C O N C E R T S 
 
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MILAN
(Théâtre de la Scala)
SAMSON ET DALILA

Camille SAINT-SAENS

Opéra en trois actes
sur un  livret de Ferdinand Lemaire

(Première performance le 2 décembre 1877 à Weimar)

Placido Domingo : Samson
Olga Borodina : Dalila
Jean Philippe Lafont : le Grand Prêtre
Ildar Abdrazakov : Abimelech
Bonaldo Giaiotti : un vieillard hébreux
Rosario La Spina : un messager
Alfredo Nigro : un philistin
Dejan Vatchkov : encore un philistin

Orchestre et choeurs du Teatro alla Scala
Direction : Gary Bertini

Milan, 26/2/2002.

Production : Hugo de Ana



CARNET DE BAAL

C'est un Placido Domingo en pleine forme que nous retrouvons pour ce Samson, rôle dont la tessiture correspond bien à ses moyens actuels. Avec les années toutefois, le volume vocal a sensiblement diminué, et les "forte" de l'orchestre le couvre maintenant assez souvent. Mais le timbre est lui toujours là, unique, sans vibrato notable : un vrai miracle compte tenu du peu de ménagement physique de cet artiste. Dans l'absolu, l'interprétation est satisfaisante: c'est toutefois du "Domingo générique" où on chercherait en vain un approfondissement ou un renouvellement au fil des années. C'est un peu comme les plats congelés préparés suivant les recettes de grands chefs : c'est très bon les premières fois, mais comme ça a toujours le même goût, on finit par regretter son hot-dog.

Dans cette perspective, l'intérêt vient de la confrontation avec sa partenaire : Olga Borodina est une magnifique Dalila, sensuelle, cruelle, au timbre de velours, évitant les excès poitrinés et au français impeccable. Cela ne suffit pas à faire sortir notre Samson de sa routine.

Sous sa perruque rasta, Jean Philippe Lafont a plus de mal à convaincre en Grand Prêtre : son chant est plus appliqué qu'à l'accoutumé, mais ses interventions se font souvent côté coulisse ou sur un échafaudage à quelques mètres au dessus du sol ; ça suffit pour que la voix se perde totalement.

Mention bien pour les seconds rôles, plutôt bien tenu, avec la surprise de retrouver en vieillard hébreux le vétéran Bonaldo Giaiotti.

Sans surprise, la direction de Gary Bertini manque d'engagement dans les scènes les plus théâtrales, et de cette rigueur classique qu'on attend dans les scènes d'ensemble. Le "juste milieu" est parfois la pire des solutions.

Le pire vient de la production d'Hugo de Ana, importée de l'Opéra de Gênes, en remplacement de celle de Luca Ronconi, initialement prévue (Ronconi montant un spectacle au même moment à Milan a préféré renoncer au Samson qu'il ne pouvait totalement diriger lui-même).

Le décor rappelle Star Wars : passerelles métalliques, structures en ce qui semble être du plexiglas. Les costumes, quant à eux, semblent plutôt sortis d'Highlander : lances rouges et cuirasses pour les philistins, robes et coiffes moyenâgeuses pour les dames. Au second acte, un immense lit sort de la coulisse pendant "Mon coeur s'ouvre à ta voix", suscitant l'hilarité ... 
Bref, on chercherait vainement une unité quelconque, ou à défaut une simple idée directrice dans ce bric-à-brac hallucinant.

Pour le reste, les acteurs sont livrés à eux-mêmes (on pourrait en dire autant des danseurs, tant la chorégraphie est médiocre) et font leur numéro habituel.

L'effondrement final est un non-évènement : les spectateurs étant plus inquiets de la solidité du théâtre que de celle du décor. Coup de chance, ce Samson ne casse rien !
 
 

Placido Carrerotti
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