C O N C E R T S 
 
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BORDEAUX
23/09/05
LA VIE PARISENNE

Opéra-bouffe en quatre actes
créé au Théâtre des Variétés à Paris le 25 septembre 1873.

Version d'origine en cinq actes
créée au Théâtre du Palais-Royal à Paris le 31 octobre 1866

Musique de Jacques Offenbach (1819-1880)
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy.

Direction musicale : Bruno Membrey
Mise en scène : Jacques Duparc
Décors et costumes : Giulio Achilli
Chorégraphe : Laurence Fanon 

Gabrielle : Laure Crumière
Metella : Alexise Yerna
Pauline : Sophie Haudebourg
La baronne de Gondremarck Inge Dreisig
Le baron de Gondremarck : Jean-François Vinciguerra
Le vicomte Raoul de Gardefeu : Éric Faury
Bobinet : Jacques Duparc
Frick, Prosper : Jacques Lemaire
Urbain, Alfred : Philippe Ermelier
Le Brésilien : Michel Vaissière

Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Choeur de l'Opéra National de Bordeaux

Production de l'Opéra National de Bordeaux

Grand-Théâtre
Dimanche 25 septembre 2005, 15h

Aujourd'hui, il faut voyager en province pour connaître vraiment la vie parisienne, du moins celle que dépeignirent en 1866 Meilhac et Halévy. L'opéra de Bordeaux confirme le paradoxe en inaugurant sa saison avec une nouvelle production de l'oeuvre de Jacques Offenbach qui surpasse sans peine celles présentées à Paris ces dernières années.

Le mérite en revient au metteur en scène Jacques Duparc dont l'inventivité ne s'exerce pas au détriment de l'esprit de l'opéra-bouffe. Il sait en maintenir l'ivresse légère sans devenir grivois, ni rester trop sage. Sa scénographie trouve habilement place dans les décors luxueux de Giulio Achilli, la gare fourmillante, les appartements plus années folles que second empire et enfin le restaurant à la mode, ici Maxim's, plutôt que Le Café Anglais auquel pensèrent initialement les librettistes (1). Quelques trouvailles spectaculaires achèvent de séduire ; par exemple, la locomotive qui transperce le tableau d'affichage des horaires et surgit fumante au premier plan de la scène. Enfin, entre les actes, sont utilisées de manière très poétique des images en noir et blanc du Paris d'autrefois devant lesquelles se placent les personnages, à pied, à vélo ou en calèche et qui, s'animant, créent une impression de mouvement, un peu comme dans les films des premiers temps du cinéma. Jacques Duparc touche alors à l'essence même du génie d'Offenbach, quand, entre deux cancans échevelés, le compositeur se plait à glisser une page nostalgique, la lettre de Metella, le duo de Pauline avec le baron, etc. Les quelques coupures et aménagements du texte pratiqués ici et là n'en deviennent que plus pardonnables. De toute façon, la version de 1873 en quatre actes (quand celle d'origine en comptait cinq (2)), certes plus efficace d'un point de vue théâtral, n'est pas un modèle d'équilibre et de clarté dramatique. Pour ajouter encore à la confusion, l'air de la baronne "J'en suis encore toute éblouie" initialement disparu avec la suppression du quatrième acte, a été, dans la production bordelaise, réintroduit en plein milieu du dernier acte.

La partition de La Vie Parisienne, écrite pour le Théâtre du Palais Royal, scène alors consacrée au vaudeville, ne réclame pas forcément de grands chanteurs, exception faite du rôle de Gabrielle conçu spécialement pour Zulma Bouffar (3).

L'équipe réunie ici se place dans cette perspective en privilégiant le théâtre plutôt que le chant. Les mots sonnent juste. Les acteurs, tous excellents, déploient les trésors de fantaisie et de drôlerie demandés, particulièrement le désopilant baron de Jean-François Vinciguerra, belge d'ailleurs avant d'être suédois, sur les épaules duquel repose une bonne partie de la pièce.
Vocalement, aucune personnalité ne se détache d'une distribution homogène, globalement satisfaisante, mais plus proche de la troupe que d'une somme d'individualités. L'effort porté sur la diction et la clarté mérite d'être salué. Cependant, l'oreille habituée à entendre ces mêmes airs servis par les voix de Régine Crespin ou Jane Rhodes voire Dario Moreno, reste parfois sur sa faim. La belle sonorité des choeurs, la jubilation de l'orchestre dirigé sans fléchir par Bruno Membrey, parviennent heureusement à combler son appétit musical. 

Comme pour La veuve Joyeuse présentée en juin dernier, la chorégraphie de Laurence Fanon impressionne. Les prouesses réalisées par les danseurs tiennent autant du cirque acrobatique que du ballet. Le public comblé frappe dans ses mains, heureux qu'en France, tout finisse par des chansons et que, dans le royaume de l'opérette, tout se termine par des cancans.
 
 

Christophe RIZOUD
Notes

(1) L'allusion que fait Metella au "grand seize" ne laisse aucun doute à ce sujet. Il s'agit du salon du premier étage du Café Anglais qui était alors l'un des plus célèbres de Paris.

(2) Le quatrième acte de la version de 1866 voyait les manoeuvres de Gardefeu pour séduire la baronne déjouées par Métella et la tante de Bobinet, la fameuse comtesse de Quimper-Karadec dont l'hôtel particulier sert de cadre au troisième acte. Les deux commères réapparaissaient masquées à la fin de l'oeuvre, accompagnées de la baronne, pour confondre le baron dans une scène qui parodiait le Trio des masques de Don Giovanni. Un enregistrement de ces pages inconnues, et par là même d'une véritable intégrale de l'oeuvre, serait le bienvenu.

(3) Jean-Louis Barraut s'inscrivit d'ailleurs dans cette tradition quand il décida de monter La Vie Parisienne en 1958 au Palais-Royal avec sa troupe ; Suzy Delair en Gabrielle était alors la seule véritable chanteuse lyrique. A contrario, l'enregistrement réalisé par Michel Plasson dans les années 70 fait la part belle aux grandes voix avec surtout Régine Crespin (Metella) et Michel Sénechal (Gardefeu).

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