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VERDI, Otello – Madrid

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Spectacle
1 octobre 2025
Madrid démarre fort

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en quatre actes
Musique de Giuseppe Verdi
Livret d’Arrigo Boito d’après Othello, the Moor of Venice de William Shakespeare
Création le 5 février 1887 à Milan (Teatro alla Scala)

Détails

Mise en scène
David Alden
Scénographie et costumes
Jon Morrell
Lumières
Adam Silverman
Chorégraphie
Maxine Braham

Otello
Brian Jagde
Iago
Gabriele Viviani
Cassio
Airam Hernández
Roderigo
Albert Casals
Lodovico
In Sung Sim
Montano / Un soldat
Fernando Radó
Desdemona
Asmik Grigorian
Emilia
Enkelejda Shkoza

Chœurs et Orquesta Titulares del Teatro Real
Direction musicale
Nicola Luisotti

Madrid, Teatro Real
Dimanche 28 septembre 2025, 19h30

Somptueuse ouverture de saison au Teatro Real de Madrid avec la reprise de l’Otello, produit in loco en 2016 par David Alden. Douze représentations resserrées sur trois semaines avec en alternance pas moins de trois distributions.
David Alden la joue sûr en réduisant les décors au minimum et en situant l’action à une période indéterminée, son propos, tel qu’il l’explicite lui-même, étant avant tout de peindre la violence des sentiments humains et leurs conséquences, quitte à s’extraire du contexte original. Ce ne sont pas tant les aléas d’un livret un peu alambiqué qui l’intéresse que les ressorts humains que ceux-ci mettent en œuvre. Ainsi, Otello ne se cache pas quand Iago fait parler Cassio de sa prétendue liaison avec Desdemona (III), Desdémone n’est pas allongée dans son lit (pour l’anecdote dépourvu d’oreiller !) en attendant la mort, et Iago ne s’enfuit pas au finale quand il est démasqué. Car ce qui compte c’est en quelque sorte l’essentialisation des personnages, leur implacable logique et, in fine, leurs funestes destins ; Iago n’est pas un traitre, Desdémone une blanche colombe et Otello un guerrier furieusement jaloux. Tous trois figurent en réalité un infernal triangle vicieux avec en ses sommets la traîtrise, la candeur et le féminicide.
Alors oui, nous apercevons bien les murailles d’un château-forteresse, les éclairs d’un orage-tempête, nous assistons bien à un semblant de beuverie qui dégénère en bagarre généralisée, mais c’est à peu près tout. La scène est en permanence vide ou quasiment, mais ce vide n’est pas gênant en soi car il est l’espace dans lequel la complexité du drame va pouvoir se mouvoir à sa guise.
A cet égard le quatrième acte est un modèle du genre. Toujours le même fond de scène, les murailles du château-forteresse, nous ne sommes donc évidemment pas dans une chambre. Le lit en fer avec juste un matelas et un traversin est plaqué à droite de la scène, à peine visible. Desdemona ne le rejoindra qu’après avoir déambulé sur la chanson du saule et l’Ave Maria. Mais elle ne s’y couchera pas. Elle s’assoit en bord de lit et fait face à la porte qui s’ouvre de l’autre côté de la scène, comme faisant face à son destin. L’ombre projetée géante d’Otello apparaît d’abord. Il entre, reste en retrait, ne s’approche pas. Leur dialogue se fait à distance, rien ne peut plus les rapprocher et quand, dans sa folie meurtrière, le mari s’approche brutalement de sa femme, il l’embrasse d’abord, désespérément, avant de l’étrangler avec une brutalité sans nom. Et il n’y aura pas d’ « ultimo baccio ». Que dire alors de ce Iago qui, finalement confondu, reste là, assis en fond de scène, dans l’ombre, comme indifférent. Finalement c’est bien lui le maître du jeu, sorte de satanique deus ex machina  (Verdi avait initialement pensé à Iago comme titre de cette œuvre) ; il assiste à la conclusion d’un drame dont il aura tiré toutes les ficelles, du début à la fin. Il reste seul après la mort d’Otello. Tout est fait, donc, pour décontextualiser le drame, le montrer dans sa crudité la plus nue et son évidente contemporanéité.
Tout n’est pas pleinement réussi dans cette mise en scène où la conduite d’acteurs est parfois réduite au strict minimum et où l’aura des personnages est confiée au seul talent des chanteurs. On aura ainsi eu du mal à comprendre pourquoi Desdemona est montrée au II costumée en héroïne de Charlotte Brontë avec robe longue, chapeau élégant et ombrelle, et ce qu’apporte à la compréhension de l’ouvrage la partie de fléchettes à laquelle se livrent Iago et Otello, avec comme cible une icône orientale de la Vierge, peinte sur bois.
Le chœur de voix d’hommes et de femmes du Teatro Real est fourni ; il se tire bien d’une partition où les pièges (surtout au début du I) sont nombreux. Bonne synchronisation avec l’orchestre et un italien de qualité. Nicola Luisotti, principal chef invité à Madrid, a tout compris de la densité du drame. Le solo de contrebasses qui précède l’arrivée d’Otello au IV en a fait frémir plus d’un. Le hautbois du « Salice » est de toute beauté. C’est la conduite de l’ensemble qui nous aura davantage surpris avec notamment quelques retenues à l’orchestre là où on aurait attendu que les chevaux se libèrent.

