y a maintenant des années que la partie d’alto (notée en clé d’ut 3e dans l’original) est confiée à un contre-ténor, quand ce ne sont pas les deux voix (2). Pourquoi pas, même si les habitudes sont dérangées ? Il faudra attendre quelques numéros pour que nos musiciens trouvent la confiance et l’épanouissement généreux qui marqueront la suite. Ainsi, la ponctuation lancinante de l’adagio initial est estompée, tout comme les oppositions piano – forte, ce qui surprend (3). On ne détaillera pas les vingt numéros, parfois très brefs (14 mesures suffisent pour le magnifique largo Fac me cruce, confié au contre-ténor), qui conduisent à l’Amen final. Huit tonalités principales pour une vingtaine de pièces traduisent bien la volonté du compositeur de faire appel à toute la palette expressive (rappelons que le tempérament égal n’avait pas cours et que les couleurs tonales étaient alors différenciées). L’extrême richesse qui caractérise chacune des pièces fait de cette œuvre une mosaïque où le compositeur explore tous les procédés dont il dispose pour traduire la force et l’émotion qu’appelle la déploration. Certes, le pathétique de Pergolèse a conquis les âmes et les cœurs, mais sans doute serait-il temps de nous pencher sur l’œuvre de son prédécesseur, moins directe, mais plus riche, plus intérieure.

Le chant de chacune et chacun est stylé, parfois agrémenté ponctuellement. La liberté est à portée de voix. Les cinq duos sont équilibrés, et le dialogue fructueux. Si c’est l’alto (ici notre contre-ténor) qui intervient le plus longuement, les deux solistes doivent affronter les mêmes difficultés : lignes très distendues, vocalises virtuoses, ornements notés ou ajoutés, longueur de voix. Et les deux s’en sortent avec bonheur. Tumultueux, intensément dramatique, tendu, Quis est homo nous vaut une belle illustration de « in tanto supplicio » que notre soprane conduit sans peine. Le « Fac me vere tecum flere », (andante smorzando [en affaiblissant]), avec les violons détachés, comme fréquemment la basse, où les longues vocalises figuralistes abondent, est fort bien défendu par notre contre-ténor. Les tensions harmoniques, les modulations surprenantes, les suspensions dramatiques confèrent à ces pages une modernité singulière. L’assistance retient son souffle, après avoir réfréné ses applaudissements depuis le début : nos valeureux interprètes seront chaleureusement ovationnés. Offerte en bis, la première pièce du Stabat mater de Pergolèse ravit le public, conquis par leur engagement.

  • 1. Pour remplacer celui de Scarlatti, il fut vraisemblablement commandé par la même confraternité napolitaine. 
    2. Ainsi, Sabadus, Minasi, Mead, Mineccia, Marino, Orlinski, et d’autres. 
    3. Toutes les suites de notes brèves répétées (parfois marquées « tremolo ») souffrent d’une expression minorée, dont l’articulation appelait un traitement plus rythmique. Les lignes de basse descendantes, porteuses de sens, appellent également un jeu spécifique.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

3

Légende

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Détails

Alessandro Scarlatti

La Maddalena penitente , Parte seconda : Sinfonia

Defecerunt prae lacrimis : Lectio Prima Feria vi Maioris Hebdomade

Notte ch’in carro d’ombre : Vieni, o notte, e in questo petto

Mentre un Zeffiro Arguto : Sinfonia

Stabat Mater

Marie Théoleyre, soprano et direction (avec Guillaume Haldenwang, clavecin et orgue)

Rémy Brès-Feuillet, contre-ténor

La Palatine

 

Ambronay, Festival, 13 septembre 2025, 15h

 

 

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

L’émotion de la beauté accomplie
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Le ravissement, teinté de frustration
Kathryn LEWEK, Katarina BRADIĆ, Carlo VISTOLI
Spectacle