C O N C E R T S 
 
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PARIS
12/01/04

Anda-Louise Bogza
© http://www.sop.cz/en/umelci/andalouisebogza.htm
CONCERT DE BIENFAISANCE
AU PROFIT DES OEUVRES SOCIALES
DU LIONS CLUB GOLDEN PELIKAN
DE ST PETERSBOURG

Franck Ferrari : Air du Toréador (Carmen)
Mihaela Stanciu : Caro nome (Rigoletto)
Marita Paparizou : Cruda sorte (L'Italiana in Algeri)
Anda-Louise Bogza : Pace, pace, mio Dio (La Forza del Destino)
Hermine May : Habanera (Carmen)
Vladimir Galouzine &
Tatiana Pavlovskaya : La Dame de Pique (duo : scène 2 de l'acte I)
Mihaela Stanciu : Regnava nel silenzio (Lucia di Lamermoor)
Franck Ferrari : Di Provenza (La Traviata)
Marita Paparizou : Amour, viens aider ma faiblesse (Samson & Dalila)
Albert Schagidullin &
Tatiana Pavlovskaya : Scène finale d'Eugène Onéguine
Anda-Louise Bogza : Vissi d'Arte (Tosca)
Albert Schagidullin : Forse in quel cor sensibile (Roberto Devereux)
Hermine May : Voi lo sapete, o mamma (Cavalleria rusticana)
Anda-Louise Bogza : Ebben ne andro lontano (La Wally)
Vladimir Galouzine : Nessun dorma (Turandot)
Gilles San Juan &
Mihaela Stanciu : Brindisi (Traviata)
avec tous les artistes de la soirée

Orchestre symphonique de Briansk
Direction : Hugues Reiner

Paris, Théâtre du Châtelet, le 12 janvier 2004



CHARITÉ BIEN ORDONNÉE 

L'Association Internationale des Lions Clubs est une des plus anciennes associations caritatives en activité. Elle fut fondée en 1917, à l'initiative d'un homme d'affaires de Chicago, Melvin Jones. Dès 1920, l'association devint internationale, avec un premier club au Canada, mais c'est dans les années 50 et 60 que des clubs virent le jour en Europe, en Asie et en Afrique.

Une caractéristique fondamentale de l'association, c'est qu'"aucun club ne peut avoir pour objet l'enrichissement financier de ses membres". Ainsi, 100% des dons sont-ils consacrés aux oeuvres (à titre de comparaison, les associations françaises de type "Recherche contre le cancer" ne redistribuent guère que 30% des dons, la fondation Raoul Follereau, avec environ 70% de redistribution, est une des plus efficaces). Les membres "payent de leur personne" afin d'éviter le recours à des prestataires extérieurs. Le recrutement de l'association est plutôt élitiste : les membres co-optés viennent surtout d'une bourgeoisie aisée. Les Lions Club de France ont un statut de fondation qui leur permet de gérer des fonds provenant de plusieurs associations (seules 17 fondations ont été homologuées en France parmi les milliers d'associations existantes). 
Le concert du 12 janvier a été organisé au profit du Club de St Petersbourg : un concert du même type avait été organisé l'année précédente auquel Vladimir Galouzine avait prêté sa notoriété.
L'objectif de ces concerts est de réunir des fonds pour les orphelins de St Petersbourg.
La soirée était animée par Gilles San Juan, dans un style démarqué du Jacques Martin de "L'École des Fans" : compte tenu du bénévolat de l'intéressé, nous glisserons sur la maladresse de certains commentaires ou l'incapacité à prononcer le nom de quelques artistes, pour signaler notre agréable surprise quand il enfourcha le rôle d'Alfredo pour le brindisi final.
Autre monument de la soirée, le chef Hugues Reiner, mélange de Dany Kaye et de Roberto Begnini, avec un zeste de Jerry Lewis, qui saute du podium à la moindre occasion, gratifie le public de commentaires délirants, chante le rôle d'Onéguine dans la valse, jette son champagne au public à l'issue du brindisi, multiplie les baisemains dans des pauses ahurissantes, fait mine de s'étouffer à l'arrivée d'une soliste précédemment qualifiée de "plantureuse" par l'incomparable San Juan ou lui réclame par geste un baiser sur la joue... Ces pitreries masquent un professionnalisme certain, le chef réussissant à tirer le meilleur parti d'un orchestre où la bonne volonté tente de compenser le manque d'expérience et qui accompagne les chanteurs avec beaucoup d'application.

