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NEW-YORK
11/12/04
RODELINDA
Regina de'Longobardi

Opéra en 3 actes de Georg Friedrich Haendel
Livret de Nicola Francesco Haym
D'après l'oeuvre d'Antonio Salvi

Mise en scène : Stephen Wadsworth
Décors : Thomas Lynch
Costumes : Martin Pakledinaz
Eclairages : Peter Kaczorowski

Rodelinda : Renée Fleming
Grimoaldo : Kobie van Rensburg
Garibaldo : John Relyea
Eduige : Stephanie Blythe
Bertarido : David Daniels
Unulfo : Bejun Mehta
Flavio (rôle muet) : Zachary Vail Elkind

Choeurs et orchestre
du Metropolitan Opera de New York
Direction : Harry Bicket

New York, le 11 décembre 2004 (soirée)



Au Metropolitan Opera de New York, on reconnaît une authentique diva (ou un vrai divo) à ce que la maison monte des ouvrages rien que pour elle, sûre de remplir sur son nom (le théâtre n'étant pratiquement pas subventionné, il ne peut pas se permettre de faire fi des voeux du public et encore moins de ceux de ses sponsors).

Renée Fleming peut revendiquer fièrement ce statut : après Il Pirata en 2002, le Metropolitan monte en effet pour elle cette Rodelinda, effort d'autant plus louable que les ouvrages de Haendel n'y sont pas fréquents ; leur liste se limite à Rinaldo (pour Marilyn Horne il y a 20 ans), puis Samson (pour Jon Vickers) et, enfin, Giulio Cesare.

Les spectacles montés dans de telles conditions ne sont habituellement pas fastueux ; cette fois, le théâtre new-yorkais n'a pas lésiné sur les moyens, signe que les choses changent pour Haendel à New-York (une reprise est d'ailleurs déjà programmée d'ici deux ans).

La production de Stephen Wadsworth tranche avec ce qu'on a l'habitude de voir lorsque sont mis en scène des ouvrages baroques : en dépit d'une légère transposition (à l'époque de Haendel, c'est-à-dire un petit millier d'années plus tard), le parti pris général est plutôt réaliste.

Une bibliothèque élisabéthaine, des étables (et un vrai cheval qui emporte John Relyea), un jardin, une chambre somptueuse... Tous ces lieux, exécutés en durs, s'enchaînent sans solution de continuité : si un protagoniste quitte la bibliothèque, le décor bouge avec lui jusqu'à ce qu'il arrive dans le jardin ou plus loin dans les étables (du point de vue du spectateur, le chanteur fait du sur place et ce sont les décors qui se meuvent d'un bloc vers la gauche ou la droite). Nous avons même droit "au coup de l'ascenseur" pour la visite en sous-sol des prisons ! Hormis cet aspect spectaculaire, les décors, costumes et éclairages évoquent plutôt le travail d'un Ponnelle. La direction d'acteurs est intelligente, sans excès théâtraux : Wadsworth réussit à nous rendre humains des personnages un peu stéréotypés, c'est la principale qualité de cette mise en scène.

Star de la soirée, Renée Fleming aborde Rodelinda avec ses qualités et défaut habituels : beaucoup d'investissement personnel, des variations inventives, une ligne de chant parfaite et des aigus généreux. Au passif, on retrouvera le même maniérisme : ports de voix "jazzy" sortis de Porgy and Bess, notes prises un peu bas pour renforcer l'effet dramatique et une tendance à surjouer chaque mot, un peu fatigante à la longue ; on aimerait fois un peu plus de simplicité et de naturel. Des réserves sans doute mineures pour qui n'entend pas cette chanteuse trop régulièrement.

Kobie van Rensburg n'est pas en reste en termes d'engagement dramatique. Sur le plan vocal, c'est une autre affaire, malgré des vocalises impressionnantes : le chanteur s'essouffle vite, écorchant pas mal de notes. Enfin, son timbre très particulier ne fait pas nécessairement l'unanimité.

Stephanie Blythe continue de marcher sur les traces de Marylin Horne, avec une voix plus projetée toutefois que celle de son illustre devancière. Vocalises impeccables, registre étendu et voix riche en harmoniques, c'est absolument magnifique.

La voix de David Daniels m'a semblé avoir quelque peu évolué ces dernières années : le chanteur a gagné en volume et en projection, mais l'émission est un peu moins cristalline ; dramatiquement, son Bertarido est d'une grande force émotionnelle, culminant dans la bouleversante scène de la prison.

Bejun Mehta se hisse au même niveau, avec une voix plus pure qui contraste à merveille avec celle de son collègue : là aussi, un chant quasi parfait.

Plus en retrait, John Relyea vaut surtout par sa prestance et son aptitude à monter à cheval.

Augmenté de quelques instruments anciens, l'orchestre du Metropolitan sait presque se transformer en formation baroque (disons qu'il se rapproche de la sonorité de l'Ensemble Orchestral de Paris, avec des couleurs un peu plus variées).

La direction de Harry Bicket est à l'écoute du plateau, élégante et vive, mais manque parfois un peu de mordant.

Pour finir, un coup de chapeau au théâtre lui-même : y a-t-il d'autres salles de cette dimension dont l'acoustique s'adapte aussi bien à Wagner qu'à Haendel ?
 
 
 

Placido Carrerotti
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