A C T U A L I T E (S)
 
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Olga Guryakova


 

Découverte pour la plupart en Tatiana d' Eugene Onéguine au Festival d'Aix-en-Provence où elle donnait la réplique à Peter Mattei, Olga Guryakova s'est depuis illustrée sur les plus grandes scènes du monde. Paris semble être devenu sa seconde demeure car on l'y retrouve dans pas moins de quatre rôles depuis mars 2003. Tatiana, Natacha Rostova, Rusalka (il fallait oser succéder à Fleming) et enfin, Mimi sont ses apparitions parisiennes qui ne nous inspirent que des superlatifs. Olga Guryakova nous a reçu avec un naturel et une simplicité rafraîchissante (sans compter qu'elle nous a offert des chocolats!)


Comment avez-vous découvert la musique ? Le Chant ? Quand avez-vous compris et décidé d’en faire votre métier ?

C’est la Musique qui est venue à moi.

Je suis née en Sibérie, à Novokuznetzk, dans une famille qui n’était pas particulièrement mélomane - ma maman était professeur de lettres russes et de langue russe - même si on a toujours beaucoup chanté à la maison, comme tout le monde je dirais, en tout cas pas professionnellement. Quand j’étais petite, maman était à l’université et devait beaucoup étudier. Elle avait donc très peu de temps à me consacrer pour me lire des histoires le soir pour que je m’endorme. Alors, elle me passait le vinyle de Tchaïkovski avec des berceuses pour enfants, des musiques de ballet. En fait, je partais dans mes rêves accompagnée par la musique de Tchaïkovski.

Lorsque j’ai eu 4 ans, j’ai commencé le piano avec un professeur, dont le suicide deux ans après m’a profondément traumatisée, et je ne voulais plus en jouer. Après mes 7 ans, j’ai rejoué de temps en temps, toujours avec un professeur privé, mais pas régulièrement. J’ai commencé la danse classique pendant un an également mais mon professeur a dit à ma mère que c’était trop tard pour en faire professionnellement. Alors pendant les 4 années suivantes j’ai fait des danses de salon : valses, chachacha, tango et je me débrouillais pas mal, c’était très agréable.

Puis ma famille a changé de quartier car la ville devenait très industrielle. J’ai voulu recommencer la danse, j’avais 11 ans, et avec ma meilleure amie nous nous sommes rendues au cours de danse que nous voulions suivre ensemble. Le professeur en me voyant danser m’accepta dans sa classe mais refusa mon amie qui était trop ronde. Elle ne pouvait plus s’arrêter de pleurer et je ne savais plus quoi faire pour la consoler. Je lui ai alors dit que ce n’était pas grave. Après tout, elle aimait le chant autant que moi et on allait donc s’inscrire ensemble au cours de chant, le chœur d’enfants, à défaut du cours de danse. A l’issue de l’audition, le professeur nous annonça que nous étions prises toutes les deux, mais que je devais faire un choix avec la danse, car les dates des répétitions et des spectacles coïncidaient entre les deux cours. Et mon professeur de chant d’insister. « Je te conseille de venir dans le chœur, tu seras soliste car tu as quelque chose dans la voix, un grain qui est différent ». Et c’est comme cela que pendant 5 ans, je fus soliste du choeur d’enfants de Novokuznetzk. C’est là aussi que j’ai appris le solfège et l’harmonie, que j’ai repris un peu le piano aussi.


En Tatiana à Aix

Depuis que je suis toute petite, j’ai toujours été très heureuse car j’ai toujours été entourée de personnes gentilles qui m’ont beaucoup aidée et conseillée, particulièrement mes professeurs de chant et de danse. Un de mes meilleurs souvenirs est la célèbre pièce de théâtre pour enfants «La maison pour le chat» où je chantais le rôle du chat. C’était un spectacle de théâtre musical où il fallait danser, jouer et chanter. J’ai eu des rôles très drôles aussi comme Tom Sawyer ou ce spectacle pour enfants dont l’héroïne est un squelette « Kasheï Vessmertny » Je m’amusais à prendre la voix d’un très vieux monsieur. Tout cela m’a beaucoup divertie car j’adorais changer de peau et entrer dans un personnage. Je crois que le théâtre m’a attirée avant l’opéra.

