C O N C E R T S 
 
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STRASBOURG
21/10/05
© Alain KAISER
 Piotr Ilitch Tchaïkowsky

Eugène Oniéguine

Direction musicale - Kirill Karabits
Mise en scène, scénographie et conception des éclairages - Marco Arturo Marelli
Costumes - Bettina Walter
Collaboration artistique à la mise en espace - Bertrand d'At
Lumières - Robert Cremer

Eugène Onéguine - Evgueniy Alexiev
Tatiana - Nataliya Kovalova
Lenski - Andrej Dunaev
Olga - Karine Motyka
Monsieur Triquet - Léonard Pezzino
Prince Grémine - Dmitri Ulyanov
Filipievna - Zlatomira Nikolova
Zaretski - Philippe Kahn
Le Capitaine - Jens Kiertzner
Un paysan - Piotr Iachtchenko
Larina - Doris Lamprecht

Choeurs de l'Opéra National du Rhin
Direction des Choeurs - Michel Capperon

Orchestre Philharmonique de Strasbourg

Strasbourg, Opéra, 21 octobre 2005

Ce spectacle est une reprise de la production créée lors de la saison 2002-2003, production dont nous avions rendu compte ici même et que nous avions grandement appréciée.

Trois ans après, le spectacle a gardé tout son charme, avec notamment son superbe décor magnifiquement exploité (un cube penché, symbolisant un univers étouffant mais s'ouvrant sur une colline verdoyante et de magnifiques ciels ennuagés). Les climats des différents tableaux, et surtout la distinction entre le milieu de la petite bourgeoisie provinciale des Larina et celui de la haute société de Saint Pétersbourg, avec entre les deux ce glaçant tableau hivernal, sont parfaitement campés.

Mais est-ce parce que nous connaissions déjà cette production que nous avons ressenti un certain agacement face à quelques détails ? Ou est-ce simplement dû à de petites modifications dans la mise en scène ?


© Alain KAISER

Nous n'avons pas retrouvé toute la finesse de caractérisation des personnages qui nous avait enthousiasmé à l'époque. Le jeu d'Oniéguine est ce qu'il y a de plus agaçant : vivant tout l'opéra comme un flash-back, et donc rongé par le remords, Oniéguine ne cesse ici de tituber ou de se retrouver à genoux. Le systématisme des jeux de scène est franchement lassant (voire insupportable dans la scène de la lettre). Oniéguine perd ainsi toute distinction et toute dignité, nul trace du dandy dans cet Oniéguine-là, d'autant plus que le chanteur, Evgueniy Alexiev en rajoute quelque peu et manque parfois également de classe, malgré une voix belle et solide.

Par contre, sa Tatiana est toute frémissante, toute sensible, toute fine, toute distinguée, elle affiche surtout une voix - typiquement slave - absolument magnifique et se distingue de son partenaire par un chant d'un suprême raffinement. Une éblouissante réussite d'une chanteuse à suivre, notamment à l'Opéra du Rhin où elle sera Elisabeth dans Don Carlos, ce dont on se réjouit grandement.

Nous retrouvons le Liensky de la création de la production, Andrej Dunaev. A l'époque, il nous avait déçu et nous le trouvions un peu trop léger. En trois ans, le chanteur a acquis de l'assurance et la voix est plus corsée et puissante. Il fait donc ici merveille et convainc amplement.

L'Olga de Karine Motyka est sympathique et très à l'aise scéniquement mais la voix manque de corps et surtout de graves. Parfaites sont la Larina de Doris Lamprecht et la Niania de Zlatomira Nikolova. Dmitri Ulyanov, quant à lui, campe un solide Grémine. Léonard Pezzino semble par contre bien fatigué en Monsieur Triquet. Le chant manque là encore de distinction et de classe pour un personnage qui ne doit être que cela. Un chanteur comme Michel Sénéchal était parfait dans cet emploi.


© Alain KAISER

Les choeurs sont vaillants et l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg également (malgré quelques légers accrocs aux cors, aux violoncelles ou quelques décalages). 

La direction de Kirill Karabits surprend par ses tempi très alertes mais qui emportent totalement l'adhésion : le frémissement amoureux des premiers tableaux, l'urgence dramatique des suivants supporte parfaitement de tels emportements. Une grande clarté de la texture sonore et une certaine finesse parachèvent ce travail très intéressant.

In fine, une belle réussite que l'Opéra du Rhin a eu raison de représenter. On espère que cette politique de reprises nous permettra de revoir des spectacles qui ont marqué les mémoires ces dernières années comme Peter Grimes (mis en scène par Alfred Kirchner), Simon Boccanegra ou encore Dialogues des Carmélites (mis en scène par Marthe Keller).
 
 

Pierre Emmanuel LEPHAY
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