C O N C E R T S 
 
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MONTE CARLO
26/03/04

Denia Mazzola
Giacomo PUCCINI

MADAMA BUTTERFLY

Direction musicale : Eric Hull
Chef de choeur : Kristan Missirkov
Mise en scène & Décors : Mario Pontiggia
Costumes : Shizuko Omachi
Éclairages : Eduardo Bravo

Cio-Cio San : Denia Mazzola
Suzuki : Ning Liang
F.B. Pinkerton : Kostadin Andreev
Sharpless : Dario Solari
Goro : Pierre Lefebvre
L'Oncle Bonzo : Nicola Alaimo
Le Prince Yamadori : Guillermo Bussolini
Kate Pinkerton : Janeta Sapoundjieva
Le Commissaire Impérial : Luciano Montanaro

Choeurs de l'Opéra de Monte-Carlo
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

Spectacle du vendredi 26 mars 2004



Une Butterfly de plus penseront certains. Il n'en n'est rien. Car voilà sans doute une des réalisations les plus abouties et parfaites de Mario Pontiggia. Rigueur de la pensée comme des moyens employés pour traduire une chronique robuste et d'une picturalité exceptionnelle dans sa nudité crue - c'est-à-dire le côté humain d'une lorgnette qui pointe dès le premier acte sur Cio-Cio San pour ne plus la quitter -, sanguinaire, amère, immorale, immonde, d'une gamine de quinze ans vendue et devenue le jouet d'une Amérique triomphante et colonialiste. Chronique qui possède alors toute la multiplicité des paraboles riches de tout ce qu'on y devine.

On peut regretter quelques inévitables japonaiseries de pacotille, quelques attitudes appuyées, voire une gestique un peu trop appliquée chez l'héroïne (mais on sent ici le travail et une approche théâtrale de haut niveau) pour mieux saluer la simple beauté des décors et le luxe des costumes traditionnels de Shizuko Omachi. De toute façon, une Butterfly sans Japon de carte postale ne serait pas Butterfly... Et voilà qui nous change des transpositions douteuses de l'ouvrage après Hiroshima ou Nagasaki...

Denia Mazzola aborde pour la première fois dans sa très belle carrière (elle fut une Medea, une Norma, une Santuzza racée et supérieure !) la solitude de Butterfly, ses emportements, ses abandons, ses rancoeurs, ses désespoirs aussi. Naturelle, évidente (craintive et éveillée) elle dit avec grâce et émoi ce qui touche au coeur sur un ton mélancolique, pudique, intime et feutré qui évoque le quotidien.

Vocalement, après une entrée miraculeuse de sensibilité, elle s'arrange avec une intelligence diabolique du grand, techniquement éprouvant et terrible duo du premier acte - summum d'érotisme musical ! - dont elle ne sort toutefois pas indemne.
C'est au deuxième et surtout au troisième acte que la diva se retrouve - et nous avec - entre langueur poétique et brusquerie réaliste pour signaler, puis isoler, cran par cran, chaque moment, chaque temps fort du drame. Dans une économie de gestes et de cris rares. Une fort belle composition au finish.

Déboussolé, en fuite dès les premiers instants, le goujat, le cynique, insipide et pitoyable Pinkerton de Kostadin Andreev se disloque au premier soleil. La voix, sensible, passionnée, tenace, charrie pêle-mêle la rage et l'amour.

Le Sharpless de Dario Solari ? Simplement parfait. Tout aussi attachante la Suzuki de Ning Liang, face au dégoulinant de rouerie toute putassière Goro de Pierre Lefebvre qui nous invente sans vergogne tout au long de la première partie le "sprechgesang" puccinien.

Tous les autres nombreux personnages sont finement croqués. Avec une mention pour le terrifiant Oncle Bonzo de Nicola Alaimo, neveu de qui vous savez. Un baryton à suivre... Kristan Missirkov a enfin tiré les Choeurs de Butterfly d'une certaine grisaille. Poésie là aussi, précision, dans une belle mise en place et en espace.

Au pupitre, Eric Hull dessine superbement l'univers orchestral de Puccini avec un orientalisme étrangement familier, des paroxysmes grandioses mais sans pathos, pour donner une vie, une musicalité constante, un souffle très authentique à la partition.
 
 
 

Christian COLOMBEAU
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