C O N C E R T S 
 
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MONTPELLIER
17/07/05
Sylvie Testud
© DR Festival de Montpellier
JEANNE D'ARC AU BUCHER

Arthur Honegger/Paul Claudel
Oratorio dramatique en 11 scènes (1935)

Nouvelle production de l'Opéra de Montpellier en partenariat avec
le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon

Jeanne d'Arc : Sylvie Testud
Frère Dominique : Eric Ruf

La Vierge : Marie Devellereau
Marguerite : IsabelleCals
Catherine : Irina Tchistyakova
Une voix/Porcus
Héraut I/Clerc : Donald Litaker
Une Voix/Héraut II : Vincent Le Texier

Direction Musicale : Emmanuel Krivine
Conception et mise en scène : Jean-Paul Scarpitta
Lumières : Urs Schönebaum

Orchestre National de Montpellier
Choeurs de l'Opéra National
de Montpellier et d'Angers Nantes Opéra

FESTIVAL DE RADIO FRANCE
ET MONTPELLIER LANGUEDOC-ROUSSILLON
Dimanche 17 juillet 2005

2e point de vue
Lire aussi la critique de C. Colombeau

Parmi les différents mythes que les Français cultivent avec amour, celui de la Pucelle d'Orléans qui sauva la France n'est pas l'un des moins tenaces. Enseigné aux enfants des écoles dès leur plus jeune âge, mille fois représenté à travers les arts populaires, il a fini par atteindre et émouvoir la nation tout entière, tout en s'éloignant, très probablement, de la vérité historique. Revisité par les réformistes du XIXè siècle pour aboutir à la béatification de Jeanne juste après la première guerre mondiale, il est devenu l'histoire codée, teintée de merveilleux que l'on connaît aujourd'hui, et que quelques historiens sérieux ont tenté de corriger. 

C'est le côté populaire de cette histoire que retiendra surtout Paul Claudel lorsque à la fin des années trente, il entreprend avec Honegger et sur la demande d'Ida Rubinstein, la rédaction d'un livret d'oratorio destiné à un très large public. Le grand poète français trempe alors sa plume dans ses souvenirs d'enfance, avec une certaine condescendance, sans véritable génie me semble-t-il, et livre l'histoire de Jeanne vue depuis son bûcher, une Jeanne infantile et déjà au-delà du mauvais procès qu'on lui fait, objet naïf et docile dans les mains de Dieu.

Pour quelqu'un qui reçoit cette histoire de l'extérieur, hors contexte franco-français mais aussi hors du contexte de la religion catholique, appelons cela le point de vue de Sirius, le mythe se transforme en fable, au mieux. On voit poindre le ridicule à tous les tournants, on entre difficilement dans l'émotion ambiante, bref, l'oeuvre paraît inexportable. Il n'en va pas de même de la superbe musique d'Honegger, âpre, serrée et en même temps merveilleusement lyrique, concise, remarquablement efficace.

De cet oratorio - mais c'est aussi un mélodrame, il y a deux rôles parlés : Jeanne et Dominique - le festival de Montpellier a voulu présenter une version scénique, et c'est une bonne idée. Le côté narratif du livret s'y prête volontiers. Investissant le vaste plateau de la Salle Berlioz, Jean-Paul Scarpitta propose une mise en scène sobre et émouvante, mais qui n'évite pas certains des écueils du texte de Claudel : les côtés les plus oniriques, les plus mystiques, tombent rapidement dans le cliché, jusqu'à la scène finale où Jeanne, qui tout du long s'est proclamée fille de Dieu, en petite soeur de Jésus-Christ monte carrément sur la croix, plutôt que sur le bûcher de Rouen.


© DR Festival de Montpellier

Au premier rang des interprètes de cette audacieuse entreprise, on trouve la comédienne Sylvie Testud, qui campe une Jeanne candide et attachante, jouet d'une aventure qui la dépasse. Diction parfaite, présence remarquable, son comparse Eric Ruf, sociétaire de la Comédie Française, tient le beau rôle du frère Dominique, sage et protecteur. Viennent ensuite les chanteurs : la Vierge (très belle voix de Marie Devellereau), Marguerite et Catherine ne participent pas vraiment à la mise en scène puisqu'elles chantent cachées du public, ce qui nuit à leur pouvoir de communication. Le ténor Donald Litaker, voix puissante à la prononciation française un peu approximative et le baryton Vincent Le Texier complètent la distribution. Mais la palme revient aux choeurs de l'Opéra National de Montpellier et d'Angers Opéra Nantes qui par leur engagement, leur dynamisme et la grande qualité technique de leur prestation contribuent pour beaucoup au succès musical de ce ambitieux spectacle.

Dans la fosse, Emmanuel Krivine dirige l'Orchestre National de Montpellier, donne le meilleur de lui-même et réussit une excellente performance musicale.
 
 

Claude JOTTRAND
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