C O N C E R T S
 
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LONDRES
28/12/2006
 
Anna Caterina Antonacci (Carmen)
Rehearsal November 2006. Photo Rob Moore

Georges BIZET

CARMEN
 
Opéra comique en 4 actes
Livret de Henry Meilhac et Ludovic Halévy

Direction musicale : Antonio Pappano
Mise en scene : Francesca Zambello
Décors : Tanya McCallin
Lumières : Paule Constable
Chorégraphie : Arthur Pita

Carmen : Anna Caterina Antonacci
Don José : Jonas Kaufmann
Michaëla : Nora Amsellem
Escamillo : Ildebrando d’Arcangelo
Zuniga : Matthew Rose
Le Dancaïre : Jean Sebastien Bou
Le Remendado : Jean Paul Fouchécourt
Morales : Jacques Imbrailo
Fraquita : Elena Xanthoudakis
Mercedes : Viktoria Vizin

The Royal Opera Chorus and Orchestra
Londres, Royal Opera House, 28 décembre 2006

La voilà ! Voilà la Carmencita !


On imagine que c'est avec un certain plaisir que le Covent Garden a dû programmer le fleuron de l'opéra français en réunissant une distribution qu'aucune scène hexagonale ne peut se permettre actuellement. Pourtant, plus soucieuse de réunir des grands noms du chant que de choisir de vrais spécialistes de ce répertoire, la distribution réunie à Londres pourra gêner à plusieurs reprises le spectateur français, notamment en ce qui concerne les deux héros masculins, à la diction plus qu'exotique.

On connaît les infinies nuances que peuvent se permettent Jonas Kaufmann et Ildebrando d'Arcangelo lorsqu’ils chantent dans leur langue. Ici, ils s'appliquent tant bien que mal à prononcer un texte qui leur échappe, au détriment d'une réelle caractérisation de leur personnage. On apprécie trop Ildebrando d'Arcangelo pour s'attarder sur son Escamillo, qui le confronte à une tessiture et une langue qui ne lui conviennent pas. Reste heureusement une présence scénique et vocale qui le sauve du contre-emploi.

Jonas Kaufmann n'est guère plus heureux en Don José, mais le rôle lui donne-t-il au moins plus d'occasions de briller, réussissant de très beaux effets dans son air, et surtout un duo final d'une pudeur et d'une violence proprement bouleversantes.


Anna Caterina Antonacci (Carmen) - Jonas Kaufmann (Don José)
© Photo Rob Moore


Heureusement, on pourra se tourner vers les luxueux seconds rôles pour retrouver, le temps de quelques répliques, une déclamation et un phrasé dignes de l'oeuvre de Bizet : Jean-Sébastien Bou et Jean-Paul Fouchécourt, impeccables en Dancaïre et Remendado.

Du côté de dames, le bonheur est plus constant. Nora Amsellem est vocalement idéale pour Michaëla, même si elle a du mal à trouver ses marques dans son personnage, tiraillée entre un timbre trop mûr pour la jeune paysanne aux nattes tombantes, et le personnage conventionnel auquel la cantonne la mise en scène.


Norah Amsellem (Micaëla)
© Photo Rob Moore


Dans la lignée de ses Poppea, Medea, Vitellia, Agrippina, et autres femmes fatales dont elle s'est faite la spécialiste depuis quelques saisons, on imaginait aisément qu'Anna Caterina Antonacci ne fasse qu'une bouchée de la bohémienne, revêtissant les habits de la cigarière comme une seconde peau. Après son incendiaire Cassandre du Châtelet, on savait aussi les affinités de l'interprète avec la langue française. Si la diction est, à quelques liaisons et “e” muets près, parfaite, c'est surtout le sens des mots qui fascine, la soprano italienne semblant réinventer constamment un texte que l'on connaît pourtant par coeur, le phrasant avec une intelligence remarquable. Pourtant, même en sachant tout cela, on ne peut qu'être fasciné par une interprétation en tous points exemplaire, tant d'un point de vue scénique que musical et vocal.

On se met alors à imaginer l'interprète dans un autre environnement que celui conçu par Francesca Zambello, qui, sous prétexte de rompre avec les clichés espanisants, ne fait que du grand spectacle chic et toc, encombrant la scène de chevaux et ânes en tous genres. Si elle rate les mouvements de foule et le troisième acte, la metteur en scène réussit en revanche de très beaux tableaux d'ensemble (fin de la habanera au I, chanson du toréador et final du II) et surtout les scènes plus intimes (les trois duos Carmen José) qui permettent aux interprètes de s'abandonner complètement à leur personnage.

Au final, une soirée de prestige – même pour les Londoniens, pourtant habitués au faste. C'est pour dire...



Sévag TACHDJIAN


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