C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
PARIS

06/03/03

Faust

Opéra de Charles Gounod 
Livret de Jules Barbier et Michel Carré
d'après le Premier Faust de Goethe

Mise en scène : Jorge Lavelli
Décors & costumes : Max Bignens
Lumières : Jacky Lautem
 

Faust : Rolando Villazon
Marguerite : Mary Mills
Mephisto : Kristinn Sigmundsson
Valentin : Dalibor Jenis
Siebel :Karine Deshayes
Wagner : Josep Miquel Ribot
Dame Marthe: Martine Mahé

Direction musicale : Gary Bertini

Opéra Bastille, le 6 mars 2003


AVANT DE QUITTER CES LIEUX...
 

En 1975, l'Opéra de Paris accueillait une nouvelle production de Faust, mise en scène par Jorge Lavelli, espoir prometteur d'une nouvelle génération d'artistes destinés à révolutionner l'image traditionnelle de l'art lyrique au travers de lectures décapantes.

Aussitôt, c'est la fureur : chez les ankylosés de la tradition, allergiques au dépoussiérage, comme chez les furieux de modernité, maniaques du "tout-nouveau-tout-beau". Hués et hourras, polémiques et bagarres dans la grande tradition française de tolérance : c'était le bon temps !

30 années ont presque passé et les exclus d'hier flirtent avec les honneurs officiels : Lavelli est fait Chevalier de l'Ordre du Mérite, Chéreau, autre vache sacrée, dirige un théâtre subventionné, Serge July roule en Mercedes ... on n'attend plus que la "panthéonisation" (toute ressemblance avec La Ferme des animaux d'Orwell ...)

30 ans ont passé, mais la production de Faust est toujours là, indéboulonnable, conservée dévotement telle une précieuse relique de l'époque glorieuse, régulièrement exposée à l'admiration des foules, telle le Saint Suaire de Turin ... en un mot, la voilà devenue respectable.
 
Le hasard de la programmation la fait alterner avec une autre icône, la production des Noces de Figaro par Giorgio Strehler, encore plus ancienne. Le contraste est saisissant entre ces deux spectacles : si le second trouve toujours son public, on est plus réservé sur le premier.

C'est qu'il ne suffit pas de se poser "contre" pour s'inscrire dans la durée : en réaction à des traditions surannées, Lavelli supprimait "Plume au chapeau", source pinardière miraculeuse ... tout le fatras de la mise en scène littérale. Il introduisait ce que l'époque considéra comme des audaces : blancheur virginale des draps, défilé de soldats éclopés.

Il se trouve que depuis 30 ans, nous avons vu pire !

Ainsi, entre des audaces qui n'en sont plus et un dépoussiérage à la limite du nettoyage par le vide, le spectateur qui découvre aujourd'hui cette mise en scène ne peut qu'être sceptique.

La rumeur publique annonce que cette reprise sera la dernière : nous ne pouvons que nous en réjouir.
Espérons au plus vite une nouvelle approche de ce chef-d'oeuvre, qui mérite d'ailleurs mieux qu'une exécution amputée de plus d'une demi heure de musique !
 

Côté chanteurs, j'attendais avec impatience le Faust de Rolando Villazon, chanteur dont la carrière internationale démarre sur les chapeaux de roues. J'ai été déçu par une voix qui reste d'une ampleur limitée, un style plutôt relâché comparativement à son récent Alfredo, une tendance à chanter bas, une caractérisation un peu enfantine. A son actif : une bonne prononciation du français et un suraigu généreux.

Dans cette version tronquée, Mary Mills tire son épingle du jeu : les passages plus dramatiques (coupés dans cette version) lui auraient posé problème; ici, cette voix, essentiellement lyrique, surmonte sans difficulté le rôle : colorature assurée dans l'Air des Bijoux, engagement dans le trio final. On a entendu des voix plus belles, mais cela reste d'un bon niveau.

Kristinn Sigmundsson chante Mephisto comme le bottin : pas le moindre effet vocal (on a le droit d'éviter l'histrionisme, mais là !), couleur invariable. L'ennui total.

Le Siebel de Karine Deshayes est un petit miracle de justesse dramatique et de musicalité : on souhaite à cette jeune artiste la belle carrière qu'elle mérite. Dalibor Jenis est un Valentin sonore et bien chantant. On retrouve enfin avec plaisir la Dame Marthe de Martine Mahé.

Bonne surprise dans la fosse, de la part du vieux routier Gary Bertini, dont je n'attendais pas grand chose : les tempi sont bien choisis, l'ensemble assez théâtral; mais, surtout, Bertini parvient à faire ressortir de cette partition que je m'imaginais trop connaître, des subtilités et des détails d'orchestration parfaitement originaux.
  


Placido Carrerotti
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]