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TOULOUSE
(Théâtre du Capitole de Toulouse)

(Crédit Photo : Patrice Nin)

Die Meistersinger von Nürnberg

Opéra en trois actes de Richard Wagner

Hans Sachs : Wolfgang Brendel
Walter von Stolzing : Jorma Silvasti
Veit Pogner : Guido Jentjens 
David : Gert Henning-Jensen

Kunz Vogelgesang : Christer Bladin
Ulrich Eisslinger : Martin Mühle 
Konrad Nachtigall : Michael Nelle
Sixtus Beckmesser :  Ralf Lukas 
Fritz Kothner : Robert Bork 
Balthazar Zorn : Kenneth Garrison
Hans Foltz : Scott Wilde

Eva : Miranda von Kralingen
Magdalena : Cornelia Wulkopf 

Décors : Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine.
Costumes : Gérard Audier.
Lumières : Vinicio Cheli.

 Direction musicale : Pinchas Steinberg 
Préparation des choeurs : Norbert Balatsch
Mise en scène : Nicolas Joel 

Choeurs et Orchestre National du Capitole
 

Théâtre du Capitole de Toulouse
10/04/2002



On le sait, Nicolas Joel, directeur artistique du Capitole de Toulouse, aime à programmer, dans sa saison lyrique, des oeuvres emblématiques. Qu'il s'agisse d'opérettes, d'opéras modernes ou contemporains, d'opéras classiques et romantiques, Nicolas Joel choisit les meilleurs pages de ces répertoires et soigne particulièrement ses distributions. Ainsi le Capitole de Toulouse conserve sa grande réputation et a gagné, depuis longtemps, l'estime des professionnels de la musique, qui le placent, au palmarès des grandes maisons, tout juste derrière l'Opéra national de Paris et peut-être même devant l'Opéra National de Lyon.

Les efforts de Nicolas Joel ne se dirigent pas seulement en direction de la scène.  Du souci de conserver la langue originale des titres des oeuvres programmées à la confection des riches livrets-programmes à l'intention du public, la maison toulousaine tente d'éduquer son public, toujours grandissant.

Déjà Wagner et Pinchas Steinberg avaient été convoqués au Capitole, où ils remportèrent un grand succès, pour Die Walküre en 1999 et Rheingold en 2001. Le triomphe servant toujours d'aiguillon, un autre Wagner, Die Meistersinger von Nürnberg, se retrouve à l'affiche cette saison. Opéra-comique aux influences musicales du XVIIIe siècle allemand, à la fois parodique et réaliste, philosophique et historique, Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg est l'ouvrage d'un Wagner s'essayant au "style ancien". On y étend des chorals, des chants populaires plutôt archaïques, des fugues très classiques : une rétrospective musicale de la Sainte Allemagne des siècles passés, de la Renaissance au XVIIIe siècle. Cependant, le livret ne dépeint pas uniquement une certaine nostalgie du passé des traditions, c'est surtout un manifeste politique  et esthétique.

Monter un tel ouvrage n'est pas entreprise aisée et que ceux qui accusent les programmateurs de mettre à l'affiche ces grands opéras ne se permettent pas de qualifier de démagogiques et passéistes ces productions. Ce n'est pas une solution de facilité que de monter un Wagner aujourd'hui, encore moins si l'on prend le parti de concevoir des décors inspirés de tableaux de Dürer ou de respecter les croquis des années 1860. Ici, la tâche est accomplie avec brio : ainsi l'extrême originalité du livret n'en ressort que davantage. L'imagerie d'un Nuremberg vieillot rend saillante la vivacité du texte du compositeur sur l'art nouveau. Les décors de Jean-Marc Stehlé, commencés dans les ateliers de l'opéra dès septembre, ont aussi la qualité de recréer, avec l'aide de la mise en scène, l'intimité des lieux puis une certaine ambiance villageoise. De l'intérieur de l'Eglise Saint-Catherine où se passent les sélections pour le concours à l'intérieur de l'atelier du cordonnier jusqu'au pré dans la campagne : tout apparaît sous l'angle de la chaleureuse rusticité. L'atmosphère idyllique chère à Wagner est savamment reconstituée.

Difficile également pour Nicolas Joel de mettre en scène tous ces ensembles de chanteurs, ces mouvements de foule et l'humour de certains épisodes puis surtout : l'esprit des mots. Là encore, tout est finement réussi, particulièrement au niveau des scènes collectives. La folle bagarre après l'hilarante sérénade de Beckmesser ( chanté par un Raph Lukas désopilant et vocalement très sûr ) est fort bien représentée ainsi que le défilé des corporations et tout le dernier tableau de l'opéra. Aussi, à la tête des choeurs du Capitole, le viennois Nobert Balatsch mérite toutes les louanges : les ensembles vocaux mixtes des apprentis, du peuple, les choeurs d'hommes des artisans sont tous excellents et d'un naturel à couper le souffle. 

Le Walter von Stolzing de Jorma Silvasti a un caractère très bien trouvé : fier mais amoureux cherchant conseil, têtu inflexible mais presque prudent, il est ( avec Hans Sachs ) le personnage le plus intéressant de la production. Silvasti, qui n'a pas toujours su exploiter toute la richesse de sa technique, semble, pour ce personnage-ci, avoir pris le temps de chercher les bonnes couleurs, des effets de nuances adéquats. Gert Henning-Jensen, qui incarne le jeune apprenti David, d'une agilité à toute épreuve tant vocale que physique (chantant et dansant tout à la fois) possède un beau timbre, très particulier, presque cuivré. 
Curieusement, Jean-Philippe Lafont, qui aurait dû interpréter son premier Hans Sachs au Capitole, ne nous manque pas tant Wolfgang Brendel, par ailleurs (richard) straussien apprécié, accomplit une prise de rôle irréprochable. L'épisode de la composition du chant de maître en son atelier, ses interventions bouffes pendant la sérénade de Beckmesser sont autant de passages remarquables qui prouvent sa maturité vocale et son don d'acteur. Ce personnage du peuple prend, grâce à la science de Brendel, une bien attachante personnalité : on comprend alors que le peuple allemand en ait fait son héros.

Le reste de la distribution est à l'égal des premiers rôles, la diction de l'intégralité du plateau est impeccable, c'est pourquoi Pinchas Steinberg, au pupitre, fait confiance. Alerte mais discret dans la fosse, il laisse à ses chanteurs, entière liberté.

La saison prochaine, les opéras Siegfried et Die Götterdämmerung, deux des journées extraites de l'immesuré drame wagnérien Der Ring des Nibelungen commencé par Nicolas Joel en 1999, résideront dans les ateliers et sur la scène du Capitole de Toulouse dès ouverture du théâtre pour le premier puis en fermeture de la saison lyrique pour le second.
 

Pauline Guilmot
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