La distribution est malheureusement trop hétérogène pour oser tutoyer la « soirée parfaite ». Se côtoie dans des français parfois approximatifs un casting sans doute trop international pour espérer rendre toute la complexité des pages de Rameau. Anne Sofie von Otter par exemple, malgré l’admiration que l’on porte à son legs discographique – et notamment baroque – ne peut masquer le déclin de sa voix et de son souffle. On salue l’engagement scénique, qui la fait d’ailleurs évoluer de jeune adulte à femme esseulée, mais on ne peut malheureusement pas adhérer à une émission stridente et pas toujours juste… A l’opposé, Christiane Karg, sublime Télaire, est la révélation de la représentation, si ce n’est de ce début de saison viennoise. Belle et altière, son instrument est d’une grande noblesse, particulièrement soutenu, et surtout : nuancé. Son « Tristes apprêts, pales flambeaux » touche réellement au sublime : n’est pas donné à toute jeune chanteuse d’arrêter ainsi le temps. Maxim Mironov, plus habitué à Don Ramiro, Lindoro ou Almaviva, ne démérite pas en Castor. Sa partie est délicate, et lorsque l’on voudrait plus de corps, le ténor russe semble encore marcher sur des œufs. Le baryton Dietrich Henschel, très valable schubertien par ailleurs, peine – par trop d’incertitudes et de vibrato – également à insuffler cet « esprit français » dont la troupe a manifestement eu du mal à s’approprier.
Les Talens Lyriques, au contraire, sont immanquablement très à l’aise. Le nom de cet ensemble n’a-t-il pas été d’ailleurs choisi en référence au sous-titre des Fêtes d’Hébé, autre ouvrage de Rameau ? Christophe Rousset, avec cette battue très spécifique (on pense à la gestuelle scénique baroque) qui le caractérise, donne tout son poids à cette magnifique partition et élabore avec le plateau une interactivité permanente. Le résultat est lumineux et conserve simultanément cette âpreté qui singularise la tragédie lyrique française. Aux saluts, ovation plus que méritée pour le Arnold Schoenberg Chor, stupéfiant de tenue tout au long de la soirée.
Mise en scène, Mariame Clément
Décors et costumes, Julia Hansen
Lumières, Bernd Purkrabek
Castor, Maxim Mironov
Pollux, Dietrich Henschel
Télaire, Christiane Karg
Phébé, Anne Sofie von Otter
Jupiter, Nicolas Testé
Grand Prêtre, Pavel Kudinov
Arnold Schoenberg Chor
Direction musicale, Erwin Ortner
Les Talens Lyriques
Direction musicale, Christophe Rousset
Vienne, Theater an der Wien, 20 janvier 2011
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C'est le hasard, comme souvent, qui a poussé un petit garçon à pousser les portes d'une maîtrise de chant.
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