C O N C E R T S 
 
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STRASBOURG
02/10/05
© Alain Kaiser
Marc MONNET

PAN

Texte de Christophe Tarkos

Direction musicale - Pierre-André Valade
Installation, mise en scène et costumes - Pascal Rambert
Lumières - Pierre Leblanc

Soprano - Malia Bendi Merad
Soprano - Nicole Tibbels
Ténor - Michael Bennett

Acteurs performeurs de la compagnie "side one posthume théâtre / pascal rambert" :
Clémentine Baert, David Bobee, Gilles Groppo, Grégory Guilbert, Antonin Ménard, Kate Moran, Cécile Musitelli, Sophie Sire, Vincent Thomasset, Virginie Vaillant

Guitare - Marc Ducret
Piano - Takayuki Ezawa
Claviers - Vérène Rimlinger, Marie-Christine Goueffon, Yolande Uytter

Informatique musicale réalisée dans les studios de l'Ircam
Réalisation informatique musicale - Eric Daubresse
Ingénieur du son - Jérémie Henrot

Choeurs de l'Opéra national du Rhin
Direction des Choeurs : Michel Capperon

Orchestre symphonique de Mulhouse

Création mondiale
Commande de l'Opéra du Rhin,
en coproduction avec l'IRCAM - Centre Pompidou

Annoncé comme un "non opéra" racontant tout et rien, "Pan" de Marc Monnet laisse songeur.
Effectivement, la forme est anti-traditionnelle : pas de personnages, pas d'histoire, pas de véritable livret, pas de tableaux, pas d'évolution dramaturgique etc. Mais alors qu'y a-t-il ? Un orchestre dans la fosse, un choeur et des solistes sur scène (ce n'est donc pas tout à fait un "non opéra"), des figurants/danseurs évoluant dans un décor s'adaptant au fur et à mesure des différents épisodes musicaux car c'est bien la musique qui est l'élément conducteur de l'ensemble.
Des climats changeants, des textures variées, une écriture riche : la partition est souvent séduisante, notamment au niveau de l'orchestration, remarquable (l'ensemble est très cuivré, on note ainsi la présence de 3 tubas, ce qui donne une couleur mordorée et incisive bien particulière). 
L'écriture vocale est elle aussi imaginative et ne ménage pas les chanteurs en sollicitant notamment leur registre aigu (les vocalises extrêmement rapides et suraiguës de l'une des sopranos font penser à celles entendues l'an dernier ici même dans The Tempest de Thomas Adès).

© Alain Kaiser

Les textes (Marc Monnet refuse le terme de livret) sont de Christophe Tarkos, poète récemment disparu. C'est davantage l'aspect sonore que le sens lui-même qui semble avoir attiré l'attention du compositeur. Cependant, les textes sont projetés en fond de scène, et malgré l'avertissement soigneusement affiché dans les couloirs de l'Opéra, ils surprennent quelque peu : s'ils peuvent prendre du sens dans leur contexte purement littéraire, c'est leur gratuité qui apparaît davantage ici (quelques bribes : "bourre-lui le cul", "tous les enfants font l'amour avec les enfants", il est par ailleurs question "d'égorger les enfants"...). Difficile de s'accrocher à un "personnage", une action, tant celle-ci est mouvante, et tant le texte nous invite peu (pour notre part) à s'y investir.


© Alain Kaiser

La mise en scène de Pascal Rambert ne cherche pas à donner du sens à tout cela, mais dresse un contrepoint scénique à la musique sur un plateau dénudé où les coulisses sont visibles jusqu'aux murs mêmes du théâtre. Des "performeurs" se mêlent aux chanteurs, dansent, s'embrassent, se déshabillent et se rhabillent (cela devient un peu trop systématique à la longue) sans que l'on comprenne vraiment pourquoi. Bien sûr, on nous rétorquera que ce n'est pas le but, qu'il ne faut pas chercher un sens à ces mouvements. Mais alors (et c'est le risque de ce genre d'entreprises), toute cette agitation paraît vaine, un peu "fourre-tout" et parfois plutôt primaire comme cette déclinaison du mot "pan" à toutes les sauces : pan comme le bruit du pistolet, pan comme l'oiseau (présence de deux paons sur le devant de la scène durant toute l'oeuvre), pan de panneau avec ces grandes lettres transportées par les performeurs et formant des pans de phrases, mais aussi Pan le Dieu antique dont l'allusion est cependant très furtive, etc.

Le résultat est bien cru, sans magie et, finalement, sans véritable profondeur. Le coup de théâtre plus ou moins recherché ("pan" ?) ressemble plutôt à un coup d'épée dans l'eau... On ressort ainsi du spectacle interloqué, interdit et peu convaincu. On est par contre curieux d'entendre d'autres oeuvres de Marc Monnet, notamment pour orchestre, tant la couleur et l'écriture du compositeur ont retenu l'oreille.

On retiendra surtout une exécution d'un professionnalisme exemplaire que ce soit au niveau scénique ou au niveau musical : très belle prestation des trois solistes (Maria Bendi Merad, Nicole Tibbels et Michael Bennett qui poursuit avec courage sa défense de la création contemporaine), des choeurs de l'Opéra du Rhin et surtout de l'Orchestre Symphonique de Mulhouse admirablement conduit par un Pierre-André Valade très à l'aise.
 
 

Pierre-Emmanuel LEPHAY
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