C O N C E R T S
 
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PARIS
2 & 9/11/2004

Florence Katz
SAISON MUSICALE 2004-2005
Du Musée de l'Armée
En l'Hôtel National des Invalides

Les 2 et 9 novembre 2004
Grand Salon

CYCLE "LES ADIEUX"
Un parcours poétique et musical proposé par Guy Sacre

I - Variation sur le thème de l'Adieu 
Oeuvres de Beethoven, Ibert, Grieg, Milhaud,
Bach, Poulenc, Hahn, Blancafort,
Ravel, Liszt, Mompou, Granados, Mozart

Présentation : Guy Sacre 
Billy Eidi, piano

II - Les Voix de l'Adieu
Oeuvres de Barber, Goetz, Schubert,
Roussel, Schumann,
Sacre, Dussek, Honegger,
Poulenc, Beethoven, Malipiero,
Mozart, Ravel, Caplet, Fauré.

Florence Katz, mezzo-soprano
Jean-François Gardeil, baryton
Billy Eidi, piano
Guy Sacre, récitant



DECHIRANTS ADIEUX....

"La sortie du vert paradis de l'enfance, le regret de la jeunesse, l'exil volontaire ou forcé, la séparation des amis ou des amants, le départ pour la guerre, le dernier voyage... Autant de feuillets du livre de la vie où résonne le chant de l'adieu, avec le lamento de l'absence."
- Guy Sacre

La saison musicale du Musée de l'Armée, dont la programmation est décidément bien intéressante et inventive, nous avait déjà proposé en début d'année (février 2004), dans ce même lieu chargé d'histoire, un parcours baroque fort séduisant avec Armi e Amori.

Cette fois, il s'agit d'un cycle intitulé "Les Adieux", se déclinant en deux parties, la première mêlant  littérature et pièces pour piano, la seconde où la voix parlée s'efface peu à peu pour faire place aux lieder et mélodies, ainsi qu'au piano qui les accompagne, le tout imaginé par le compositeur, écrivain et conférencier Guy Sacre. Ce dernier, qui a composé de nombreuses pièces pour piano et une centaine de mélodies éditées chez Durand, est également l'auteur d'un vaste ouvrage "La musique de piano" en deux volumes (édité dans la collection "Bouquins" de Robert Laffont). Il a par ailleurs réalisé des émissions pour la Radio Suisse Romande et des conférences centrées sur des thèmes d'esthétique musicale et littéraire. Enfin, il est depuis 1994, conseiller artistique du festival Chopin à Paris.

Pour l'accompagner au cours de ces deux soirées, il a choisi des artistes avec lesquels il partage une grande complicité depuis plusieurs années : un disque comportant quelques unes de ses oeuvres majeures pour piano a été enregistré par Billy Eidi en 1995 chez Timpani, suivi en 2000 d'un choix de ses mélodies par Florence Katz et Jean-François Gardeil, avec le même pianiste, chez le même éditeur. 

Le premier concert, qui fait la part belle à la littérature et au piano avec lequel elle dialogue, est exemplaire d'érudition aussi bien littéraire que musicale. Les talents d'orateur et de "diseur" de Guy Sacre sont indiscutables, sa voix est douce et chantante, son discours d'un raffinement extrême. Sa culture est impressionnante, et à la littérature pianistique, souvent riche de trouvailles (Blancafort, Mompou) s'allie un choix pertinent et original, parfois inattendu, de textes de Borges, Carco, Bataille, Mauriac, Villon, Apollinaire, Chateaubriand, Max Jacob, Léon Paul Fargue, Clément Marot et Tagore. De plus, là ou bien d'autres, à l'occasion d'un tel parcours, se seraient cantonnés à un brillant exercice de style, où prédomine le pur intérêt intellectuel, l'émotion est au rendez-vous... Et quelle émotion ! Parfois en sourdine, parfois submergeante, elle laisse par moments l'auditeur pantois, la gorge serrée, quasiment au bord des larmes. C'est que ce thème de l'adieu concerne tout un chacun et que personne n'a jamais échappé à ce rituel déchirant, qui trouve en la musique pour piano des résonances infinies et secrètes....Celui de Billy Eidi est également exemplaire, humble, pudique et pourtant ô combien présent...

"Il est de doux adieux au seuil des portes...
Il est de longs adieux au bord des mers...
Il est d'autres adieux encor
Que l'on échange à voix plus basse..."

Henri de Régnier, mis en musique par Albert Roussel
(figurant au programme de la deuxième partie)

Avec l'arrivée du chant, l'exercice se modifie sensiblement, et oserons-nous le dire, se banalise quelque peu, comme si la voix chantée, pourtant fascinante à plus d'un titre, se révélait parfois impropre à véhiculer totalement le charme du verbe. L'auditeur se retrouve aussi dans un univers plus connu, celui de la poésie mise en musique, alors que le dialogue entre piano et texte parlé semblait plus subtil et plus rare... Eternel débat, dont Richard Strauss fera un opéra, "Prima la musica, dopo le parole", ou l'inverse ? On ne sait...

Toujours est-il que, malgré l'ordonnancement virtuose du programme, alternant oeuvres rares et connues, et le recours parfois surprenant à Borges, Péguy, Rimbaud, Hugo, Louise de Vilmorin, Montherlant, Eluard, Flaubert, Aragon, Baudelaire et Ronsard, l'itinéraire choisi recèle moins de surprises émotionnelles, à quelques exceptions près, bien sûr.

Jean-François Gardeil possède un beau timbre et une présence indiscutable, mais sa diction allemande n'est pas toujours très intelligible, en particulier dans "Abschied" extrait du "Chant du Cygne" de Schubert, compositeur dont l'univers lui semble assez étranger. Schumann, Mozart et le répertoire français paraissent mieux lui convenir, comme "Les Adieux" de Roussel et la mélodie de Guy Sacre "Ils ne savent pas", sur un poème de Georges Schehadé.

Florence Katz, dont on connaît les grandes qualités, semble plus à l'aise dans l'ensemble des oeuvres qui lui sont dévolues. Elle livre une très belle interprétation de "Abschied von Frankreich", opus 135 n°1 (Marie Stuart) et de "Trois beaux oiseaux du paradis" de Ravel. Cette dernière mélodie constituera, dans sa touchante simplicité, un des sommets de la soirée, l'autre étant la lecture vertigineuse et poignante de "L'adieu de Madame Arnoux", extrait de "L'Education Sentimentale" de Flaubert par Guy Sacre.

Si l'on ajoute que Billy Eidi sait aussi être un accompagnateur attentif et délicat, on pourra conclure que ces deux soirées ont constitué un cycle tout à fait captivant, créatif et original. 

Le "mot" de la fin fut sans doute donné par "L'adagio pour harmonica de verre" écrit par Mozart peu de temps avant sa mort, qui fermait la première partie du cycle. Rarement, on aura entendu adieu plus déchirant, s'ouvrant sur le silence cruel de l'absence. 
 
 
 

Juliette BUCH

NB : Pour les amateurs, on pourra retrouver Guy Sacre, Florence Katz et Billy Eidi le 28 novembre prochain à 17 h 30 dans un concert-conférence intitulé "Verlaine, masques et bergamasques" (Fauré, Debussy, Ravel, Hahn...) à la Fondation Dosne-Thiers, 27 Place Saint-Georges 75009 Paris - 01 43 71 60 71 ou www.autourdupiano.com

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