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VERDI, Otello – Aix-en-Provence

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Spectacle
18 juillet 2023
Et si l’opéra c’était mieux sans ?

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Drame lyrique en quatre actes
Livret d’Arrigo Boito d’après The Tragedy of Othello, The Moor of Venice de William Shakespeare
Créé le 5 février 1887 à Milan (Teatro alla Scala)

Version de concert

Détails

Otello

Arsen Soghomonyan

Desdemona

Maria Agresta

Iago

Ludovic Tézier

Cassio

Giovanni Sala

Emilia

Enkelejda Shkoza

Roderigo

Carlo Bosi

Lodovico

Alessio Cacciamani

Montano

Giovanni Impagliazzo

Un araldo

Giuseppe Todisco

 

Choeur du Teatro di san Carlo

Maîtrise des Bouches-du-Rhône

Orchestre du Teatro di San Carlo

Direction musicale

Michele Mariotti

 

Aix-en-Provence (Grand Théâtre de Provence)

Lundi 17 juillet 2023, 20h

 

Il y a de belles leçons à tirer de cette unique représentation d’Otello en version concert donnée au Grand Théâtre de Provence, dans le cadre du 75e festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence. Représentation qui a soulevé d’enthousiasme un public qui, en arrivant  sous une canicule affolante, bruissait d’une seule question, entendue dans toutes les langues, comme il se doit : qu’allait-on penser de celui, inconnu de beaucoup, qui allait remplacer Jonas Kaufmann, forfait pour cause de méforme ?

La réponse s’impose d’emblée, elle est unanime et c’est le premier enseignement de la soirée ; Arsen Soghomonyan, ancien baryton, aujourd’hui ténor arménien, a frappé un grand coup et marqué les esprits ; les esprits et sans doute des points pour sa carrière : lui qui a déjà tenu ce rôle à Berlin sous Mehta, à Munich, Trieste ou encore Bucarest entre en pleine lumière dans la peau du Maure maudit. Avouons que nous ne savions pas à quoi nous attendre, mais les deux premiers actes ont balayé tous les doutes. Les deux premiers actes ? Oui, d’abord parce que l’entame du III a révélé que la voix, tant sollicitée avant l’entracte pouvait très temporairement se voiler – toutefois sans conséquence majeure. Et puis parce que les deux premiers actes sont ceux qui sollicitent le plus les extrémités de la tessiture et les plus hauts degrés de puissance. Et là, Soghomonyan ni ne faiblit ni ne faillit. Tout commence par un « Esultate » impeccable où la liesse est densifiée, portée à un paroxysme effrayant ; et puis c’est l’enchaînement des scènes et des duos (avec Desdémone, Iago), où la voix se plie à toutes les inflexions nécessaires : colère contre Cassio, amour passion partagé avec Desdémone, complicité avec Iago. Il faut entendre cette voix brunie par la passion, déversant tantôt la foudre et tantôt les torrents de miel ; il faut se laisser happer par l’amplitude, la longueur, le souffle qui nous crispent sur les sièges. Il faut voir le colosse invincible d’abord, statue de roc, vacillant pourtant si vite, puis devenant hagard, hébété, hypnotisé, aveuglé par sa propre crédulité et la rouerie de Iago, tombant même à genoux au « Sangue » dont le souvenir fait encore frémir ; il fallait voir enfin la soudaine pâleur, le blêmissement quand la vérité se révèle, trop tard, quand le voile du mensonge se déchire et qu’il ne reste plus qu’à disparaître dans la profondeur des ténèbres. On sort du spectacle incapable de dire s’il manque encore quelque chose à Soghomonyan pour entrer dans la légende.

