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BADEN-BADEN

14/07/02

Modeste MOUSSORGSKI

Boris Godounov
version de 1869

Direction musicale : Valery Gergiev
Mise en scène : Viktor Kramer
Décors : Georges Tsypin
Costumes : Tatiana Noginowa
Lumières : Gleb Filschtinsky
Chef des choeurs : Andrei Petrenko

Boris Godounov : Yevgeny Nikitin
Feodor : Iwan Pouchkine
Xenia : Tatiana Borodina
La niania : Olga Korsenskaya
Chouisky : Konstantin Plusnikov
Chelkalov : Vassily Gerello
Pimène : Gennady Bezzubenkov
Grigori : Yevgeny Strachko
Varlaam : Alexei Tannowitzky
Missaïl : Viktor Vikrov
L'hôtesse : Lyubov Sokolowa
L'innocent : Leonid Zakosayev

Choeur et Orchestre du Théâtre Marynsky de St-Pétersbourg

Baden-Baden, Festspielhaus, 14 juillet 2002



Chaque été, le Théâtre Marynsky de Valery Gergiev vient à Baden-Baden pour un festival d'opéra. Cette année, outre ce Boris Godounov, il programmait Les Fiançailles au couvent de Prokofiev et Mazeppa de Tchaïkovski dans la magnifique salle du Festspielhaus de cette ville d'eau au charme suranné.

Les représentations de Boris Godounov étaient exceptionnelles car la version choisie par Valery Gergiev était la première mouture de Moussorgski, celle de 1869, donc sans acte polonais, et sans tableau final de la forêt de Kromy, mais avec la scène devant la cathédrale Ste-Basile et la première version de la scène des appartements, peut-être encore plus audacieuse que la seconde.

Les occasions sont très rares d'entendre sur scène cette version de 1869, les chefs préférant celle de 1871, voire un mélange des deux. Le plaisir était d'autant plus grand que Gergiev et ses troupes nous offraient une très bonne exécution musicale. 

La distribution est en effet homogène. Le Boris d'Yevgeny Nikitin affiche une belle voix mais l'interprétation est sans génie, de même pour le Grigori d'Yevgeny Strachko. Très bon par contre le Pimène de Gennady Bezzubenkov, faisant parfaitement ressortir l'humanité désintéressée du personnage, ainsi que les deux moines défroqués d'Alexei Tannowitzky (Varlaam) et Viktor Vikrov (Missaïl), drôles sans être caricaturaux.

Côté Kremlin, très beau Chelkalov de Vassily Gerello, très belle Xenia de Tatiana Borodina (la soeur de l'autre ?), quant à Fiodor, il était interprété par un jeune garçon remarquable, confondant de naturel dans la voix et le jeu, et passant sans problème l'orchestre (Iwan Pouchkine). Si Konstantin Plusnikov excelle dans des rôles de caractère, comme Katschey l'immortel (Rimski-Korsakov), sa voix acide à l'aigu difficile et un peu criard convient moins à la perfidie du personnage de Chouisky.

Les choeurs sont comme de bien entendu absolument somptueux, faisant de la scène du couronnement et de la scène de la cathédrale Ste-Basile de grands moments. Orchestre également très beau et très sûr.

Quant à Valery Gergiev, s'il n'est pas toujours convaincant au disque, et de loin, il fut ce soir-là, absolument superbe d'éloquence. Beaucoup d'intensité dans sa direction, très vivante. On lui reprochera par contre des ralentis grandiloquents et inutiles, à la fin du couronnement par exemple, qui grossissent le trait et frisent la caricature.

Quant à la mise en scène, elle n'offrait pas une reconstitution fidèle et traditionnelle, voire poussiéreuse, mais au contraire une lecture contemporaine de l'oeuvre de Moussorgski, lecture qui manquait cependant de clarté. A force de vouloir poser des symboles, on en devient parfois obscur... Ainsi, quid de ces immenses colonnes translucides qui descendent des cintres pendant le couronnement, de ces coupoles/coquillages/méduses suspendues, ou de cette araignée géante venant "manger" Boris pour sa mort . Peu clair, peu convaincant. Quelques belles idées cependant, ça et là : l'immense jeu de construction, avec tours et bouts de remparts, avec lequel Féodor s'amuse dans le tableau des appartements, la politique n'est encore pour lui qu'un jeu; ou l'habit en fer forgé qui enserre Boris au couronnement (cf. photo), beau symbole de la lourdeur de la tâche qui l'attend, et du peu de marge qu'elle laisse à celui qui le porte...

On l'aura compris, ce qui faisait le prix de ces représentations, c'était la version choisie par Gergiev, fort bien défendue musicalement : elle démontrerait presque que Moussorgski n'avait pas besoin de modifier son ouvrage tant cette première version qui centre l'action à Moscou autour du personnage de Boris, est d'une aridité et d'une intensité extraordinaires pour l'époque. 


Pierre-Emmanuel Lephay
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