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ZURICH
25/05/03
Les Indes galantes

Jean-Philippe Rameau

opéra-ballet en un prologue et quatre actes

Direction musicale - William Christie
Mise et scène et chorégraphie - Heinz Spoerli
Décors - Hans Schavernoch
Costumes - Jordi Roig

Ali, Don Alvar - Gabriel Bermudez
Emilie - Juliette Galstian
Osman, Huascar, Adario - Rodney Gilfry
Hébé, Zima - Malin Hartelius
Don Carlos, Damon - Reinaldo Macias
Bellone - Reinhard Mayr
Zaïre - Liliana Nikiteanu
L'Amour, Phani, Fatime - Isabel Rey
Valère, Tacmas - Christoph Strehl

Choeur des Arts Florissants
Orchestre "La Scintilla" de l'Opéra de Zürich
Ballet de l'Opéra de Zürich

Zürich, Opernhaus, 25 mai 2003


William Christie baigne dans Rameau. Après Les Boréades à l'Opéra de Paris, Zoroastre qui vient de sortir chez Erato et en attendant Les Paladins la prochaine saison au Châtelet, voici ces Indes Galantes à l'Opéra de Zürich. William Christie a déjà participé à plusieurs productions de cet opéra-ballet dont l'une d'elles, à Aix-en-Provence, en 1990, mise en scène par Alfredo Arias dans un esprit proche du cabaret, avait marqué par sa drôlerie et son extravagance.

On retrouve dans la mise en scène/chorégraphie de Heinz Spoerli pour l'Opéra de Zürich le même décalage, la même folie, le même humour jouant avec les poncifs du genre, mais toujours en finesse, sans jamais forcer le trait.

De fréquentes allusions à l'architecture métallique de la fin du XIXe et du début du XXe (Tour Eiffel, Grand Palais...) semblent placer l'action lors d'une exposition universelle parisienne où les nations se succèdent dans un tourbillon de couleurs et de mouvements. Le Prologue se déroule sous la verrière du Grand Palais et le tableau des Incas dans une salle d'exposition où prône un immense tableau académique représentant Machu Pichu (et où Huascar se trouve être un savant fou, concepteur d'une énorme machine à vapeur qui finira par se détraquer), tandis que le tableau des Sauvages se déroule lui en plein far-west avec grand canyon, totems, cactus, scorpion... et calumet de la paix bien entendu ! Au milieu de cela, le tableau du Turc généreux est celui qui se rapproche le plus de l'univers XVIIIe avec sa perspective de toiles peintes (mais qui se retrouvent complètement emportées par la tempête qui anime le tableau !).

Cette mosaïque bigarrée ne choque aucunement et se rapproche certainement des productions de l'époque de Rameau où le public venait pour être émerveillé par ces civilisations éloignées et étranges qu'on ne savait alors caractériser que par les décors et les costumes et non encore par la musique.
On sourit donc beaucoup dans cette production grâce aussi à la chorégraphie extrêmement inventive et souvent drôle, qui fait par exemple passer le long ballet des fleurs sans sentiment de longueur. La qualité des danseurs joue aussi beaucoup dans la réussite des séquences chorégraphiques.

Musicalement, nous sommes moins à la fête, surtout du fait d'une distribution très moyenne, pour ne pas dire plus, dont aucun chanteur ne sauve véritablement l'autre. Certes, on sent que le style a été travaillé, la prononciation aussi (pour certains), mais ce sont les voix qui font souffrir, soit qu'elles sont inadéquates pour ce répertoire (Rheinhard Mayr, Rodney Gilfry !) ou bien franchement insuffisantes (intonation, justesse).

Seul le choeur des Arts Florissants apporte de la satisfaction sur le plan vocal, bien que nous ayons entendu ce superbe choeur plus rond et plus homogène par le passé. L'orchestre " La Scintilla " est un ensemble d'instruments anciens constitué par des musiciens de l'orchestre " moderne " de l'Opéra de Zürich, et cela se sent bien dans plusieurs pupitres, les flûtes et les violes par exemple ne pouvant s'empêcher d'émettre un léger vibrato. Malgré tout, l'orchestre, fourni, fait montre d'une belle assurance et d'une séduisante palette de couleurs.

William Christie dirige avec amour un répertoire dans lequel il semble être de plus en plus à l'aise et convaincant, notamment sur le plan dramatique. Sa direction est vivante et contrastée, mais on lui reprochera un soupçon de maniérisme parfois (certains phrasés, certaines nuances pianissimo renforcées par un allégement soudain de l'orchestration, comme la fin de la danse des sauvages jouée en pizzicato...).
 
 
 

Pierre-Emmanuel Lephay
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