C O N C E R T S 
 
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NEW YORK

24/10/02


(Aprile Millo)
Andrea Chénier

Opéra en 4 actes d'Umberto Giordano
Livret de Luigi Illica

Andrea Chénier : Placido Domingo (actes I, II et III) / Antonio Barasorda (IV)
Maddalena de Coigny : Aprile Millo
Carlo Gérard : Frederick Burchinal
La Comtesse de Coigny : Katherine Ciesinski
Bersi : Theodora Hanslowe
Fléville : Ian Greenlaw
Le Majordome : Patrick Carfizzi
L'Abbé : Bernard Fitch
Mathieu : Paul Plishka
L'Incredibile : Bonaventura Bottone
Roucher : Gino Quilico
Madelon : Jill Grove
Dumas : Jeffrey Wells
Fouquier-Tinville : Thomas Hammons
Schnmidt : Richard Vernon

Direction musicale : Paul Nadler
Production : Nicolas Joël
Décors et costumes : Hubert Monloup
Eclairages : Duane Schuler
Mise en scène réglée par : Paul Mills

New York, le 24/10/2002


Ne coupez pas  !

Sans être un pilier du répertoire new-yorkais comparable à La Bohême ou Tosca, Andrea Chénier y reste un opéra joué avec une certaine régularité, dès lors que des chanteurs de haut niveau peuvent y briller.

Chénier a été produit pour la première fois à New York (mais pas au Met), l'année même de sa création italienne. Si le Met s'est fait voler cette création, il s'est bien rattrapé depuis, avec plus de 170 représentations à ce jour (à noter que l'oeuvre n'a jamais été chantée à l'Opéra de Paris...).

Si Caruso ne survécut pas jusqu'aux représentations pour lesquelles il était programmé, Gigli puis Del Monaco, Tucker, Bergonzi, Corelli, Domingo (en 1977) ou Pavarotti ont défendu le rôle du poète aux côtés de Maddalena telles que Ponselle, Muzio, Rethberg, Milanov, Tebaldi, Arroyo ou Farrell et de Gérard incarnés par des Warren, Merrill, Bastianini ou encore Milnes. C'est dire si les références sont intimidantes pour cet ouvrage. La production actuelle a été créée en 1996, à l'occasion de la prise de rôle scénique de Luciano Pavarotti (aux côtés d'Aprile Millo et de Juan Pons).

Comme on le sait, les mises en scène du Metropolitan sont généralement assez classiques, et la production de Nicolas Joël n'échappe pas à la règle : on pouvait néanmoins attendre plus d'inspiration de cette équipe.

En effet, après un premier acte un peu stylisé, nous avons droit à une production on ne peut plus "conventionnelle" (normal, compte tenu du sujet), et sans les fastes d'ouvrages plus populaires au Met.

Si la mise en scène n'est pas transposée, on ne peut pas en dire autant du rôle du ténor : un ton pour "Un di all'azzuro spazio", un demi-ton (voire un ton entier) pour une bonne partie de l'acte II; "Si fui soldato" et "Come un bel di maggio" échappent à l'ascenseur, mais au sacrifice du si bémol pour le second.

A ce stade de sa carrière et compte tenu des références que nous avons rappelées en introduction, on peut se demander pourquoi, diable, Placido Domingo a voulu se lancer dans une pareille aventure ! Certes, la voix reste belle, bien timbrée, toujours sans vibrato, la musicalité est irréprochable, mais quelle tension dans les aigus (avec un deuxième acte franchement pénible) ! Quel manque de vaillance et d'héroïsme !

Annoncé souffrant dès le début du spectacle, Domingo finira par jeter l'éponge au final pour être remplacé par l'honnête Antonio Barasorda pour le dernier acte. A l'issue de cette représentation, Domingo décidera finalement d'annuler sa participation aux représentations viennoises de juin 2003.

Notre bonheur est donc ailleurs. Succédant à Sylvie Valayre pour une unique représentation (la dernière), Aprile Millo nous revient en grande forme : assurément, nous avons droit à du vrai beau chant. Du pianissimo extatique à l'aigu autoritaire, l'artiste utilise avec science toutes les ressources de son art.

Mais il s'agit plus de science que de véritable génie : Millo n'est pas ici Maddalena, mais bien plutôt "Aprile Millo imitant Zinka Milanov dans le rôle de Maddalena" ! Constamment tournée vers la salle, Millo nous gratifie d'une gestuelle sémaphorique qui évoque davantage le bis d'un récital qu'une véritable représentation scénique : nous nageons dans les pires conventions pré-callassiennes. "Io son l'amore" (extrapolé d'un contre-ut !) est ainsi lancé la mâchoire ferme, l'oeil de braise, le poing frappant la poitrine, tout ça devant le trou du souffleur et sans un regard pour son partenaire.

Heureux de retrouver une de ses artistes favorites (Millo ne chantait que cette unique soirée cette saison), le public new-yorkais lui fait un véritable triomphe : nous aurons droit à l'inévitable genou en terre à l'issue de la "Mamma morta" avec accompagnement de larmes et poses farouches.

Doublure de Juan Pons pour cette dernière représentation, Frederick Burchinal masque l'usure de ses moyens en chantant le plus fort possible, ce qui ne fait que nous rendre plus évidents ses problèmes de justesse. On ne dira pas grand chose d'Antonio Barasorda, tombé des cintres pour le dernier tableau : c'est du travail honnête pour un vétéran.

Les seconds rôles (qui regroupent un certain nombre de vieilles gloires) sont excellemment tenus.

Paul Nadler assure quant à lui la doublure de James Levine : c'est donc à ce dernier qu'il faudra reprocher des tempi extrêmement étirés (défaut déjà noté dans notre critique de Tosca de mai dernier) : heureusement, Millo a du souffle !
  


Placido Carrerotti
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