C O N C E R T S 
 
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LONDRES
28/11/03

© Clive Barda
Giuseppe VERDI

AIDA

Opéra en 4 actes de Giuseppe Verdi 
Livret d'Antonio Ghislanzoni
sur un sujet d'Auguste Mariette (Mariette Bey)
développé par Giuseppe Verdi et Camille Du Locle

Production : Robert Wilson
Décors : Robert Wilson
Lumières : Robert Wilson
Costumes : Jacques Reynaud
Chorégraphie : Makram Hamdan

Aida : Norma Fantini
Amneris : Ildiko Komlosi
Radames : Johan Botha
Amonasro : Mark Doss
Ramfis : Carlo Colombara
Il Ré : Graeme Broadbent
Un prêtresse : Victoria Nava
Un messager : James Edwards
 

Choeurs et orchestre du Royal Opera House
Direction : Antonio Pappano
 

Londres, le 28 novembre 2003



DÉSERT CULTUREL
 

Pour cette reprise du spectacle coproduit avec le Théâtre de la Monnaie, le Royal Opera House ne s'est guère posé de questions : la distribution, hormis les seconds rôles, est absolument identique à celle proposée à Bruxelles en janvier 2002 (voir la critique de Camille de Rijck).

Pourtant, compte tenu de cette expérience, on aurait pu espérer que le théâtre londonien fasse appel à des chanteurs moins contestables, d'autant que Covent Garden est d'un tout autre volume que le théâtre bruxellois ; encore faut-il en trouver qui acceptent de se plier aux règles contraignantes de la scénographie wilsonienne...

Norma Fantini est ici une sous-Freni égarée en Aida, c'est-à-dire pas grand-chose, l'authentique Mirella étant déjà elle-même égarée dans cette oeuvre. Tout ça demeure bien chanté, reste qu'on a ainsi constamment l'impression d'entendre Susanna des Nozze dans une adaptation de Verdi : heureusement que l'acoustique du Royal Opera est particulièrement favorable aux voix.
Avec Ildiko Komlosi, elles font la paire : inutile de dire que les duos sont bien équilibrés ! Volume confidentiel, aigus peu puissants, cette fois c'est la Rosine du Barbiere, là encore plutôt correctement chanté.
Johan Botha est un cas : voilà un chanteur qui, lui, dispose de réel moyen pour ce rôle. Nous passerons sur la présence physique (le costume taillé sur mesure par Camille de Rijck continue à lui aller comme un gant) : même dans une mise en scène de Bob Wilson, on peut espérer un visage qui, de temps à autre, semble exprimer des émotions.
Vocalement, malgré un timbre un peu ingrat et passe-partout, Botha livre un Radames très correct, tant que l'aigu n'est pas sollicité ; en effet, dès qu'elle atteint le haut médium, la voix se fait de plus en plus nasale, le "si" est totalement placé dans le masque, perdant toute projection : les notes sortent mais sans produire cet effet purement physique qu'on est en droit d'attendre.
Mark Ross est, comme à Bruxelles, un Amonasro fruste, mais impressionnant : ce n'est pas raffiné, mais ça réveille !
Carlo Colombara, nouveau venu par rapport à la précédente édition, est un Ramfis digne et bien chantant, un peu limité en volume également.
Enfin, Graeme Broadbent, James Edwards et Victoria Nava complètent avec talent la distribution (à noter que ces deux derniers artistes font partie du programme sponsorisé par le mécène Eduardo Vilar, enfin, quand il avait encore de l'argent).

Dans cette ambiance très "salon de thé", on pouvait craindre une direction d'orchestre du même tonneau : il n'en est rien, fort heureusement ! Antonio Pappano impose une direction très dramatique, alternant les moments de violence et les abandons élégiaques ; dommage que l'orchestre du Royal Opera ne soit pas toujours capable de répondre à ses exigences, comme en témoignent quelques accidents (en particulier au niveau des violons : des attaques assez désordonnées, des difficultés à faire vibrer les cordes dans les piani...).

La chorégraphie m'a semblé le seul moment un peu réjouissant de la représentation : elle est en décalage total avec l'esthétique wilsonienne, utilisant peu ou prou le vocabulaire classique, pour des interventions qu'on croirait sorties d'un ballet de Petipa (et j'adore Petipa, alors, quand c'est la seule raison pour laquelle la soirée n'est pas totalement désastreuse...).

Reste la production de Robert Wilson : inutile de tirer sur l'ambulance, le scénographe américain réutilise une fois de plus ses vieilles ficelles sans se soucier véritablement de les faire évoluer pour servir l'oeuvre qu'il met en scène. Le hasard fait parfois qu'on tombe sur un spectacle réussi (c'était, à mon sens, le cas pour la récente Femme sans ombre de Bastille), ici ce n'est pas le cas. Quelques gags involontaires viennent parfois soulever une paupière : une obélisque qui descend des cintres tel un missile pour pulvériser une pyramide (hélas, elle remonte avant), des rochers qui bougent tout seul... un instant, on pense à ceux qui ont payé 180 £ pour assister à ce spectacle médiocre, et puis on retombe dans l'ennui.
 

Placido CARREROTTI
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