Puis lors de ma dernière année dans cette école, tout le monde s’accordait à dire que je devais tenter le conservatoire de Novosibirsk, la grande ville dont l’agglomération contenait Novokuznetzk. Et je suis allée voir le professeur, juste à titre consultatif avant les auditions. J’y suis allée avec ma mère qui ne croyait pas que j’avais une voix, ou du moins pas assez belle pour faire carrière. Je me retrouve donc devant ce professeur qui était très connu et âgé, qui se tourne vers moi et m’interroge : « Petite enfant, quelle voix as-tu ? ». Et du haut de mes 16 ans, je m’entends encore lui répondre : « Je suis soprano lyrico-dramatique. » Bien sûr à 16 ans, je ne savais pas si je l’étais ou non, mais c’est la voix que je rêvais d’avoir. Le professeur enchaîna. « Que veux-tu chanter ». Je ne connaissais pas les grands airs du répertoire de l’opéra. Alors je répondis « soit une chanson traditionnelle populaire russe soit la chanson « Merci la Musique » issue du film soviétique «Nous venons du Jazz».C’était très populaire en Russie. Interloqué, le professeur me répondit que ce n’était pas cela qu’il souhaitait entendre. Il me fit faire quelques vocalises. Ma mère demanda aussitôt au professeur si je pouvais faire du chant mon métier. Le professeur fut on ne peut plus catégorique :

« La voix est bien et le timbre intéressant, si vous voulez faire cela sérieusement, il faut prendre un professeur et travailler sérieusement. Mais c’est très difficile de faire carrière dans ce métier. Jeune fille, il y a plein d’autres possibilités qui s’offrent à vous : médecine, l’enseignement…Pourquoi voulez-vous chanter ? Rien ne dit que vous pourrez en vivre… »

Et là ce fut le choc de ma vie. J’ai réalisé à cet instant très précis que c’était cela que je désirais le plus au monde, que c’était pour cela que j’étais faite: chanter. En sortant du conservatoire, je me suis assise près de la fontaine et me suis mise à pleurer, car j’étais persuadée que j’allais être refusée …ma vie était finie. Mais en fait aujourd’hui, bien que je sache qu’il est décédé, je tiens à remercier ce professeur pour ce qu’il m’a fait comprendre ce jour là. J’avais 16 ans.

Et là, je retourne le mois prochain chanter à Novosibirsk. J’ai été invitée par ce jeune chef grec absolument extraordinaire qui dirige là-bas depuis 1 an, Théodore Kurentzis, à chanter la Bohème qui est une œuvre qui compte tellement pour moi. Apprendre le français m’a d’ailleurs permis de lire le roman Scènes de la vie de bohème d'Henri Murger dans sa langue originelle. En outre, c’est curieux d’ailleurs, ma mère, qui est venue m’entendre dans Rusalka  à Paris m’a confiée cet épisode de son enfance : quand elle était petite, elle vivait dans une très grande pauvreté et a dû commencer à travailler vers 13 ans. Le premier livre qu’elle s’est acheté, c’était le livret de la Bohème. Malheureusement elle n’a pas pu rester m’entendre dans ce rôle.

Pour en revenir à mon parcours musical, suite à ce que m’avait dit ce professeur, je retournais chez moi étudier à l’université, pendant les deux premières années, car même si ce professeur trouvait que ce n’était pas si bien que ça, je savais, moi que c’était cela que je voulais faire. J’ai travaillé comme chef de chœur, j’ai étudié la littérature, l’histoire de la Musique et de l’art en général. Ce furent les deux années le plus intenses de ma vie...car en plus de l’université je continuais à travailler les vocalises avec un professeur privé, je travaillais aussi des romances de Tchaïkovski, de Rachmaninov et Glinka mais pas encore des airs d’opéras. Mais alors que ce cursus durait 4 ans, j’ai arrêté au bout de deux ans pour intégrer le conservatoire. Il y avait un professeur qui nous disait à moi et à une autre fille qu’il fallait aller à Moscou. Moi je n’y croyais pas, je pensais faire le théâtre musical, pas le conservatoire : ma voix était légère et n’était pas du tout placée pour le lyrique alors que cette fille, il lui suffisait d’ouvrir la bouche pour émettre des sons de chanteuses d’opéra : sa voix était naturellement placée. De plus, avant de découvrir Maria Callas et Elena Obraztsova, je n’aimais pas particulièrement l’opéra. Parfois, il y avait des troupes de chanteurs qui venaient chez nous donner des spectacles, et je  me souviens d’avoir vu Onéguine avec une Tatiana énorme, froide et âgée, rien à voir avec le personnage de Pouchkine qui me fascinait…j’avais été particulièrement peu enchantée…Et puis il y a eu Elena et l’inégalable Maria Callas qui ont bouleversé l’art lyrique. Là oui, j’ai aimé l’opéra….

