C O N C E R T S 
 
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MONTREAL
31/01/04
Wolfgang Amadeus MOZART

IDOMENEO, RE DI CRETA OISEAUX

Livret de Giambattista Varesco

Idomeneo : Perry Sommers
Idamante : Krista de Silva
Ilia : Frédéricka Petit-Homme
Elettra : Ashley Becker
Arbace : Marc Poulin
Gran Sacerdote : Joshua Graves
Nettuno : Karel-Martin Ludvik

Orchestre symphonique de McGill
Thomas Muraco, direction

Guillermo Silva-Marin, metteur en scène
Vincent Lefèvre, scénographe
Luc Prairie, éclairages
Mireille Vachon, costumes

Montréal, Pavillon Strathcona de musique
Représentation du 31 janvier 2004



Au vu de sa discographie et de sa présence au répertoire des grandes maisons d'opéra, on en conviendra aisément : Idomeneo n'est pas l'opéra le plus populaire du divin Mozart. Parmi les griefs souvent adressés à cet opéra de jeunesse, figurent sa longueur (près de trois heures), la place démesurée accordée aux récitatifs et l'absence de grands airs. Si l'on y ajoute des mises en scène façon grand-guignol, comme celle du Palais Garnier il y a deux ans, on comprend la relative méfiance du public vis-à-vis de cette oeuvre. Cependant, les Montréalais, en se pressant en nombre à la salle Pollack cette semaine, ne se sont heureusement pas arrêtés aux arguments déjà évoqués et trop souvent relayés par une presse paresseuse. Oui, Idomeneo, à l'instar de La Clemenza di Tito, peut être considéré comme un authentique chef d'oeuvre mozartien : le fait que des chanteurs de toute tessiture et de tous horizons comme Luciano Pavarotti, Barbara Frittoli, Jane Eaglen, Natalie Dessay ou Susan Graham en aient gravé des extraits dans leurs récents récitals au disque est un signe manifeste du regain d'intérêt pour des arias qui annoncent déjà les oeuvres de la maturité. Quant à l'intrigue, si elle reste relativement statique, elle permet d'introduire des thèmes éminemment mozartiens et des personnages fouillés chez qui la haine destructrice n'est jamais bien loin de la passion ardente et du pardon final.

Les productions d'opéra étudiantes sont monnaie courante à Montréal : est-ce parce que nos attentes artistiques sont moindres par rapport aux maisons d'opéra traditionnelles ? Toujours est-il qu'on sort très enthousiaste de ces représentations juvéniles : après un Don Giovanni et un Retour d'Ulysse l'an dernier qui ont bénéficié de quelques excellentes prestations dignes de véritables professionnels, le département de musique de McGill University frappe encore très fort : avec des moyens limités, les étudiants se payent en effet le luxe de représenter Idomeneo pour la première fois à Montréal avec deux distributions différentes (excusez du peu !) sur quatre soirs ! Malgré l'absence de sous-titres, la direction d'acteurs, d'une grande lisibilité, permet de suivre sans problème le déroulement de l'intrigue tout en nous captivant. Les costumes, traditionnels, aux couleurs chatoyantes, sont bien choisis et évitent le kitsch façon "péplum hollywoodien". Les lumières ponctuent admirablement l'action, en particulier pendant les scènes de tempête ou d'évocation du monstre marin (dont Guillermo Silva-Marin nous fait grâce de la représentation picturale... ouf !).

Côté vocal, seuls les deux ténors demeurent échoués sur le rivage de la Crète : le nombre de chanteurs capables de rendre justice au crucifiant rôle-titre se comptant actuellement sur les doigts d'une main, on pardonnera aisément à Perry Sommers d'être dépassé par les exigences de "Fuor del mar". En Arbace, Marc Poulin semble lui aussi un peu fragile, malgré une bonne technique vocale. Karel-Martin Ludvik, en revanche, déjà remarqué dans Le Retour d'Ulysse l'an dernier, possède des assises dans le grave fort impressionnantes pour son jeune âge. On est plus à la fête avec les dames : Frédéricka Petit-Homme est une Ilia convaincante scéniquement et vocalement : on pardonnera aisément quelques aigus parfois criés et à la limite de la justesse. Ashley Becker, dont le costume fait irrésistiblement songer à ces créatures bizarres sorties de la Guerre des Étoiles, ne fait qu'une bouchée du rôle complexe et souvent caricaturé d'Elettra ; une interprétation toute en finesse et un legato intéressant compensent une émission parfois un peu métallique (ce qui n'est pas nécessairement en contradiction avec le rôle par ailleurs). On regrette dès lors de ne pas avoir entendu dans son intégralité son air final "O smania, o furie". La plupart des participants à cette production commencent à avoir un répertoire de rôles assez vaste ; tel n'était pas le cas de Krista de Silva, alternant avec Valérie Arboit, excellente Pénélope l'an dernier : la jeune mezzo assure avec une mâle assurance le rôle d'Idamante et des audaces dans l'ornementation de "Non ho colpa" dignes d'une professionnelle. Avec un peu plus de nuances, ce serait parfait. On croit déceler chez cette jeune chanteuse un embryon de contralto rossinien : l'avenir dira si elle doit suivre les pas d'une Daniela Barcellona...

Est-ce l'effet de la dernière représentation ? Toujours est-il que l'orchestre symphonique de McGill n'a guère convaincu samedi soir : devant gérer une pâte orchestrale un peu molle et des attaques brouillonnes provoquant çà et là des décalages fosse-scène, Thomas Muraco a eu fort à faire. Restent les choeurs, très sollicités dans cette oeuvre et impressionnants par leur justesse et leur homogénéité. To be continued...
 

Rémi BOURDOT
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