C O N C E R T S 
 
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PARIS
(Opéra Bastille)
 
Le Barbier de Séville
 

Gioacchino ROSSINI
 

Il conte d'Almaviva : Bruce Ford
Bartolo : Carlos Chausson
Rosina : Sophie Koch
Figaro : Dalibor Jenis
Basilio : Ferruccio Furlanetto
Berta : Jeannette Fischer
Fiorello : Nicolas Garrett
Un ufficiale : Denis Aubry
Ambrosio : Jean-Marc Huber

Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris

Direction musicale : Bruno Campanella
Mise en scène : Coline Serreau
Décors : Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine
Costumes : Elsa Pavanel
Lumières : Geneviève Soubirou

Chef des choeurs : Jean Laforge

Opéra Bastille, 
Représentation du samedi 8 juin 2002



Monter Le Barbier de Séville dans le grand vaisseau de Bastille peut paraître a priori incongru. En effet, comment y apprécier vraiment le travail d'orfèvre minutieux et pointilleux de la musique et la subtilité de l'intrigue ? L'une des conditions, pour ne pas tromper un public constitué, pour une bonne partie, de spectateurs allant rarement à l'Opéra sauf pour de grands "tubes", est de lui proposer un spectacle haut de gamme. Force est de constater que le pari est réussi.

Le précédent travail de Coline Serreau sur la Chauve Souris à l'ONP avait été largement contesté. Le côté démonstratif de la mise en scène autour de l'antisémitisme de la société viennoise était particulièrement lourd et gâchait les excellentes idées (le ballet décalé, les changements de décors spectaculairesÖ). Sur le papier, le choix d'une transposition dans une Espagne islamique traitant du problème de l'émancipation féminine pouvait faire craindre le pire. Mais ce thème n'apparaît finalement qu'en filigrane dans un spectacle qui se veut tout d'abord raffiné et divertissant. Les décors de Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine sont à la fois classiques et superbes (en particulier les deux intérieurs de la demeure de Bartolo). Il est paradoxal de penser que Stehlé a collaboré à l'épouvantable Idoménée mais aussi à la très belle Flûte Enchantée de Garnier. Comme le dit justement Catherine Scholler dans sa critique de la Flûte, tout est une question de cahier des charges et d'exigence du metteur en scène. Coline Serreau sait visiblement ce qu'elle veut et a transmis aux chanteurs un grand sens du rythme, tout en restant finalement assez sage (on se souvient d'une mise en scène de Dario Fo beaucoup plus échevelée à l'occasion du bicentenaire Rossini à Garnier).

La distribution démontre que certaines défauts constatés chez un chanteur ou un autre ne remettent pas forcément en cause son homogénéité. D'un point de vue individuel, Sophie Koch nous a fait peur au cours de cette représentation en ratant son "Una voce poco fa" avec des aigus mal maîtrisés et faux. Les récitatifs qui ont suivi étaient également très "limite" du point de vue de la justesse. Mais cette méforme fut passagère et la suite fut royale. Au cours du deuxième acte, Sophie Koch laissa éclater son timbre corsé et fit preuve d'un bon abattage scénique. Les échos des autres représentations ont bien confirmé qu'il s'agissait d'un incident de parcours qui peut arriver à (presque) n'importe quel chanteur.

Le cas de Bruce Ford répond également à la même règle avec quelques faiblesses de projection et un timbre un peu nasillard. Là aussi au 2ème acte, la voix a pris de la puissance et de l'expressivité. Le Figaro de Dalibor Jenis était quand à lui tout de suite dans le ton avec un timbre clair et vaillant. Nous sommes face à un Figaro jeune et roublard, tout à fait dans le style voulu par Beaumarchais. Ferruccio Furlanetto est beaucoup plus crédible en Basilio que dans l'opéra français (on se souvient de son Mephisto de sinistre mémoire). Mais les deux grands vainqueurs de la soirée furent Carlos Chausson en barbon bourré de tics et Jeannette Fischer impayable dans son numéro de rap (et quels aigus !).

La direction d'orchestre de Bruno Campanella est alerte, souvent rapide (un peu trop peut être) et les choeurs, vaillants comme à leur habitude, se prêtent visiblement bien au jeu scénique.

Bref une production où populaire rime avec grand luxe !
 
 

Bertrand Bouffartigue
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