Et j’ai intégré le conservatoire de Moscou. Là, j’y ai fait une rencontre fondamentale, celle de mon amie Evguenia Arefieva. Elle est aujourd’hui mon coach, ma pianiste accompagnatrice, et surtout mon amie. Cette femme a tant fait pour moi, tant professionnellement que personnellement. Je lui en serai éternellement reconnaissante. En fait, quand je l’ai connue, elle était professeur au conservatoire de Moscou et coach au Théâtre Stanislavski. Et c’est elle qui m’a poussée à passer les auditions de ce théâtre…Mes premiers pas sur scène, c’est grâce à Evguenia.

Justement, par quel répertoire avez-vous commencé ? Est-ce celui qui vous attirait le plus ?

Au conservatoire, j’ai commencé par Tatiana et Elvira (Don Giovanni). Tatiana c’était un rêve, c’était le personnage que je voulais chanter. Lors de ma dernière année au conservatoire de  Moscou, j’ai donc été engagée au Théâtre Stanislavski et après un mois seulement, je chantais la dernière Tatiana de la saison. Ce moment fut magique, absolument incroyable.

Juste après, il y a eu une nouvelle production de la Bohème, sous la direction de Wolf Gorelik et la mise en scène d’Alexandre Titel. C’était en 1994, on a eu une année entière de répétitions pour cette production !! Une année entière !! Et ma vie à cette époque c’était la Bohème. J’habitais un quartier très pauvre de Moscou, très bohème, dans un appartement avec 4 chambres et 1 salon que je partageais avec des danseurs du théâtre. Pendant un an, j’ai vécu dans cette pièce de seulement 6m2. C’était au dernier étage d’un immeuble très haut. Comme Mimi, je vivais sous les toits et ne voyais que les toits. En outre, les danseurs fumaient tout le temps. L’appartement était tellement enfumé qu’on ne distinguait plus rien. J’ai attrapé une grave bronchite. J’étais vraiment heureuse pourtant à cette époque. Je venais de rencontrer parmi les chanteurs le grand amour de ma vie. Notre histoire a duré 9 ans. Désormais, c’est terminé. Mais ce fut une très belle histoire.


Dans La Dame de Pique à Naples avec R. Brubaker

C’est à cette même époque que ma carrière prit un essor que je n’aurais jamais osé imaginer. En 1996, pour notre Noël (ndlr : en Russie, Noël se fête le 6 janvier et le Nouvel an le 13), la première de la Bohème était donnée. Les critiques à mon égard furent dithyrambiques. Après cette nuit extraordinaire, je passais le lendemain matin à 10h une audition pour le chef allemand directeur du festival de Ludwigsburg pour participer au Gala Verdi. Je sortais de Russie pour la première fois. Il me proposa le rôle de 1er soprano pour la Messe de Mozart en Ut mineur. J’ai énormément préparé cette partition et c’est comme cela que ma carrière internationale commença. Je suis revenue chaque année au Festival pour le Gala Verdi. D’abord pour un Opéra de jeunesse de Verdi, assez peu connu, Stefilio, puis pour le Corsaire, le Trouvère, Ernani, Otello, que j’ai chanté également avec Gergiev à Covent Garden et à Lyon en 2003, juste avant ma Tatiana à Bastille.

Quels sont vos meilleurs souvenirs à l’heure actuelle ?