Deuxième enseignement : Ludovic Tézier est décidément aujourd’hui insurpassable en Iago. On comprend en le voyant déambuler, grimacer, se moquer, feinter et feindre, que Verdi avait fait initialement de Iago le protagoniste numéro un de son avant-dernier opéra. Laissez le champ libre à Tézier et il va prendre toute la place ; il met sous le boisseau le Cassio pourtant admirable par son innocence et sa juvénilité de Giovanni Sala, le Roderigo tout en conviction de Carlo Bosi ou le Lodovico autoritaire d’Alessio Cacciuamani. Avec l’Otello de ce soir, ce sont deux monstres bientôt sacrés qui s’affrontent. Tézier possède aussi, et c’est en cela surtout qu’il est insurpassable, une maîtrise absolue de la redoutable partition dont il se joue avec une apparente facilité qui tient du miracle sans cesse renouvelé au fil des scènes. Il sait minauder, éructer, exploser et conférer à sa voix la couleur adéquate.

© Vincent Beaume

Troisième enseignement : Maria Agresta confirme qu’elle est sur le circuit une Desdémone de toute première classe. Elle survole le IV, qu’elle habite à faire frémir le public…quitte à ce que celui-ci applaudisse bien mal à propos après l’Ave Maria. La Chanson du Saule nous plonge en état de grâce, le cantabile est divin, l’Ave Maria révèle des pianissimi venus du plus haut des étoiles et son « Addio » à Emilia fige le sang. Mais avant cela, elle nous gratifie au I d’un duo d’amour extatique puis rend magnifiquement la lente et irréversible dramatisation du personnage au fil des actes.

Quatrième enseignement et non des moindres : et si l’opéra c’était mieux sans ? Nous l’indiquions, cet Otello est donné en version concert, donc sans mise en scène – mais pas sans mise en espace. L’absence de décors (mais pas de lumières,  qui ici accompagnent intelligemment la tempête en mer, le feu dans les têtes, la mort qui rôde enfin) et la place occupée sur la scène par chœurs et orchestre, laissent peu de place aux protagonistes pour évoluer. Ils le font pourtant, de façon certes minimale, mais en donnant alors à tout mouvement, tout regard, tout geste, une saisissante acuité. Rien n’est de trop, bien au contraire, rien n’est hors sujet, rien n’est interprété, rien n’est transposé – nous sommes dans la vérité la plus simple, la plus paraphrastique, la plus crue, la plus terrifiante ici en l’occurrence. Oui, une mise en espace peut être une éclatante démonstration de vérité. Non dénuée de belles trouvailles : c’est ainsi qu’une fois étouffée, Desdémone se tapit sur le côté de la scène, puis expire sous la lumière froide d’un projecteur. Quand enfin Otello réclame l’ultime baiser, c’est Desdémone qui se dirige vers lui, fantomatique, tournant délibérément le dos au public ; c’est elle qui enlace une dernière fois son meurtrier, c’est elle qui dépose sur sa joue l’ « ultimo baccio », avant de disparaître définitivement. Superbe image.

Enfin, dernier enseignement : à ceux qui se demandaient pourquoi faire venir le San Carlo de Naples (chœur et orchestre) jusqu’à Aix , démonstration fut faite que cette phalange et ce chœur ont rendu une copie digne de l’abattage des solistes. Orchestre ébouriffant, étincelant et toujours juste, chœurs d’une vigueur invincible, le tout sous la baguette experte d’un Michele Mariotti des grands soirs.

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Drame lyrique en quatre actes
Livret d’Arrigo Boito d’après The Tragedy of Othello, The Moor of Venice de William Shakespeare
Créé le 5 février 1887 à Milan (Teatro alla Scala)

Version de concert

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Otello

Arsen Soghomonyan

Desdemona

Maria Agresta

Iago

Ludovic Tézier

Cassio

Giovanni Sala

Emilia

Enkelejda Shkoza

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Carlo Bosi

Lodovico

Alessio Cacciamani

Montano

Giovanni Impagliazzo

Un araldo

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Choeur du Teatro di san Carlo

Maîtrise des Bouches-du-Rhône

Orchestre du Teatro di San Carlo

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Aix-en-Provence (Grand Théâtre de Provence)

Lundi 17 juillet 2023, 20h

 

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