© Javier del Real

Nous assistons au Cast A (seuls les trois protagonistes principaux sont en alternance). Enkelejda Shkoza (Emilia) met à profit sa menue partition au IV pour séduire la salle. La mezzo albanaise démontre en effet une vigueur dans le jeu et dans la voix qui rendent parfaitement crédible son personnage, souvent montré comme restant dans l’ombre. Les personnages de Roderigo (Albert Casals), Lodovico (In Sung Sim) et Montano (Fernando Radó) se fondent dans le drame et y prennent toute leur place. Airam Hernández est un Cassio dépassé par les événements. La voix est claire et passe bien la rampe de l’immense scène du Teatro Real.
Le point commun aux trois chanteurs des rôles principaux est certainement de gommer toutes les aspérités qui affaibliraient la crédibilité de leurs discours. Il n’y a chez eux aucune exacerbation des caractères, nulle tentative de caricaturer les personnages en poussant à leurs extrêmes les particularités de leurs caractéristiques psychologiques. En ce sens, ils servent parfaitement le propos du metteur en scène explicité plus haut.
Gabriele Viviani est un Iago perfide certes, manipulateur bien sûr, mais pas d’accent diabolique ou grinçant, pas de venin dans la voix. Viviani est un acteur hors pair ; son baryton est juste, plus faible toutefois dans les tréfonds de la gamme (monologue du II) mais la puissance ne fait pas défaut. Asmik Grigorian devient pleinement Desdemona à partir du III où elle surplombe de toute la puissance et la plénitude de son aura l’ensemble à l’arrivée de l’envoyé de Venise. Et que dire de son IV, porté à incandescence par une Grigorian qui tirerait les larmes aux murailles du château-forteresse. C’est peu de dire qu’elle habite Desdemona, elle en partage toutes les émotions, elle qui sait la mort venir et fait défiler devant elle toute l’existence. Il faut pour cela une infinité de moyens pour chanter la cruauté, l’horreur d’une mort aussi inattendue qu’injuste, la piété d’un Ave Maria de jeune moniale ou encore le désespoir déchirant d’un ultime « Addio » tragique lancé à Emilia. Grigorian, on le sait, est actuellement au sommet de son art, prions pour qu’elle y reste !
Brian Jagde n’est définitivement pas un Otello guerrier, baroudeur, rustre ou fruste. Il n’est qu’un mari jaloux, naïf, emporté par les élucubrations d’un faux-frère. Timbre clair, sans aucune raucité ni ombre dans la voix qui enrichirait la peinture du personnage. Son « Esultate » d’entrée est percutant à souhait et, d’une façon générale, rien de ce qui est puissant dans le rôle ne lui fait peur. C’est, au final, une parfaite adéquation entre l’Otello voulu par Alden et celui proposé à Jagde. Et ce n’est pas rien.

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Musique de Giuseppe Verdi
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Création le 5 février 1887 à Milan (Teatro alla Scala)

Détails

Mise en scène
David Alden
Scénographie et costumes
Jon Morrell
Lumières
Adam Silverman
Chorégraphie
Maxine Braham

Otello
Brian Jagde
Iago
Gabriele Viviani
Cassio
Airam Hernández
Roderigo
Albert Casals
Lodovico
In Sung Sim
Montano / Un soldat
Fernando Radó
Desdemona
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