C O N C E R T S
 
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MULHOUSE
29/03/2004
© Opéra du Rhin
Heinrich August Marschner

HANS HEILING

Direction musicale - Olaf Henzhold
Mise en scène - Andreas May
Décors et costumes - David König
Lauréats du concours européen de mise en scène Camerata Nuova
en collaboration avec Opera Europa

La reine des gnomes - Marcela de Loa
Hans Heiling, son fils - Detlev Roth
Anna - Anja Kampe
Sa mère, Gertrud - Anna Schaer
Konrad - Norbert Schmittberg

Choeurs  de l'Opéra national du Rhin
Choeurs auxiliaires
Orchestre philharmonique de Strasbourg

Création française

Filature de Mulhouse, 28 mars 2004



Il s'agissait d'une création française, mais on s'étonne un peu que cet opéra, énormément joué en Allemagne, n'ait pas débarqué plus tôt sur les scènes françaises, du moins celles de l'Est, puisque sa thématique est si proche de tout l'imaginaire local.

Après quelques représentations strasbourgeoises (voir la chronique de Pierre-Emmanuel Lephay), la production déménage pour le plateau largement ouvert de la Filature de Mulhouse. L'espace en devient parfois trop vaste, comme dans la représentation des containers habités par Heiling à l'écart du village, devenus boites à chaussures perdues dans l'immensité. Mais la volonté d'opposition des deux mondes, le souterrain, minéral et uniformisé, et la surface, conventionnellement colorée (toits rouges, herbe verte et ciel bleu), maquette Heller à laquelle ne manque que le tût d'une locomotive à vapeur, fonctionne toujours aussi bien. 

Cadre astucieusement et ironiquement stéréotypé pour des personnages eux aussi caricaturaux, brossés à grands traits dans un livret plutôt banal aujourd'hui, mais pas alors... Heiling, roi du monde souterrain, aspire aux passions humaines, vu que son père était lui aussi un humain, et malgré les larmes de sa maman, tente l'aventure. Anna, séduite comme tous les Chaperons rouges par le Grand méchant loup, et elle aussi dotée d'une maman tour de contrôle, reviendra à l'amour plus sage mais plus sûr de Konrad. Pour longtemps ? L'histoire ne le dit pas... Entre temps, les scènes romantiques incontournables comme celle de la forêt hantée de créatures spectrales ou l'irruption des esprits dans le quotidien plus pragmatique de la fête villageoise, auront toutes été présentes...

On peut s'en tenir à ce synopsis assez kitsch, opportunément privé de la plupart des dialogues parlés devenus apparemment insupportables aujourd'hui, et dont chaque idée semble avortée après un traitement psychologique et factuel sommaire. Mais c'est évidemment la musique qui sauve tout. On a beaucoup évoqué Weber à propos de Marschner : il n'en a pas le génie mélodique, mais il est vrai que certains accents rappellent étrangement une certaine Gorge aux Loups de dix ans antérieure. Mendelssohn nous semble plus présent...
En fait, trois éléments retiennent plus l'attention dans une écriture musicale personnelle et qui vaut plus que les simples références évoquées : d'abord l'originalité de la construction formelle, qui entame l'oeuvre avec un Prologue chanté précédant l'Ouverture (belle pièce orchestrale, au demeurant, que les orchestres pourraient découvrir), Prologue qui amorce notamment l'idée du durchkomponiert (composition continue) enchaînant récits, choeurs, ensembles et airs solistes, dont se souviendra Wagner bien sûr ; ensuite la luxuriance de l'orchestration, un orchestre qui s'émancipe de la tutelle des cordes par de magnifiques contributions des bois et des cuivres, et cette volonté nouvelle de caractérisation des personnages et des situations par les timbres orchestraux ; enfin, un travail harmonique subtil, lui aussi soucieux de caractériser les situations : plutôt diatonique pour la sphère terrienne, plutôt chromatique pour les esprits souterrains.

Le plateau est dominé par la splendide prestation de Detlef Roth, qui dresse de Heiling un personnage psychotique, animé de tics et peu sûr de lui, cédant à ses pulsions de sensualité et de colère mais indigne de son rang réel, et totalement dominé par une Mère plus castratrice que nature. Vocalement, la projection est magnifique, le timbre d'une richesse inouïe... On l'a déjà dit, mais on tient en ce baryton, à la tête déjà d'un palmarès impressionnant, l'une des futures gloires de la scène lyrique. A ses côtés, belles et émouvantes prestations de Anja Kampa (élégante ligne vocale) et d'une sensible Anna Schaer, tandis que le personnage difficile de la mère de Heiling est vaillamment défendu par Marcela de Loa. Norbert Schmittberg, annoncé souffrant, fera pourtant une belle prestation, si ce n'est quelques aigus durcis par l'effort.
 
 

Sophie ROUGHOL
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Autres représentations :
à Strasbourg : les 8, 11, 13, 15 et 20 mars à 20 h.
à Mulhouse : 26 mars à 20 h et 28 mars à 15 h.

Lire aussi la critique de Pierre-Emmanuel Lephay
représentation du 5 Mars 2004 à Strasbourg

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