OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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BRUXELLES
27 & 29/01/2008


© Bernd Uhlig

George Frideric HAENDEL (1685 – 1759)

GIULIO CESARE

Dramma per musica in tre atti (Londres, 1724)

Nouvelle production
d’après la production originale du Nederlanse Opera (2001)

Direction musicale : René Jacobs
Mise en scène : Karl-Ernst & Ursel Herrmann
Décors, costumes et éclairages : Karl-Ernst Herrmann

Giulio Cesare : Lawrence Zazzo/ Marijana Mijanovic
Cleopatra : Danielle de Niese/Sandrine Piau
Tolomeo : Tania Kross/ Brian Asawa
Cornelia : Christianne Stotijn/ Charlotte Hellekant
Sesto: Anna Bonitatibus/Monica Bacelli
Achilla : Luca  Pisaroni
Nireno : Dominque Visse
Curio : Lionel Lhote

Freiburger Barockorchester

Théâtre Royal de la Monnaie,
27 et 29 janvier 2008

Contre-ténor – Contralto : 1-0


Cette reprise de la production amstellodamoise de 2001 constituait un événement à plus d’un titre. D’abord, cela fait vingt ans que Giulio Cesare n’a plus été monté à Bruxelles. Ensuite, le travail des Herrmann, toujours intelligent et stimulant, vaut à lui seul le déplacement – qu’il ne fasse pas l’unanimité importe peu, après tout ce n’est pas un gage de talent.

Une forêt de papyrus (ou d’épées dressées vers le ciel ?), immaculés et mouvants, et des panneaux amovibles créent un espace modulable au gré de l’action. Si le blanc domine ce décor unique, c’est parce qu’il réfléchit la lumière, capitale dans cette approche qui réfute l’anecdote et le pittoresque, préférant suggérer plutôt que signifier. «  Je pense que c’est comme pour les nuages dans le ciel : au moyen de l’éclairage, nous faisons passer en quelques secondes la scène d’une profonde obscurité à une lumière éclatante, ce qui permet de rendre les contrastes et les états d’âme les plus divergents » explique Karl-Ernst Herrmann. Tour à tour blonde, grise, rose, bleue, violette, menthe à l’instar des nuages, la lumière épouse les moindres changements d’humeur des protagonistes et génère une infinie variété d’atmosphères. Précise, subtile jusque dans la drôlerie (Dominique Visse en Nireno n’en fait pas des tonnes), la mise en scène recycle habilement la machinerie baroque, comme dans la saisissante apparition de la mort sur une barque suspendue.



La distribution réunie par Peter de Caluwe alterne malicieusement les travestis dans les rôles de César et de Ptolémée, opposant contralto et contre-ténor (le César de Mariana Mijanovic face au Ptolémée de Brian Asawa ; le César de Lawrence Zazzo face au Ptolémée de Tania Kross). Chez les Romains, Mijanovic n’a pour elle que sa silhouette longiligne et son timbre rare. L’organe est court, rebelle et l’actrice fort raide. Zazzo est l’un des meilleurs contre-ténors d’opéra au monde : la voix est un modèle de projection et de plénitude, le chant délié, l’incarnation fouillée. Asawa possède le rôle de Ptolémée qu’il chante aux quatre coins de la planète, mais Tania Kross a pour elle le métal et l’abattage. Impossible de choisir entre Sandrine Piau et Danielle de Niese : la maturité de l’une, sa virtuosité et sa sensibilité raffinée, et la juvénilité de l’autre, sa sincérité, son naturel sont incomparables, mais façonnent deux personnages également convaincants.

Christianne Stotijn promet en Cornelia, mais Charlotte Hellekant, pourtant souffrante, reste l’une des meilleures titulaires du rôle. Le Sesto fougueux d’Anna Bonitatibus éclipse celui, laborieux, de Monica Bacelli. Enfin, avec Luca Pisaroni, nous tenons l’Achilla le plus séduisant depuis Christopher Maltmann. A la tête du Freiburger Barockorchester dont il exalte les couleurs flamboyantes, René Jacobs détaille avec amour mais aussi humour les richesses d’une partition qu’il connaît mieux que personne (c’est bien sûr lui aussi qui a ornementé les airs). Un régal pour l’esprit et les sens !


Bernard SCHREUDERS

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