Après la création mondiale de l’édition critique de L’Incoronazione di Dario en 2008 et la première britannique de La verità in cimento en 2011, Garsington poursuit la redécouverte des opéras d’Antonio Vivaldi. En cette année olympique, L’Olimpiade est un amusant clin d’œil à l’actualité : il faut toutefois reconnaitre que l’ouvrage n’est pas au niveau des titres précités. L’opéra semble avoir été composé dans une certaine urgence et avec les moyens du bord. Vivaldi travaillait déjà pour Vérone sur un Lucio Vero finalement abandonné pour des raisons inconnues : il en recyclera une demi-douzaine d’arias dans L’Olimpiade (selon les usages de l’époque, il piochera également dans d’autres titres). Les meilleurs chanteurs du moment étant déjà engagés, Vivaldi devra se contenter d’artistes moins brillants et son écriture est, de fait, moins exigeante que celle des ouvrages déjà cités. Enfin, pas tout à fait ! Quand Vivaldi entreprend la composition de l’œuvre, la distribution n’est vraisemblablement pas finalisée : il écrit pour une basse le rôle mineur d’Aminta (le tuteur de Licida) puis le transpose pour le jeune castrat Marianino Nicolini, à l’aube de sa gloire*. Quoique purement décoratifs, les morceaux composés sont d’une grande virtuosité, nécessitant par leurs vocalises, roulades et variations une science belcantiste parfaite ainsi qu’un registre aigu sans faille.
Selon un autre usage de l’époque, Vivaldi réutilise le poème de Métastase déjà mis en musique en 1733 par Caldara pour Vienne. Plus d’une trentaine de compositeurs feront de même dans les cent années qui suivirent. Citons les plus célèbres : Pergolèse, Hasse, Piccinni (qui en composera deux versions), Gassmann, Jomelli, Jean-Chrétien Bach, Traetta, Arne, ou encore Paisiello.
Pour cette résurrection, Garsington a réuni une brochette de jeunes chanteurs talentueux. Dans le rôle de Megacle (dévolu à l’origine à un castrat), le jeune mezzo-soprano Emily Pons est déjà plus qu’une promesse. Belle projection, timbre séduisant, chant passionné mais jamais au détriment de la ligne, toujours impeccable, la chanteuse américaine est une sorte de Joyce DiDonato en herbe. En Licida (rôle créé cette fois par … un soprano), le contre ténor Tim Mead séduit surtout par son timbre chaud et sa voix puissante, alliés à un physique de jeune premier. Peu technique, sa partie lui permet surtout de déployer son art dans les airs lents. Comme sa partenaire, il sait rendre les récitatifs avec urgence et passion. Dans le rôle du tuteur Aminta, le contre-ténor américain Michael Maniaci déploie des qualités presqu’inverses : la voix est un peu moins puissante, l’acteur un peu gauche, mais la fête vocale est au rendez-vous avec un chant orné, des vocalises spectaculaires et des aigus aériens. Ruby Hughes est une Argene encore un peu verte vocalement mais avec un réel abattage scénique. En Aristea, Rosa Bove manque un peu de couleurs et de puissance mais séduit par une certaine délicatesse mélancolique. Dans des rôles plus mineurs, Riccardo Novaro en roi Clistene, et William Berger, son conseiller, déploient des voix solides.
Comme lors des deux précédentes recréations vivaldiennes, Laurence Cummings est l’âme de cette soirée dont il réussit à maintenir la tension tout au long de l’ouvrage. Spécialiste de la musique baroque, le chef britannique, directeur musical du London Haendel Orchestra et du London Haendel Festival, directeur artistique du Festival Haendel de Göttingen, chef du département de l’histoire des représentations à la Royal Academy of Music, est visiblement amoureux de cette partition qu’il défend avec une passion communicative. Il faut dire que, face au géant saxon, le compositeur vénitien a du mal à trouver sa place au répertoire, ce qui est bien dommage compte tenu du caractère instantanément plaisant de sa musique. Jouant sur instruments modernes (avec un diapason à 440/442), l’orchestre de Garsington, techniquement impeccable, sait trouver des couleurs baroques par sa souplesse, sa légèreté et sa virtuosité sans faille.
La production de David Freeman, un peu trop sage, a le mérite de servir la musique mais on aurait aimé un peu plus d’originalité dans le traitement de cette suite de situations un peu convenues. Seul exception, la scène des jeux, traitée avec humour, qui se conclut par un marathon dont le sprint final est mimé au ralenti, tandis que l’orchestre interpole le thème du film « Chariots of Fire ».
L’Olimpiade n’est sans doute pas un chef d’œuvre, mais cette production réussit à en tirer le meilleur parti et nous offre une soirée très agréable dans le cadre exceptionnel de Wormsley.
* sans atteindre la renommée exceptionnelle de Caffarelli ou de Farinelli, Marianino Nicolini sera considéré comme l’un des meilleurs chanteurs de son époque. Il aura l’honneur d’inaugurer le tout nouveau Teatro San Carlo à Naples en 1737. Pour ceux que l’histoire des premiers interprètes baroques intéresse, on ne peut que conseiller le site www.quellusignolo.fr
Version conseillée
Vivaldi A.: Olimpiade (L’) [Opera] | Compositeurs Divers par René Clemencic