C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
PARIS

12/11/02


Barbara Frittoli, Amelia Grimaldi 
(crédit photo Askonas Holt)
Simon Boccanegra

Giuseppe VERDI

Simon Boccanegra : Juan Pons
Jacopo Fiesco : Ferrucio Furlanetto
Amelia Grimaldi (Maria) : Barbara Frittoli
Paolo Albiani : Vassili Gerello
Gabriele Adorno : Vincenzo La Scola
Pietro : Nicolas Testé
Choeurs et Orchestre de l'Opéra National de Paris
Direction musicale : Pinchas Steinberg

Opéra Bastille, le 12 novembre 2002



Composé en 1857, Simon Boccanegra reste l'un des chefs-d'oeuvre les plus aboutis de Verdi. Voici un argument complexe mêlant intrigues politiques et drames familiaux, amours problématiques et rivalités de pouvoir... Le tout se déroulant entre des personnages au profil, psychologique et musical, étudié avec soin. C'est autant par la richesse du livret de Francesco Maria Piave, remanié par Arrigo Boito, que par la surprenante musique du maestro, que cet opéra tranche au sein des compositions verdiennes. Il a de ce fait gagné en popularité au cours du XXe siècle, notamment grâce au magistral enregistrement de Claudio Abbado, même s'il ne remporte pas autant d'adhésion que La Traviata ou autre Trovatore.

Ce n'est malheureusement pas la production de l'Opéra National de Paris qui rend justice à cette oeuvre. La mise en scène n'est qu'une direction d'acteurs assez inexistante (une mise en espace ?) au sein de décors très sobres rappelant les lieux de l'action (le perron de la demeure de Fiesco pour le prologue, la terrasse du palais Grimaldi et une salle du conseil pour le premier acte ; la chambre ducale au sein du palais s'ouvrant en arrière-scène vers la mer au cours des deuxième et troisième actes). L'éclairage ne prend guère soin de nos yeux et il faut constamment adapter sa vision pour distinguer les rares évolutions des personnages sur le plateau. Les costumes sont par contre très élégants et situent l'action dans les années 1930 où le doge reste un chef intemporel toujours paré de ses atours du XVe siècle. Doit-on y voir un clin d'oeil signifiant qu'à la mort de Boccanegra le pays sombrera dans le fascisme mussolinien, ayant perdu son protecteur ? Aucun autre indice n'est livré au cours de la représentation.

Il a fallu attendre la scène de la révolte du peuple pour que Juan Pons endosse enfin son rôle; après un prologue et des retrouvailles avec sa fille (pourtant splendides musicalement), à la justesse chancelante et au timbre mal assuré, il a donné au Doge, jusqu'à la fin de l'opéra, sa véritable identité avec la preuve d'un réel engagement et d'une forte expérience scénique. Alliant la grande émotion dans son décès final à l'autorité de la poignante "malédiction", l'ensemble des facettes du personnage ont alors été offertes au public.

Armé d'une voix sombre au vibrato large, Ferrucio Furlanetto a campé un Jacopo Fiesco peu convaincant mais, de manière soudaine, surprenant lors de la scène finale. La force émotionnelle de l'oeuvre aurait-elle à ce moment touché ce chanteur à la longue carrière dans un rôle qu'il semblait avoir jusque-là privé d'une dimension musicale et psychologique essentielle ?

Pourtant personnage-clé des complots et véritable "méchant" de l'ouvrage, Paolo Albiani, interprété par Vassili Gerello, a semblé absent durant toute la soirée. Une interprétation vide, froide et sans intérêt pour le spectateur. Vincenzo La Scola a peut-être été le plus déséquilibré de tous les protagonistes masculins. Ce ténor aux aigus mal assurés était parfait lorsqu'il s'agissait d'exprimer les doutes et les amours du personnage, grâce à un timbre brillant aux couleurs magnifiques, mais il ne fut guère convaincant le reste de temps et même parfois, franchement désagréable à écouter.

C'est avec plaisir que nous attendions le retour de Barbara Frittoli sur la scène de l'Opéra National de Paris; après un air d'entrée toujours délicat et qui ne pouvait être de la qualité de celui enregistré en studio, elle a campé une Amelia/Maria digne des pages admirables dévolues à l'héroïne. Sa voix puissante à la palette riche et variée a dominé, avec distinction, le plateau et rempli sans effort le vaste espace de l'Opéra Bastille. Malheureusement faut-il, d'ores et déjà s'inquiéter, du vibrato fort large qu'affiche cette jeune chanteuse ? Ce serait fâcheux avec les moyens et les possibilités dont elle dispose. Il est regrettable que les choeurs de l'Opéra de Paris n'aient semblé que peu concernés par leur prestation vu l'importance de la foule dans cette oeuvre et les qualités dont ils ont encore fait preuve récemment dans Boris Godounov.

Pinchas Steinberg dirigeait avec une précision exquise, il a su ménager le juste équilibre entre le plateau et la fosse. De bonnes surprises pour la reprise de ce Simon Boccanegra à Paris, mais sans atteindre le niveau de que l'on aurait pu attendre.
  


Jean-Bernard Havé
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]