C O N C E R T S 
 
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PARIS
12/02/03
Parsifal (acte II)
Opéra de Richard Wagner

Parsifal : Robert Dean Smith
Kundry : Michelle De Young
Klingsor : Roman Trekel

Choeurs : Les Cris de Paris & Le Jeune Choeur de Paris
Orchestre du Conservatoire de Paris
Direction : Pierre Boulez

Version concert.

(1re partie : adagio de la Dixième Symphonie de Mahler)

Paris, Cité de la Musique, 12 Février 2003


Parsi-fade

Les apparitions parisiennes de Pierre Boulez à la tête d'un opéra sont trop rares pour que le tout-Paris ne se soit pas précipité à la lointaine Cité de la Musique pour ce simple extrait de "Parsifal", d'autant que l'illustre chef avait récemment déclaré qu'il ne dirigerait les opéras de Wagner qu'à Bayreuth, seule salle adaptée à ces ouvrages.

L'auditorium accueillait donc un public bizarrement hétérogène, où les abonnés fidèles, de milieux plutôt populaires (le prix des places plafonne à 20 euros), côtoyaient critiques branchés, lyricomaniaques et veuve de président de la République...

L'événement serait-il à la hauteur des attentes du public ? 

Le programme du concert commence par les maigres 20 minutes de l'adagio de la Xe symphonie de Mahler ; un choix étonnant, qui semble tenir du remplissage, mais qui se révèle judicieux : prosaïquement, il permet à l'orchestre de se mettre en jambes sans que ce tour d'échauffement l'épuise ; musicalement, la mise en place est irréprochable et Boulez nous fait découvrir des rapprochements intéressants avec le Wagner de Tristan.

Après un entracte plus long que la première partie (il faut laisser le temps aux ministres, ex-ministres et futurs ex-ministres d'aller faire leurs vénérations en coulisses), nous attaquons le morceau de choix avec l'acte II de Parsifal.

Robert Dean Smith interprète un Parsifal très correct (il est vrai que le rôle n'est pas trop exigeant vocalement), à l'aise dans cette tessiture centrale, au timbre vaillant et à la puissance suffisante ; il manque toutefois de rayonnement intérieur. Ajoutons une tendance à "jouer" le rôle un peu déplacée dans cette version concert un rien glacée : quoi de plus saugrenu que de faire mine de brandir une lance qui n'existe pas (ce qui se traduit par des mouvements du poing fermé en fonction de la position supposée de la lance : il faut quand même pas mal d'imagination chez le spectateur !).

Roman Trekel s'attaque à Klingsor avec une motivation certaine (dans son énervement, il a même tendance à faire valser sa partition d'un revers de main, ce qui le conduit à rechercher frénétiquement la page dans les instants qui suivent). L'interprétation est sommaire, la voix un peu blanche et le volume limité malgré la disposition en contrebas de l'orchestre.

Sa Kundry est une Michelle De Young complètement hors de propos : inutile ici de chercher les trois facettes du personnage, tour à tour maudite, séductrice puis mystique. Inutile de rechercher quoi que ce soit, d'ailleurs : c'est un chant uniforme, sans couleurs, bien propret et bien élevé, la Comtesse des Noces égarée au lupanar ! Seuls ses "si" bécarre échappent au traitement "Monsieur Propre" : il faut dire que leur émission n'est guère... catholique (un louable souci de coller au personnage, sans doute...).

Côté choeur, on reste également sur sa faim : certes, la partition ne pose pas de problèmes aux interprètes et ceux-ci sont bien préparés, mais ces voix blanches et fixes seraient plus appropriées aux concerts d'oratorios (vous savez, ces programmes semi-amateurs dans les églises : Vivaldi, Haendel et en bis un extrait des Carmina Burana !). Un choeur de vierges pour les filles-fleurs, c'est vraiment le comble !

Des choix vocaux entièrement assumés par la lecture de Boulez : évitant ou plutôt fuyant tout pathos, le chef entreprend une lecture décapante de la partition. Pour Boulez, l'émotion doit ressortir de la partition seule et non d'une interprétation extérieure "non objective" imposée par un chef. Le parti pris est intéressant intellectuellement, voire révolutionnaire : c'est refuser de voir en  l'opéra un art d'interprétation. Le résultat est discutable : on apprécie la maîtrise technique, la nouveauté, des sonorités inattendues, mais où est le drame dans cette lecture désincarnée (un contre-sens quand on songe que le christianisme est justement la religion de l'incarnation divine) ? Plus simplement, supporterait-on cela durant trois actes ?

Techniquement, on admirera le travail fait avec l'Orchestre du Conservatoire (dont il faut rappeler qu'il ne s'agit pas d'un orchestre professionnel ni même d'une assemblée de premiers prix mais bien d'élèves en cours de formation). Pas une faille chez ces jeunes musiciens attentifs, et un résultat qui pourrait faire pâlir d'envie certains orchestres professionnels (il me revenait en mémoire quelques soirées de l'Orchestre de Paris...). Un seul reproche, le comportement d'un certain nombre de musiciens en pleine crise pubertaire, tirant ces mines d'adolescents revenus de tout ! (On leur pardonne, ils sont trop bons musiciens !).

Au global, une soirée un peu décevante, conclue toutefois par des applaudissements nourris aux saluts, mais sans grand déchaînement.
 
 

Placido Carrerotti
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