C O N C E R T S
 
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PARIS
30/03/2007
 
Jessye Norman
© DR

Jessye Norman, soprano
Mark Markham, piano

Maurice Ravel (1875-1937)
Shéhérazade
Cinq mélodies populaires grecques

Claude Debussy (1862-1918)
Air de Lia extrait de L'enfant prodigue

Henri Duparc (1848-1933)
L'invitation au voyage, Chanson triste, La vie antérieure.

Erik Satie (I866-1925)
Trois mélodies de 1916, La statue de bronze,
Daphénéo, Le chapelier
La diva de l'Empire

Francis Poulenc (1899-1963)
Voyage à Paris, Montparnasse, Les chemins de l'amour.

Pleyel, Paris,
le 30 mars 2007

 
Ô toi qui fus...

Cheveux libres, robe bleu nuit, chaussures or, la diva d'ébène a fait son entrée, imposante et majestueuse, dans une Salle Pleyel entièrement rénovée. Invitée régulière de Jean-Pierre Brossmann au Théâtre du Châtelet (Winterreise, Voix humaine, Erwartung, Château de Barbe Bleue, Didon et Enée) Jessye Norman n'était pas réapparue en récital à Paris depuis près de huit ans et le public, son public, lui a réservé un accueil plus que chaleureux, amoureux et dévoué.

Comme pour sceller cette relation partagée avec la capitale depuis plusieurs décennies, la cantatrice a composé un programme tout en français. Est-ce du courage, ou de l'inconscience, que de se chauffer la voix avec la Shéhérazade de Ravel, qui nécessite, transparence, lumière et liquidité ? Bien qu'aucun accident n'ait eu lieu, nous pencherons pour la seconde supposition, tant le timbre est devenu émacié, le souffle court, les couleurs mates et la conduite erratique. L'instrument, souvent faible, nous parvient par bribes, défaut accentué par l'acoustique très fluctuante du lieu, quelques passages ouverts ou forte, nous rappelant furtivement les splendeurs d'une opulence passée. Les "Cinq mélodies populaires grecques", platement accompagnées, comme le reste du récital, par Mark Markham, qui avait déjà massacré le Winterreise mis en image par Bob Wilson en 2001, abordées avec une attention excessive, manquent de naturel et de simplicité ("Réveille-toi"), de spontanéité et de rebond ("Tout gai"), la justesse des "Cueilleuses de lentisques" étant très approximative. Un air de Lia (L'enfant prodigue de Debussy) correct, mais à l'intonation un peu plate, trois Duparc vocalement disciplinés, malgré leur hauteur de ton, mais à l'expression limitée, ne suffisent pas à dissiper notre malaise. Pourquoi choisir des mélodies de Satie, sur des textes certes truculents, mais ici incompréhensibles, qui la mettent à ce point en difficulté ? Aigus tirés, phrasés chancelants, minauderies en guise de nuances et d'interprétation. La "Diva de l'Empire" puis "Montparnasse" de Poulenc, susurrées, affectées comme jamais, ont beau avoir satisfait le public, ces mélodies n'étaient objectivement que caricaturales et indignes d'une cantatrice de son rang ; tandis que la valse de Léocadia "Les chemins de l'amour", si délicate et tendrement sensuelle dans la bouche de Felicity Lott, s'est vue ici transformée en largo poussif aux effets totalement déplacés.

Applaudie à tout rompre, couverte de fleurs, Jessye Norman a jugé bon de conclure son récital avec la chanson culte de Joséphine Baker, "J'ai deux amours", inaudible et laborieuse, mais l'auditoire conquis, retiendra certainement pour longtemps, que Paris compte autant pour Jessye que la Georgie, alors..... il n’y a rien à ajouter.



François LESUEUR

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