C O N C E R T S 
 
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MONTPELLIER
16/07/05
Sylvie Testud
© DR Festival de Montpellier
JEANNE D'ARC AU BUCHER

Arthur Honegger/Paul Claudel
Oratorio dramatique en 11 scènes (1935)

Nouvelle production de l'Opéra de Montpellier en partenariat avec
le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon

Jeanne d'Arc : Sylvie Testud
Frère Dominique : Eric Ruf

La Vierge : Marie Devellereau
Marguerite : IsabelleCals
Catherine : Irina Tchistyakova
Une voix/Porcus
Héraut I/Clerc : Donald Litaker
Une Voix/Héraut II : Vincent Le Texier

Direction Musicale : Emmanuel Krivine
Conception et mise en scène : Jean-Paul Scarpitta
Lumières : Urs Schönebaum

Orchestre National de Montpellier
Choeurs de l'Opéra National
de Montpellier et d'Angers Nantes Opéra

FESTIVAL DE RADIO FRANCE
ET MONTPELLIER LANGUEDOC-ROUSSILLON
Samedi 16 juillet 2005

1er point de vue
Lire aussi la critique de C. Jottrand

Jeanne d'Arc au Bûcher : voilà bien un chef-d'oeuvre de la littérature française, un de ceux que l'on ne peut écouter sans un léger pincement pour peu que l'on soit un tant soit peu sensible à la poésie, la vraie, celle qui vient du coeur. 

Puisant ses sources dans la chanson populaire et les mystères médiévaux, cet oratorio dramatique atteint sans vergogne la grandeur du théâtre antique. Et cela, sans jamais chausser les cothurnes, avec simplicité, naïveté. Honegger l'a proclamé haut et fort : " composer une musique d'aujourd'hui, qui touche le coeur et l'esprit du plus large public d'aujourd'hui et de partout ". Pari tenu !

Faisant fi de tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour, dans un cadre anthracite où les choeurs charbonneux sont enfouis à mi-corps dans des tranchées amovibles, Jean-Paul Scarpita décape texte et partition et nous livre une sublime réflexion sur le triomphe de l'âme sur la vie.

Au lever de rideau, les braises brûlent encore... Jeanne se relève, revêt ses habits de guerre et l'histoire de la Pucelle d'Orléans en de saisissants flash back peut commencer...
S'avance alors Sylvie Testud, physique et voix d'enfant, en symbiose totale avec son héroïne. Quittant enfin les projecteurs du cinéma pour ceux du théâtre, cette délicate artiste incarne de manière unique une petite fille qui est en même temps un personnage d'une grandeur surhumaine. De l'incarnation grandiose du Prologue au pur sanglot extatique de la fin, en passant par ce moment ineffable de l'horreur eschatologique qui nous met tant mal à l'aise, Sylvie Testud ne cesse de nous bouleverser, car toujours d'une simplicité absolue. Inoubliable dernier quart d'heure avec cet insoutenable supplice qui la voit en croix !


© DR Festival de Montpellier

Le Frère Dominique d'Eric Ruff lui donne dignement la réplique, fervent, chaleureux, sobre, simple.

Les onze scènes s'enchaînent donc sans un temps mort, dans une théâtralité sans excès. Pour le procès, Porcus affublé d'une rigolote hure de cochon, soulève l'hilarité par ses propos et attitudes absurdes. La partie de Cartes (ou le pouvoir finalement appartient aux valets) restera aussi un morceau de bravoure avec ses acrobatiques évolutions.

Lors de l'évocation du Sacre de Charles VII, fantomatique, majestueux, imposant, passe un alezan brûlé... Saisissant !

Rien à jeter donc dans ce travail d'une noirceur démoralisante ou coloré selon les épisodes, mais qui toujours respire réflexion, intelligence, pur respect à Claudel et Honegger.

Les solistes vocaux sont tous excellents. Marie Devellereau donne des versets de la Vierge une interprétation suave et céleste, Donald Litaker campe un Porcus ténorisant à souhait et théâtralement très efficace, face aux interventions percutantes de Vincent Le Texier.

Emmanuel Krivine enfin soulève la masse orchestrale et chorale avec un immense souffle de vie, de passion, de ferveur. Très belle mise en place, très belle pâte sonore et chorale pour une oeuvre finalement très disparate.
 
 

Christian COLOMBEAU
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