(5
questions)
[ avril 2004 ]
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Agathe
Martel
À part quelques
incursions dans le XXe siècle, votre répertoire de prédilection demeure celui du
XIXe siècle. À l’opéra en particulier, ce sont les héroïnes romantiques qui vous
attirent : Adina, Antonia, Marguerite, Mimi, Musetta, Micaela, Violetta et Gilda,
votre plus récente incarnation à Ottawa. Quelle satisfaction vous procure
l’interprétation de ces rôles ?
En premier lieu, je retire une intense satisfaction de la musique elle-même. Les
lignes mélodiques, les couleurs harmoniques ainsi que celles de l’orchestration
sont les éléments qui m’inspirent. Ensuite, il y a le texte qui prend toujours
pour moi une place très importante. Etant de nature assez romantique, je me
retrouve en quelque sorte dans mon élément dans ce répertoire où mon être vibre
déjà. Chose intéressante, c’est que malgré le thème romantique qui les rattache,
ces rôles offrent une gamme diversifiée d’émotions qui permet d’explorer
toujours un peu plus à fond l’aspect théâtral.
Vous avez gagné plusieurs concours dont ceux de l’Orchestre symphonique de
Montréal, des Jeunesses musicales du Canada, de l’Opéra de Québec ! Quelle est
l’importance de participer à des concours et comment ces premiers prix ont-ils
contribué à lancer votre carrière ?
En participant à un ou à plusieurs concours, on se donne l’occasion de se faire
entendre, de se faire connaître, surtout lorsqu’on reçoit un prix. Outre le
public, il peut s’y trouver des directeurs, des chefs d’orchestre et autres
personnes susceptibles d’être intéressées par notre talent. C’est aussi une
bonne étape dans le développement du chanteur ou du musicien qui se trouve
confronté à la réalité compétitive du milieu artistique, de même qu’à une
intense préparation musicale, technique et mentale. Selon l’importance et la
nature du concours, en plus de la somme d’argent que reçoit un lauréat, un prix
est souvent accompagné d’engagements qui sont très importants pour amorcer la
carrière professionnelle. Une certaine notoriété est également associée à un
premier prix, ce qui augmente la chance de décrocher des engagements, dans mon
cas avec l’Opéra de Québec et l’Orchestre symphonique de Montréal.
On voit parfois certains artistes accepter à leur corps défendant de tenir
des rôles qui ne leur conviennent pas. Que pensez-vous de cette façon d’agir ?
Vous a-t-on déjà proposé des emplois que vous avez dû refuser pour cette raison
ou que vous préférez reporter à plus tard parce que vous ne pensez pas être
prête à les assumer ?
Je crois que si on veut chanter bien et longtemps, il faut se connaître, il faut
connaître sa voix avec ses qualités et ses limites, il faut faire usage de
discernement, et lorsque c’est nécessaire, ne pas hésiter à demander conseil à
une ou deux personnes en qui on a confiance et qui nous connaissent bien. C’est
ce que je fais quand je ne suis pas certaine. C’est sans doute tentant
d’accepter un rôle qu’on aime vraiment beaucoup, mais une telle décision
pourrait s’avérer néfaste si la voix ou la technique ne sont pas encore prêtes
pour l’exigence du rôle. Fort heureusement pour moi, je n’ai pas eu l’occasion
de faire face à cette situation, sans doute parce que mon type de voix ne s’y
prête pas vraiment.
Vous alternez carrière à l’opéra et au récital ! L’une a-t-elle priorité sur
l’autre ou les considérez-vous complémentaires ?
Elles sont pour moi à la fois très complémentaires et nécessaires. J’aime
beaucoup l’opéra parce que c’est une longue histoire où on éprouve une gamme
complexe d’émotions, parce qu’il y a la magie des décors et des costumes, parce
qu’il y a toutes les interactions avec les autres chanteurs/comédiens, parce
qu’il y a l’orchestre… alors que le récital, beaucoup plus sobre, permet un
contact plus intime avec le public, parce qu’on y a une considérable liberté
dans le choix du répertoire et des styles, parce qu’il y a la poésie, parce
qu’il y a une complicité avec le pianiste. Je m’intéresse également au
magnifique répertoire de mélodies, lieder et cycles avec orchestre, de même
qu’au répertoire d’œuvres sacrées. En fait, j’aime chanter, j’aime jouer, j’aime
apprendre, j’aime communiquer et faire ressentir aux autres ce que je ressens.
Peu m’importe le véhicule employé, si la musique me touche, j’achète !
Quels sont les défis que vous aimeriez relever, les projets que vous prévoyez
réaliser ici ou en Europe, les rôles que vous voudriez ajouter à votre
répertoire ?
Je pense que mon plus grand défi, dans ce monde où tout va toujours de plus en
plus vite, c’est de vivre au jour le jour et de profiter de chaque instant qui
passe. Vous trouverez peut-être que c’est loin de la musique ou que c’est
idéaliste, mais que ce soit dans la vie de tous les jours ou quand je chante,
j’essaie d’être là avec toute ma personne, et pour moi cela représente un défi
que je prends plaisir à relever. Plus terre à terre, j’ai des engagements la
saison prochaine pour des maisons d’opéra et des orchestres canadiens, j’ai des
projets de disques en cours de planification, je compte aller en Europe l’an
prochain, et j’espère pouvoir chanter aux Etats-Unis. Comme j’ai un penchant
très fort pour Verdi et Puccini, j’aimerais bien un jour chanter Desdemona dans
Otello, et si jamais ma voix me le permettait, Madama Butterfly. Mais, cela me
donne l’impression d’en demander beaucoup alors que je suis déjà très choyée par
la musique, alors laissons la vie décider…
Réal Boucher
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