Probablement ma première Guerre et Paix à Bastille. Car c’était la première fois que je venais à Paris. C’était la première fois que je chantais Natacha Rostova, que je rencontrais Nathan Gunn qui chantait le prince Andrei. J’avais pu aussi travailler avec Fancesca Zambello. Ce fut vraiment merveilleux. Quant aux autres souvenirs…ils sont tous très beaux. Le Met en 2000 avec Vladimir Galouzine sous la direction de Valery Gergiev dans la mise en scène de Tcheidze, la Dame de Pique à Baden-Baden…et bien sûr ma rencontre récente avec Rusalka. Quant à mon pire souvenir, ce fut Otello à Lyon, car j’étais malade et je n’ai pas pu mettre tout ce que je voulais dans ma voix.

Y a-t-il des artistes dont la seule évocation du nom vous pousserait ou vous ont poussé à renoncer à une production ?

Non, jamais, je fais toujours confiance à l’autre artiste, car je pense que même le pire artiste au monde peut donner quelque chose et il est possible d’apprendre de lui et de faire quelque chose. Ce n’est pas à moi de juger.

Quels sont les artistes avec lesquels vous souhaiteriez travailler dans le futur ?

Chez les chanteurs, définitivement avec Rolando Villazon. Il est absolument extraordinaire comme artiste comme acteur, comme partenaire. C’est un vrai plaisir de travailler avec lui. Chez les metteurs en scène, avec Carsen. J’ai été subjuguée par sa Rusalka. J’aimerais aussi travailler avec Willy Decker. J’ai déjà joué dans ses mises en scène, mais je ne l’ai jamais rencontré. Comme j’aime beaucoup ce qu’il fait, ce serait vraiment intéressant de travailler directement avec lui. Quant aux chefs, Jiri Belholavek très certainement, Vladimir Jurowski que j’adore, Valéry Gergiev. J’ai d’ailleurs chanté avec lui cet été à Salzburg et on retourne ensemble l’an prochain à Baden-Baden pour une nouvelle production de Mazepa. Mais il y a aussi Mstislav Rostropovitch qui m’a dirigée…et j’en garde un souvenir extraordinaire, j’adorerais travailler à nouveau avec lui! Comme d’ailleurs pratiquement avec tous les artistes avec lesquels j’ai chanté, mais la liste serait trop longue à énumérer !! Alors je laisse le destin choisir pour moi…

Comment ressentez-vous l’Opéra de Paris par rapport aux autres maisons prestigieuses où vous vous êtes produites ?

C’est un opéra très moderne où il est très agréable de travailler. Tout le monde est adorable là-bas. En Russie, on a un proverbe pour les spectateurs qui dit « Le Théâtre commence par le vestiaire ». Hé bien je voudrais appliquer cette formule aux artistes qui passent à l’Opéra de Paris. Les habilleuses, les coiffeuses, les maquilleuses sont adorables…tout le monde l’est. Le coach italien que j’ai eu pour la Bohème aussi (Bob Catlleson) Quant aux répétitions elles sont toutes très bien organisées et utiles. Vraiment, l’Opéra de Pairs est un endroit où j’aime travailler.

Parlons de votre actualité…C’est la première fois que vous abordez le rôle de Rusalka. Comment abordez-vous le rôle ? Comment la mise en scène de Carsen vous aide-t-elle à appréhender ce rôle ?

C’est la première fois que j’abordais ce rôle scéniquement. Je l’avais déjà abordé en concert mais je n’en avais pas gardé un souvenir extraordinaire. J’étais ravie de me retrouver dans une mise en scène qui ne se contentait pas de la lecture conte de fées, de l’histoire avec des arbres en carton et moi avec une queue de sirène… Je trouve pour Rusalka plus intéressant de rechercher une vision plus psychologique de cette histoire. Tout se passe dans la tête de Rusalka. Elle n’a plus la force de résister et a peur que le Prince ne commande une autre personne…et la mise en scène de Carsen met très intelligemment en abîme l’âme de l’Ondine. Chanter avec Larissa Dyadkova qui tenait le rôle de Jerzibaba et le prince de Miroslav Dvorsky restera un grand souvenir. J’adorerais rechanter cet opéra. Dans ce rôle, comme dans tous les rôles d’ailleurs mais dans celui-là en particulier, on a toujours la possibilité de progresser. En outre ce rôle est merveilleusement écrit pour la voix. Ce qui n’est pas le cas de Tatiana. Chanter Tatiana trop souvent est très dangereux pour la voix car beaucoup trop lourd. Ce n’est pas du bel canto. La technique russe est très différente du répertoire italien et beaucoup plus fatigante pour la voix Rusalka aussi est un rôle très lourd mais mieux écrit.


