A C T U A L I T E (S)
 
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Lettre ouverte au Sieur Lissner
Cher Monsieur,

Tout d’abord, je tenais vous souhaiter tous mes vœux de réussite à la tête du Théâtre de la Scala. Ce lieu mythique et chargé d’histoire n’a pas la réputation d’être une sinécure, et il fallait une bonne dose de courage et d’inconscience pour accepter d’en prendre les rênes au pied levé : c’est, je crois, ce que les italiens appellent la furia francese.

C’est donc avec une certaine surprise, mêlée de peine, que j’ai découvert l’article que M. Renaud Machart, dans le quotidien Le Monde, consacre à la soirée d’ouverture de votre première saison.
En quelques lignes cinglantes, le spectacle est descendu en flamme : rien à sauver ou presque ; et aucune excuse à trouver au regard des circonstances.

A la décharge de Monsieur Machart, Il faut bien reconnaître que vous l’avez un peu cherché.
Quelle idée d’attribuer à un journaliste du Monde, qui vous fait déjà bien de l’honneur en se déplaçant jusqu’à Milan en hiver, « le siège K2, contre le mur gauche du parterre » d’où « le son paraissait strié (1» ?  
Pourquoi tant d’indulgence envers le metteur en scène et le laisser « faire chanter autant au proscenium, là où les pièges à sons sont (2) redoutables » depuis la place en question ?
Ne saviez-vous pas que les productions sont d’abord et avant tout conçues pour les critiques qui ont la faiblesse d’accepter de voir vos spectacles ?
Ne savez-vous pas que la présence d’un journaliste de la dimension de M. Machart, vous donne l’obligation morale de lui offrir le confort qu’il mérite, c’est-à-dire un siège près de l’allée centrale pour partir avant les applaudissements, de la place pour les jambes et un coussin pour ses petites fesses ? Sans oublier, à l’entracte, cette p’tite coupe de Spumante qui porte à l’indulgence…

Cette faute de goût exige réparation : fort heureusement pour vous, j’ai en tête une solution qui peut tout arranger dès la prochaine saison.

J’ai en effet moi-même fait le déplacement pour ce spectacle et j’en ai fait le compte rendu pour les pages de Forum Opéra.
Humble rédacteur bénévole, je n’ai reçu aucun centime de ma revue. Et pourtant, je n’ai pas ménagé pas peine : mon article fait près de 900 mots alors que celui du Monde en compte environ 500 ; le protagoniste, Steve Davislim est traité en 30 mots quand Monsieur Machart l’expédie en 9 ! Le reste à l’avenant.
De plus, j’ai payé mon voyage, mon séjour et mon siège de galerie à 40 €, place qui s’est d’ailleurs révélée aveugle. J’ai ainsi passé debout l’essentiel de ma soirée : c’est dire si les nombreuses coupures pratiquées dans la partition ne m’ont pas gêné. J’ai en revanche bénéficié d’une acoustique parfaite : voix et orchestre communiaient dans une même harmonie.
Mais toutes ces années de spectacles à la Scala m’ont laissé comme une petite lassitude : je dois reconnaître que je troquerais bien mes galeries payantes contre un siège gratuit à l’orchestre dès la prochaine saison, et même avant, fut-ce un des deux sièges K2.
Debout à la galerie, Monsieur Machart n’aurait plus mal aux fesses et apprécierait les joies d’une acoustique parfaite. Et quand il retrouverait, pourquoi pas, son cher siège K2 quelques années plus tard, gageons qu’il serait entre temps devenu moins irascible.

Chiche ?

Lyriquement votre,

Placido Carrerotti
L’étroit ténor



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(1) Moi non plus je ne comprends pas ce que ça veut dire.

(2) Admirez au passage d’allitération : le style, c’est l’homme.
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