C O N C E R T S 
 
...
[ Sommaire de la rubrique ] [ Index par genre ]
 
......
BERNE
22/11/03
(@Opéra de Berne)
Giuseppe VERDI

NABUCCO

Livret de Temistocle Solera
 

Direction musicale : Miguel Gomez-Martinez

Mise en scène, décors, costumes et lumières : Pet Halmen

Nabucco : David Wakeham
Abigaille : Ursula Füri-Bernhard
Zaccaria : Mihail Mihaylov
Fenena : Maria Riccarda Wesseling
Ismaele : Don Bernardini
Anna : Julia Milanova
Abdallo : Andreas Hermann
Le Grand Prêtre : Richard Ackermann

BERNER SYMPHONIE-ORCHESTER
CHOEURS DU STADTTHEATER BERN

Stadttheater de Berne

Les 22*, 25 et 29 novembre,
6, 9 et 20 décembre 2003,
6, 16 et 23 janvier 2004,
7 février 2004,
14, 16 et 23 mars 2004,
10, 16, 18 et 25 avril 2004,
8, 11 et 15 mai 2004


Un Verdi de lumières

Nabucco de Giuseppe Verdi est l'un des opéras phares des étés lyriques. Peu importe ce que l'on raconte, pourvu qu'il y ait du costume, du figurant et un beau Choeur des Hébreux. Avec ces productions de l'excès, plus d'un théâtre lyrique a renoncé à monter cet opéra dans ses murs. Le Stadttheater de Berne relève pourtant le défi. Plus encore, il prend le risque de proposer vingt représentations de ce même opéra dans sa saison. Condamnée à la réussite, la scène bernoise a misé sur l'art du metteur en scène roumain Pet Halmen pour cette nouvelle production.

Pet Halmen s'empare de cette épopée pour construire un spectacle d'une grande valeur esthétique et psychologique. Avec son goût du beau, cultivant avec intelligence les volumes scéniques, les éclairages spectaculaires et changeants, il raconte l'univers infâme de Nabucco. Chez Halmen, pas de tons pastel. Ses couleurs sont l'apparat de l'horreur. Dans ce Verdi de lumières, ses bleus, ses rouges, ses blancs électriques dessinent les ambiances contrastées des protagonistes.


(@Opéra de Berne)

Renonçant aux grandes masses de figurants chères aux arènes lyriques estivales, le metteur en scène confine son action dramatique aux symboles. Ainsi Nabucco n'envahira plus Jérusalem, mais profanera une synagogue. Esclaves de leur aveuglement pour le pouvoir, Nabucco comme Abigaille limitent leurs déplacements à une petite portion de l'avant-scène, juste mesure de leur mesquinerie, alors que Zaccaria, porteur de la sagesse, occupera l'intégralité de la scène. Mélangeant les époques avec les costumes, Pet Halmen n'accorde que peu d'importance à la précision historique, privilégiant plutôt l'aspect universel du drame du peuple juif. Ainsi peut-on voir ses Hébreux vêtus de noir, coiffés de hauts-de-forme huit reflets, Fenena en paletot de fourrure, Nabucco cuirassé d'or sur une redingote Troisième Empire et les Assyriens en tenue coloniale des années trente, vestons et pantalons d'équitation rouges, coiffés de casques coloniaux dorés.

Malgré son caractère d'opéra à grand spectacle, Nabucco reste une oeuvre du chant et de la musique. L'ouverture jouée avec une lenteur extrême laissait craindre que l'héroïsme de la partition disparaisse. Ce n'était qu'une fausse alerte, probablement due au "timing" de la mise en place du décor durant cette même ouverture. Par la suite, le Berner Symphonie-Orchester n'a pas ménagé sa vitalité sous la baguette fougueuse de Miguel Gomez-Martinez. Si la mise en scène et les lumières de Pet Halmen en mettaient plein la vue des spectateurs, le chant leur en a mis plein les oreilles.

Dès sa première scène, la basse Mihail Mihaylov (Zaccaria) impressionne. Immense stature, la voix chargée d'harmoniques, il est un grand prêtre irrésistible, tant scéniquement que vocalement. Un régal. Depuis quelques années dans la troupe du Stadttheater, Maria Riccarda Wesseling (Fenena), grâce à une émission vocale exemplaire, impose un personnage de tendresse face au ténor américain Don Bernardini (Ismaele). Égal à lui-même, sa générosité vocale et son beau talent d'acteur excusent sa fâcheuse tendance aux aigus un peu trop bas.

Il y a quelques semaines sur cette même scène, la soprano Ursula Füri-Bernhard incarnait une lumineuse Elisabeth dans la production de Tannhäuser. Aujourd'hui, elle est une Abigaille incendiaire. Montrant une santé vocale époustouflante, elle aborde ce rôle avec une voix sans limites de clarté, de puissance et de couleurs. Furie vocale, elle galvanise la scène, forçant chacun à se surpasser. Sa fidélité à la scène bernoise est une chance pour la ville fédérale, cependant ses qualités vocales lui vaudraient certainement de chanter dans des théâtres plus importants, même si une Tosca de Puccini l'attend à Athènes en 2004. Comme toujours, sa prestation scénique reste malheureusement bien en-dessous de son talent de chanteuse. De plus, une robe peu seyante peu n'avantageait pas ses gestes maladroits.


(@Opéra de Berne)

Et Nabucco ? Le baryton australien David Wakeham donne à son personnage une couleur inhabituelle dans la tradition du chant verdien. Sa voix engorgée, grise parfois, ne convient pas toujours au conquérant victorieux, mais elle prend des teintes émouvantes quand le héros se trouve confronté à sa propre folie ou au repentir.

Le choeur du Stadttheater semble particulièrement fier d'apporter sa contribution à cette partition. Il s'en acquitte admirablement dans le fameux "Va pensiero". Comme un hommage à l'admirable mise en scène de Pet Halmen, son chant est transcendé dans un magnifique tableau où, les pèlerins surgissant de terre, enserrés dans des camisoles de force immaculées, évoquent le souvenir nostalgique de leur terre natale.
 
 

Jacques SCHMITT
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]