Avec V. Galouzine dans Le Joueur de Prokofiev à New-York

Pensez-vous aborder d’autres opéras tchèques ?

Oh oui, j’ai tellement aimé ce que j’ai découvert. Après Rusalka, j’aimerais beaucoup aborder Jenufa et The Bartered Bride(la fiancée vendue)

Vous allez d’ici quelques mois reprendre le rôle de Tatiana. Comment votre vision du personnage a-t-elle  évolué depuis que vous l’avez chanté la première fois ?

Chaque production a fait évolué ma vision du personnage. La rencontre avec les divers chefs et metteurs en scène fait obligatoirement réfléchir sur un personnage et le fait donc évoluer. Par exemple, ma Tatiana de 2002 avec Harding et surtout Peter Mattei à Aix fut une merveilleuse expérience. Pour ce qui est de ma Tatiana à la Scala en janvier, je crois que la mise en scène sera plus traditionnelle.  Comme j’ai énormément chanté Tatiana, ce que je recherche maintenant c’est une interprétation épurée et claire du personnage, la plus simple possible, sans excès de théâtralité. Quand j’étais petite à l’école et que j’ai lu Onéguine pour la première fois, je ne comprenais pas pourquoi elle réagissait de la sorte à la fin du roman. Enfin, c’est le seul homme que tu aies jamais aimé et tu le repousses ainsi ? Tu ne peux donc pas lui pardonner et tu prétends l’aimer ? Et maintenant en fait, je me rends compte, hormis la sublime musicalité de Pouchkine, que l’histoire est une histoire très claire, une histoire de vie. Aujourd’hui, à part quelques personnes que je connais en Russie, personne ne réagirait comme Tatiana. Mais à l’époque le poids de la religion était très important. Cette femme ne peut quitter l’homme à qui elle a donné sa main devant Dieu. Elle a une force incroyable. Elle fait un sacrifice terrible, celui de sa vie.

Certains voient dans le comportement d’Onéguine une projection de Tchaïkovski qui y avouerait son homosexualité. Qu’en pensez-vous ?

Pour moi cela n’a aucun sens. Avant l’homosexualité était un tabou. Même si on savait que Tchaïkovski l’était, ce n’était pas « officiellement » reconnu. Le problème c’est que maintenant on se sert de ce prétexte pour expliquer tout et son contraire. Onéguine n’a rien d’homosexuel. Au passage, c’est Pouchkine qui a écrit l’intrigue, et rien de tel ne transparaît dans le roman. On découvre en revanche dans Onéguine un homme qui a goûté à tous les plaisirs de la vie, qui est rassasié de l’amour des femmes, qui ne prend pas au sérieux l’amour que lui offre cette jeune fille de 17 ans, même s’il est très touché par cet aveu. Il n’est tout simplement pas prêt. Après c’est différent, il tue Lenski et s’exile. Pendant toutes ces années, il n’a plus de maison, et surtout n’a plus d’idées pour avancer dans la vie. Sur ce il recroise Tatiana, belle élégante, intelligente. Il se rend compte que c’était elle en fait. Quoi de plus humain ?

Quels sont les grands rôles que vous aimeriez aborder ?