Le concert débute par l'air du Toréador interprété par un Franck Ferrari qui nous laisse sur notre faim ; bizarrement, la tessiture semble lui poser problème : les aigus sont tendus (toute la reprise est un peu "en dessous") et les graves inaudibles ; à l'inverse, son "Di Provenza", d'une tonalité plus aiguë, est irréprochable.
Mihaela-Elena Stanciu aborde Gilda puis Lucia avec un timbre qui nous rappelle d'autres Roumaines telles Vaduva ou Gheorgiu. Le grain paraît un peu usé, mais on retrouve une belle science de la coloration et de l'ornementation, avec de petites variations inédites dans "Regnava nel silenzio" conclu par un contre-ré un peu court. 
La jeune Grecque Marita Paparizou ? plus contralto que mezzo - a encore des progrès techniques à faire, mais les moyens sont assez impressionnants : il lui faudra également apprendre à surmonter un trac un peu trop évident.
Star annoncée de la soirée, Vladimir Galouzine caviarde (pour un russe, c'est normal) la moitié de son programme (il devait également chanter le duo d'Otello avec Tatiana Pavlovskaya et le "Vesti la giubba" de Paillasse) : nulle surprise pour le Ghermann dont il reste un interprète exceptionnel ; avec son "Nessun dorma", couronné d'un aigu d'une puissance hallucinante, il prend sa revanche sur ses passables Calaf à Bastille, l'année précédente.
Sa partenaire Tatiana Pavlovskaya a pour principal atout un physique avantageux qui la rend crédible en Lisa ou en Tatiana ; vocalement, elle a du mal à tenir la distance et arrive fatiguée à la fin des duos : on sent bien que ces rôles ne sont pas dans ses cordes.
Hermine May, qui rappelle un peu Borodina, déçoit en Carmen (mais le rôle est tellement rebattu) qu'elle interprète de façon un peu sommaire ; sa Santuzza est beaucoup plus intéressante, avec un bel investissement dramatique.
On ne présente plus Albert Schagidullin, grand habitué du Châtelet : son Onéguine est de grande allure, son Nottingham nous déçoit un peu (quitte à couper une de ses interventions, j'aurais préféré l'entendre dans le "Ah per sempre io ti perdei" initialement prévu au programme).
De mon point de vue, la vraie surprise de la soirée aura été la splendide Anda-Louise Bogza, roumaine elle aussi : même si tout n'est pas parfait, il y longtemps que nous n'avions pas entendu une telle voix pour Leonora, Tosca ou la Wally ! Le "Pace pace" en particulier, nous vaut un "In van la paaaaaaaaaaaaaaace" piano de toute beauté et un "Maledizione" final impressionnant (à noter que le programme l'annonce dans Rusalka à l'Opéra-Bastille ainsi que dans Turandot à Limoges : à suivre).

Le final se conclut par le brindisi de La Traviata, comme dans un gala patronné par Domingo ! Pour l'occasion, Gilles San Juan troque son micro pour une chanter d'une belle voix de ténor léger le rôle d'Alfredo.

Au global, une bien belle soirée : on regrette d'autant plus que, pour une oeuvre de charité, pas mal de places soient restées vides (en théorie, le Châtelet ne vendait pas de places, sauf à quelques abonnés sélectionnés sur des critères peu clairs ; les organisateurs assuraient eux-mêmes la billetterie).
 

Placido CARREROTTI
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