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Le Met aux Champs

26/04/08


(www.cinemas gaumont & pathé)

L’opéra est-il en passe de devenir un produit de grande consommation ?. Qui eut cru que l’on assisterait en direct aux représentations du Met, confortablement installé dans une salle de cinéma ? Aujourd’hui, l’exploit technologique n’étonne personne. La France n’est d’ailleurs pas — loin de là — le premier pays à vivre l’expérience. Car c’en est une, sans aucun doute. Comme on le sait, l’aventure a commencé l’an dernier aux États-Unis et se partage déjà entre dix-sept pays, dans six cents salles de cinéma devant un million de spectateurs !




Le samedi 26 avril 2008, le complexe Gaumont-Champs-Élysées Marignan se prêtait pour la seconde fois au cérémonial. Les fauteuils de deux de ses salles étaient tous occupés. Il faut dire qu’il s’agissait d’un spectacle dont le succès était, à juste titre, garanti : une production joyeuse dans le style comique troupier raffiné, qui avait fait un tabac dans les grandes maisons d’opéra de Londres, puis de Vienne. En vedette, Natalie Dessay, seule chanteuse lyrique française connue du grand public. Pas étonnant que plus d’une heure avant le show, une impressionnante file d’attente composée de spectateurs invités par France Musique ou munis de contremarques achetées d’avance 18 euros au guichet, se soient formée… Aucune bousculade cependant, l’organisation étant à la hauteur de l’événement.

Venons-en à l’essentiel. Oui, même pour le passionné d’opéra, l’expérience peut s’avérer passionnante ! Certes l’ambiance est toute différente ; la magie du spectacle vivant et celle d’une salle chargée d’une histoire qui fait rêver ; manquent... Mais le frisson du direct, la dimension de l’écran, l’excellente sonorisation, le talent des cameramen ont d’autres pouvoirs.

En l’occurrence, vous n’étiez pas l’un des milliers de spectateurs, regardant et écoutant chacun chez soi, mais sans être sur place, vous faisiez partie du public ! Vous entriez au Met, comme si vous étiez vous-même dans la salle, vous pénétriez dans les coulisses où Renée Fleming présentait le spectacle en amie et interviewait ses collègues en camarade. Vous étiez dans la fosse, sur le plateau. Vous évoluiez mentalement à l’intérieur des décors. Vous voyiez les chanteurs respirer et transpirer. La texture de leur peau et la matière des tissus de leurs costumes étaient si près que vous aviez l’impression de pouvoir les toucher…

Et le spectacle direz-vous ? Eh bien, il ne s’est pas usé du tout. Au contraire il s’est même encore bonifié. Le grand écran de cinéma permet en plus de découvrir de nombreux détails qui ne passent pas forcément depuis la scène. Si l’on a plus l’effet de surprise, il reste suffisamment d’idées amusantes à remarquer pour renouveler l’intérêt de cette grande réussite de Laurent Pelly !

D’autant que la distribution, si elle est à la Crackentorp près (Dawn French remplacée ici par une Zoe Caldwell, moins drôle) la même qu’à Londres, semble encore plus à l’aise qu’à Covent Garden… On ne s’attardera pas sur les performances vocales individuelles égales ou supérieures à celles de Londres… On dira seulement que le « Pour me rapprocher de Marie » de Juan Diego Florez, que l’on soit dans la salle ou à quelques milliers kilomètres, fait toujours entrer le spectateur en lévitation… Simplement superbe ! Natalie Dessay semblait dans un très bon soir, le deuxième acte la montrant parfaitement à son aise vocalement (avec notamment un « Salut à la France » joliment varié).

On s’arrêtera un peu plus sur ce qui semble la grande plus-value par rapport à Londres : un orchestre et une direction d’orchestre de très haut vol. Bien sûr la Fille du Régiment n’est pas Tristan ! Mais la qualité des instrumentistes et la clarté de la direction de Marco Armiliato font la différence dès l’ouverture. Ici tout est joyeux, jamais brouillon ni « fanfaresque ».

Le bilan est donc des plus satisfaisants et a un goût de revenez-y… On peut cependant se demander si des mises en scène moins élaborées, et surtout moins habilement filmées, passent aussi bien l’épreuve de l’écran géant !

 Brigitte Cormier et Antoine Brunetto


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