C O N C E R T S 
 
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BRUXELLES, PALAIS DES BEAUX ARTS

13/11/02


(crédit photo : Guy Vivien)
Le Jardin des Voix
Concert de l'Académie pour jeunes chanteurs des Arts Florissants

Haendel : terzetto " Consolati o bella" extrait d'Orlando
aria " L'empio, sleale, indegno" extrait de Giulio Cesare

Lully : extrait de l'acte II d'Amadis

Monteverdi : madrigali, canzonette & Scherzi musicali (extraits), 
Il Ballo delle Ingrate (extraits)

Purcell : Ode "celestial music",
passacaglia "How happy the lover" (extrait de King Arthur)

Rameau : extraits des Indes galantes

Telemann : extraits de Don Quichotte auf der Hochzeit des Comacho
 

Soledad Cardoso (Argentine), Céline Ricci ( France),
Orlanda Velez Isidro (Portugal), sopranos
Blandine Staskiewicz (France), mezzo-soprano
Christophe Dumaux (France), contre-ténor
Jeffrey Thompson (Etats-Unis), ténor
Gabriel Bermúdez (Espagne), Marc Mauillon (France), barytons
João Fernandes (Portugal), basse

Les Arts Florissants
William Christie, direction

Bruxelles, Palais des Beaux Arts
le 13 novembre 2002


Quel bonheur, quelle extase !
"Her charming strains expel tormenting care..."
(Purcell, Celestial Ode)
 Que faire quand seuls des superlatifs jaillissent et se bousculent sous la plume ? Ce n'est pas tous les soirs que vous sortez d'une salle de concert avec la certitude d'avoir vécu un des moments les plus intenses et les plus extraordinaires de votre vie de mélomane. Et tant pis si vous passez pour un illuminé, un excentrique, un doux dingue - qui n'a jamais rien vu ni entendu, s'empresseront d'ajouter les blasés. Ceux qui ont un jour croisé au concert des regards désapprobateurs parce qu'ils manifestaient trop bruyamment leur enthousiasme ou parce qu'un sourire béat illuminait leur visage, ceux-là me comprendront. Il y a des témoins : ces spectateurs repartis le coeur léger, le regard étoilé et reconnaissants. Vous ne me croyez pas ? J'exagère, je projette ? Certes, il est difficile, sans l'avoir éprouvé soi-même, sans avoir été irradié et transformé, de concevoir l'énergie, incroyable, que dégageaient ces neuf chanteurs, leur passion, grisante et contagieuse : totalement captive et silencieuse (même les tousseurs impénitents de la Société Philharmonique en ont eu le souffle coupé), la salle s'est finalement déchaînée dans un vrai tonnerre d'applaudissements, standing-ovation en prime après le bis : "Tendre amour, que pour nous ta chaîne dure à jamais..." (Les Indes galantes), infiniment tendre et d'une beauté presque irréelle. L'abandon est délicieux, c'est une vague de bonheur qui vous envahit, vous voudriez que cela ne finisse jamais, mais il faut s'extraire de son siège et affronter le réel, le monde, sa triste comédie et ses mines compassées. L'essentiel est dit, ou plutôt bredouillé, effleuré, suggéré : comment dire l'émotion, la magie de cette soirée ? 

Ces artistes ont bien sûr pour eux la fraîcheur et la beauté du diable, celles de la jeunesse. Mais prodigues, les Dieux n'ont pas lésiné sur les dons : un soprano radieux ici, la richesse et la rareté d'un timbre de baryton là-bas et, surtout, pour tous, la musicalité, l'inspiration et un charisme irrésistibles. Il faudrait détailler les merveilles qui composent ce Jardin, à commencer par le très théâtral, mais subtil Jeffrey Thompson (vainqueur du Concours de Chant baroque de Chimay en 2001), parfaitement à l'aise dans les délicates tessitures de counter-tenor et de haute-contre, tour à tour suave (Purcell) et fougueux (Indes galantes), un des musiciens les plus complets de cette académie. A la faveur d'un programme taillé sur mesure, tous ont l'occasion de briller et de nous toucher par leur justesse, leur sensibilité, quitte à ce que nous révisions notre jugement. Ainsi de Blandine Staskiewicz : à l'issue du Concours de Chimay (2001), nous l'imaginions abonnée aux rôles sombres et monolithiques, mais elle sait renoncer aux éclats de la fureur pour se fondre dans le trio le plus harmonieux et le plus sensuel jamais écrit par Haendel ("Consolati, o bella"). 

A l'origine du projet et au centre de cette fête, attentif mais discret, sinon invisible (lorsqu'il disparaît parmi ses musiciens), William Christie accompagne l'éclosion de ces talents nouveaux et dirige l'un des deux ou trois meilleurs ensembles baroques du monde. Il est certaines vérités qu'il faut oser rétablir, au mépris des modes et du marketing. Inégalés et sans véritables rivaux dans la musique française, les Arts Florissants n'en ont pas davantage dans les pages dramatiques de Purcell dont ils révèlent la saveur de chaque phrase avec une gourmandise et une finesse de détail stupéfiante. William Christie va loin, très loin dans l'analyse et la compréhension des oeuvres et réussit, comme personne, à traduire la verve et la poésie du plus doué des musiciens de théâtre anglais. Merci et, s'il vous plaît, revenez-nous vite !
  


Bernard Schreuders

"Le Jardin des Voix" en tournée :

* 15 novembre 2002 : Bilbao, Teatro Arriaga, 20h
* 17 novembre 2002 : Lisbonne, Centre Gulbenkian, 20h
* 19 novembre 2002 : Londres, Barbican Centre, 19h30
* 20 novembre 2002 : Francfort, Alte Oper, 20h
* 23-24 novembre 2002 : Paris, Cité de la Musique, 20h (23), 16h30 (24)
* 26 novembre 2002 : Madrid, Zarzuela, 20h

Diffusion du concert donné à Caen le 12 novembre 2002
sur Radio Classique le 27 novembre à 20h40.

Portrait de William Christie et du Jardin des Voix
dans l'émission "Double Je" de Bernard Pivot, le 28 novembre 2002 à 20h.

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