C O N C E R T S
 
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MARSEILLE
01/10/04

Alexia Cousin @ Guy Vivien
L'AIGLON

Drame musical en 5 actes
Musique Jacques Ibert et Arthur Honegger
D'après la pièce d'Edmond Rostand adaptée par Henri Caïn
Création à Marseille
Nouvelle production

L'Aiglon : Alexia Cousin
Thérèse de Lorget : Brigitte Fournier
Marie-Louise : Juliette Mars
La Comtesse Camerata : Doris Lamprecht
Fanny Elssler : Sarah Jouffroy
Flambeau : Alain Vernhes
Metternich : Marc Barrard
Marmont : Christian Tréguier
Frédéric de Gentz : Charles Burles
Le Chevalier de Prokesch-Olsen : Michel Vaissière

Direction musicale : Patrick Davin
Mise en scène : Patrice Caurier et Moshe Leiser
Décors : Christian Fenouillat
Costumes : Agostino Cavalca
Lumières : Christophe Forey

Deux compositeurs pour une même partition. Qui fit quoi alors ? "Le secret de notre collaboration ? Il n'y en a pas. La main gauche. La main droite." confiaient ironiquement Ibert et Honegger, ramenant avec raison de six à cinq actes la pièce de Rostand. 

Un secret jalousement gardé ? Un secret de polichinelle oui... Qu'il nous soit permis de supputer qu'Ibert transpire allègrement dans les plages sentimentales et Honegger dans les passages d'héroïsme comme cette hallucinante évocation de la bataille de Wagram. C'est à Gunsbourg que l'on doit le partage de l'oeuvre : "Il n'y en a qu'un pour faire les batailles, c'est Honegger". Dont acte...

Alors cet Aiglon, que donne-t-il ? Des pages au charme indubitable. Le métier est toujours présent, la facilité aussi avec l'insertion de chants patriotiques ou de comptines enfantines. On sent que les deux musiciens maîtrisent toutes les ressources et ficelles de leur technique comme en témoigne le naturel de la déclamation lyrique. Traitée à la manière des images d'Epinal, l'oeuvre est intense, pathétique, directe.
Reconnaissons également qu'avec habileté et finesse, le chirurgien-librettiste Henri Caïn s'est tiré d'affaire avec brio, même si son texte ne peut toujours respecter le rythme dramatique du poète marseillais, entre panache et rouerie du verbe propres à faire pleurer Margot.

Bref, sur un texte suranné parfois bien proche de l'opérette, voici un drame mi-aristocratique, mi populaire mêlant adroitement les deux genres, une viennoiserie sucrée salée à point pour faire rêver le petit peuple toujours amoureux des brillants salons. Si en plus l'infortuné et tuberculeux Roi de Rome (et pour certains fils du "Boucher de l'Europe") en est le héros...

C'est avec plaisir que l'on salue ici le retour de Patrice-Caurier et Moshe Leiser.
Le talentueux tandem (n'oublions pas les décors signés Fenouillat et les costumes de Cavalca) vient de signer dans la cité phocéenne sans aucun doute LE spectacle de l'année car bourré de théâtre, de vie, de lumières (Christophe Forey), de vérité (un bémol pour les chaussures de drag queen portées par certains), d'intelligence, d'amour tout simplement.

Certains tableaux comme le monologue de Metternich/Nosferatu ou les apparitions cadavériques à Wagram (avec des masques sortis du J'accuse de Gance) sont réellement terrifiants, la mort de l'Aiglon poignante dans sa vérité nue. 
Une création marseillaise réussie en tous points !

Tout repose ici, on le sait, sur le choix du protagoniste. Alexia Cousin possède la voix du rôle, de la présence, de la conviction, de la prestance, elle impose avec grâce un personnage plein de force fragile, de difficulté d'être, d'enthousiasme et de refus. Elle ne mérite que des éloges.

Autre rôle en or : Flambeau, l'ancien grognard devenu laquais/conspirateur puis martyre. Irrésistible de conviction, de naturel, bon comédien, Alain Vernhes emporte l'adhésion la plus complète.

Belle surprise aussi avec le cauteleux Metternich de Marc Barrard. Une stature, un format vocal impressionnant, tout de flammes haineuses, d'autorité inquiétante, de rage extériorisée. Une grande et belle composition à l'actif du baryton nîmois.
Pertinentes interventions du reste du plateau : Charles Burles (Gentz) cabotine avec esprit, Brigitte Fournier coule avec la limpidité d'une " Petite Source"... Impossible de les citer tous.

Dans la fosse, Patrick Davin livre une exécution fine et nuancée de cet opéra qui pourra certes plaire par son lyrisme aisé, mais ne sera jamais le chef-d'oeuvre immortel qu'on voudrait bien nous faire croire.


 
Christian COLOMBEAU
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