Tosca. M.Mortier m’a d’ailleurs proposé le rôle. Violetta aussi mais je crois que cela restera un rêve à cause de l’acte 1. Quand je vois certains sopranos légers qui ont déjà du mal avec le grand air de l’acte 1, je pense vraiment que ce n’est pas pour moi. Donna Anna j’aimerais beaucoup le rechanter. J’ai abordé ce rôle une fois à Baden-Baden avec Gergiev. La Comtesse aussi. Mozart est un compositeur qu’il me plairait beaucoup d’approfondir avec un chef qui le connaît très bien car ce n’est pas une tradition en Russie de l’apprendre. Sinon il me reste tant de musique à découvrir. Dans le répertoire français, j’adorerais chanter Manon de Massenet et, en parallèle, Manon Lescaut. Mais pour Massenet, on m’a mise en garde que le rôle risquait d’être trop haut pour ma voix. Quant à Wagner, je ne pense pas a priori l’aborder, sauf si un chef me fait découvrir des possibilités. Enfin, Strauss, le rôle de la Maréchale me tente mais je pense qu’il est encore trop tôt pour moi de l’envisager. Ce sont plutôt les 4 derniers lieder que je pense bientôt aborder. Avec la Musique de chambre, la voix s’enrichit, le sentiment de Musique vous envahit encore plus.

S’il ne devait rester que 3 opéras, lesquels choisiriez-vous ?

Bohème, Onéguine et Traviata

Si vous le permettez, afin de vous connaître parfaitement, je voudrais vous poser le questionnaire de Proust…que j’ai revisité légèrement pour la partie musicale…

 Questionnaire de Proust pour Olga Guryakova…

Ma valeur préférée : la vérité, toujours.
Le principal trait de mon caractère :
spontanée
La qualité que je préfère chez les hommes :
qu’ils allient à l’intelligence « intellectuelle » l’intelligence du cœur avec de grandes qualités humaines.
La qualité que je préfère chez les femmes :
idem
Mon principal défaut :
mal organisée.
Ma principale qualité 
: aucune…Si Olga est généreuse authentique, d’une réelle gentillesse, hors norme et d’une rare patience.
Ce que j'apprécie le plus chez mes amis :
leur fidélité
Mon occupation préférée 
: chanter
Mon rêve de bonheur :
avoir mon propre théâtre où je pourrais choisir mes chefs, mes metteurs en scène et décider de la programmation, bref où je pourrais faire ce que je veux !!!
Quel serait mon plus grand malheur ?
ne plus pouvoir chanter
A part moi -même qui voudrais-je être ?
personne. Non que je ne sois pas ouverte à toute évolution mais je suis heureuse.
Où aimerais-je vivre ?
à Paris
La couleur que je préfère :
rouge et noir
La fleur que j'aime :
la rose
L'oiseau que je préfère :
le rossignol
Mes auteurs favoris en prose :
Pouchkine
Mes poètes préférés :
Apollinaire
Mes héros dans la fiction :
aucun
Mes héroïnes favorites dans la fiction :
Violetta Valéry
Quel compositeur admirez-vous le plus? Tchaïkovski
Quel personnage d'opéra aimeriez-vous incarner ?
Tosca
Quel personnage d'opéra vous ressemble le plus ?
aucun
Quel opéra auriez-vous aimé écrire ?
Otello
Quel héros/quelle héroïne d'opéra vous charme le plus ?
Rusalka
Quelle oeuvre littéraire aimeriez-vous mettre en musique ?
Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Bulgakov
Si vous étiez une symphonie ?La Pathétique
Un concerto ?Bajana Brasiliera pour voix et orchestre de Villa-Lobos.
Mes peintres préférés :
j’en aime beaucoup…peut-être Léonard de Vinci.
Mes héros et héroïnes dans la vie réelle :
personne
Mes héros dans l'histoire :
personne
Ma nourriture et boisson préférée :
les pâtes et le thé vert!
Ce que je déteste par-dessus tout :
la cruauté
Le don de la nature que je voudrais avoir : être scientifique. Pouvoir étudier les maths et la physique.
Comment j'aimerais mourir :
sur scène
L'état présent de mon esprit :
je suis heureuse. Je suis à Paris, j’ai encore une Bohème que j’espère pouvoir chanter.
La faute qui m'inspire le plus d'indulgence :
tout. Enfin, j’essaie de tout pardonner, car moi-même je fais des erreurs. J’essaie mais parfois c’est difficile…
Ma devise :
Fais ce que tu dois et qu'il advienne ce qui doit advenir.

Propos recueillis par Audrey Bouctot

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