C O N C E R T S 
 
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NANCY
31/03/05

© Opéra de Nancy et de Lorraine
Richard STRAUSS

Der ROSENKAVALIER 

Comédie pour musique en trois actes

Martina Serafin (la Maréchale von Werdenberg),
Andrew Greenan (Le Baron Ochs von Lerchenau),
Heidi Brunner (Octavian),
Peter Edelmann (Monsieur de Faninal),
Henriette Bonde-Hansen (Sophie),
Michèle Lagrange (Marianne),
François Piolino (Valzacchi),
Marie Thérèse Keller (Annina)

Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy,
Choeur de l'Opéra de Nancy et de Lorraine

Direction musicale : Sebastian Lang-Lessing
Mise en scène : Philip Himmelmann
Décors : Johannes Leiacker
Costumes : Petra Bongard
Lumières : Davy Cunningham

Nancy, le 31 mars


Pourquoi certains metteurs en scène font-ils si peu confiance à l'intelligence du public qu'ils croient nécessaire de renforcer chaque "signifié" de l'ouvrage jusqu'à l'écoeurement ? Au cas où les multiples messages du Chevalier à la Rose vous auraient échappé, je les surligne, les souligne, les mets en italiques et en gras et en majuscules corps 24... Une rose ? Non, des milliers façon pub Kenzo, plantées sur tiges métalliques sur toute la surface de la scène, piétinées au fur et à mesure des évolutions des chanteurs (qui se prennent parfois les pieds dedans et frôlent le trébuchement involontaire) ; la pauvre rose en argent en devient toute timide et anonyme à sa présentation. Sophie jeune et naïve ? Philip Himmelmann en fait une nunuche, une oie blanche au premier sens du terme avec son noeud et sa robe immaculée, puis, dans le troisième acte, en jupe plissée et collier de perles. On se demande comment Octavian peut tomber amoureux d'une crevette pareille... Ochs, balourd obsédé ? Ce n'est plus dans une auberge, mais dans un bordel de travestis en pleine partouze qu'il retrouve sa Marion, la versant sur des matelas crasseux qui répondent aux coussins blancs de la Maréchale au premier acte, chacun sa perversion, mais tous pareils. La similitude entre la Vienne de Marie-Thérèse et celle d'Hoffmannsthal ? La scène est ouverte jusqu'au fond, au dernier acte, brute et noire, sans autre décor que ces milliers de roses, et si quelques costumes dix-huitième persistent au premier acte, on bascule définitivement au vingtième siècle au dernier, dans une décadence associant Cyrillus, Deschiens et Maréchale clone de Dietrich jusqu'au bout de son fume-cigarettes.

On l'aura compris : rien n'est contresens, certes, mais que devient la "saveur aigre-douce" du Chevalier ? Toute subtilité est balayée, avec l'avantage d'une compréhension immédiate de cette peinture de la décadence, mais aussi le risque de s'éloigner en permanence de la force principale de l'oeuvre, tant littéraire que musicale : l'art de la suggestion. Hoffmansthal souhaitait un troisième acte "effronté et sensuel", puis "burlesque", il est grinçant, provocateur et manichéen. Et ne disait-il pas, dans la même lettre à Strauss : "Vous craignez que cet ouvrage ne soit trop délicat ? La marche de l'action n'est-elle pas simple, compréhensible, même pour le plus naïf des publics ?" Que Strauss soit rassuré : toute délicatesse a disparu, et le public devrait avoir compris... qui parfois sifflait au salut final.


Martina Serafin © www.martinaserafin.com

Ovation méritée en revanche pour le plateau vocal, exceptionnel, qui par la subtilité de sa caractérisation dramatique tranche avec cette mise en scène appuyée, au risque, parfois de sembler la contredire. La plus applaudie est la soprano viennoise Martina Serafin : elle fait une entrée en France remarquée avec une Maréchale racée, au chant superlatif, timbre riche et mordoré, diction et projection impeccables, élégance et finesse de l'incarnation dramatique. A ses côtés, le Quinquin peut-être un peu trop féminin, mais lui aussi remarquable vocalement, de la mezzo Heidi Brunner, une Sophie légère et idéale. Un trio féminin parfait, auquel répond une distribution masculine équilibrée. Démarrage plus que chaotique pour l'orchestre de Nancy, vite repris en main par un Lang-Lessing énergique et attentif.
 
 

Sophie ROUGHOL
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