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PARIS
21/04/07

© DR
Jules Massenet (1842-1912)

THAÏS

Opéra en trois actes
Livret de Louis Gallet d'après le roman d'Anatole France
Créé le 16 mars 1894 à l'Opéra de Paris

Thaïs : Renée Fleming
Athanaël : Gerald Finley
Nicias : Fabrice Dalis
Palémon : Nicolas Courjal
La Charmeuse : Rebecca Bottone
Crobyle : Marie Devellereau
Myrtale : Nora Sourouzian
Albine : Caitlin Hulcup
Le Serviteur de Nicias : Laurent Alvaro

Orchestre de Paris
Violon solo : Philippe Aïche

Choeur Accentus
Direction du Choeur : Laurence Equilbey

Direction musicale : Christoph Eschenbach


Paris, Théâtre du Châtelet 21 avril 2007


Thaïs éblouissante


Créée en 1894 au Palais Garnier, Thaïs y sera donnée régulièrement jusqu'en 1956 avant de disparaître totalement des scènes parisiennes, à l'exception toutefois d'une série de représentations salle Favart en 1988. C'est dire à quel point les trois concerts proposés par le Théâtre du Châtelet - qui affichait salle comble - faisaient figure d'événement d'autant qu'ils marquaient le retour à Paris de Renée Fleming dans un ouvrage intégral.
 
Star incontournable de l'Opéra durant l'ère Gall, la cantatrice américaine y a incarné Donna Anna, Marguerite, Manon, La Maréchale, Rusalka et Alcina mais on ne l'a guère revue sur notre première scène nationale depuis Capriccio, ultime production du prédécesseur de Gérard Mortier.

Aujourd'hui c'est Thaïs que Renée Fleming a décidé de défendre au théâtre, dix ans après l'avoir magistralement gravée en studio pour Decca : elle la donnera à Vienne, Londres et Barcelone dans les prochains mois. On ne peut que se réjouir de ce choix d'autant qu'elle est actuellement sans rivale dans ce rôle. Ses moyens sont demeurés intacts et c'est à peine si les contre-ré, un rien tendus par rapport au disque, trahissent le passage du temps. L'interprétation en revanche a gagné en profondeur: La Thaïs de Fleming est déjà en proie au doute avant même la visite d'Athanaël. Ainsi, dans son grand air du deux, ce n'est pas une courtisane à la beauté triomphante que l'on entend mais une femme terrorisée par l'âge qui fait l'amer constat de la vacuité de son existence, ce qui rend d'autant plus plausible sa rapide conversion. Cette conception totalement assumée prive sans doute l'héroïne de la sensualité exacerbée que d'autres chanteuses lui ont conférée mais n'en est pas moins convaincante d'autant que le timbre somptueux et riche en harmoniques de la cantatrice convient idéalement à ce personnage de pécheresse repentie. A cet égard, la scène finale est particulièrement bouleversante: totalement hallucinée, cette Thaïs se meurt dans des demi-teintes extatiques du plus bel effet.

A ses côtés Gerald Finley ne démérite pas. Cet éminent mozartien, qui excelle également dans le répertoire baroque et l'univers du lied, a déjà abordé l'opéra français avec bonheur en interprétant Golaud. Cependant, le rôle d'Athanaël réclame une tout autre ampleur vocale et des aigus percutants d'autorité qui font défaut au baryton canadien. Conscient de ses limites et sans jamais forcer ses moyens, Finley, servi par une diction française remarquable, parvient toutefois à traduire les tourments de ce personnage ambigu avec une rare acuité et livre un troisième acte qui emporte pleinement l'adhésion.

Que dire du Nicias de Fabrice Dalis, remplaçant au pied levé Barry Banks initialement prévu sinon qu'il a le mérite d'avoir sauvé cette série de concerts.

Belle prestation en revanche de Nicolas Courjal dans le rôle épisodique, mais non moins capital, de Palémon.

Les seconds rôles féminins sont correctement tenus à l'exception de La Charmeuse aux aigus bien criards. Mention spéciale pour l'Albine sobre de Caitlin Hulcup.

Christoph Eschenbach dirige avec précision et rigueur cette partition luxuriante dont il met en valeur la richesse et la variété avec des effets parfois un peu trop appuyés mais toujours en situation. C'est une version quasi intégrale de l'oeuvre qui nous est proposée, les rares coupures concernant essentiellement les ballets. Saluons enfin l'interprétation sensible et dépouillée de la célèbre Méditation par Philippe Aïche chaleureusement applaudi par le public.

Le triomphe qui a accueilli les artistes au final était amplement mérité et l'on regrettera seulement de n'avoir pas eu droit à une représentation théâtrale de l'ouvrage.



Christian PETER


(France-Musique diffusera ce concert le 9 juin 2007 à 19h30)
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