C O N C E R T S 
 
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PARIS
15/05/03

(Patricia Racette)
La Traviata

Opéra de Giuseppe Verdi
Livret de F.M. Piave
d'après "La Dame aux Camélias" d'Alexandre Dumas Fils

Mise en scène : Jonathan Miller
Décors : Ian MacNeil
Costumes :Clare Mitchell
Lumières : Rick Fisher
Vague chorégraphie : Françoise Grès

Violetta Valery : Patricia Racette
Alfredo Germont : Tito Beltran
Giorgio Germont : Roberto Frontali
Svetlana Lifar : Flora Bervoix
Annina : Allison Cook
Gastone : Mihajlo Arsenski
Douphol : Michael Druiett
D'Obigny : Yuri Kissin
Grenvil : Christian Tréguier

Choeurs et orchestre de l'Opéra de Paris

Direction :Nicola Luisotti

Bastille, le 15 mai 2003


Quand Bastille fait du remplissage...
 

Déjà interprète du rôle dans cette même production en 1998, Patricia Racette incarne toujours une Violetta de seconde catégorie. Vocalement, certains efforts sont louables : un mi bémol en conclusion du "Sempre libera", un "Ditte alla giovine" pianissimo. Mais le problème, c'est justement que tout cela sent... l'effort : le mi n'a rien de spectaculaire, les pianissimi sont exécutés d'une voix assez laide, etc. Instabilité, petits problèmes de justesse, vocalises savonnées... on n'en finirait pas d'énumérer les problèmes techniques de cette chanteuse.

Cette Violetta en séduira néanmoins certains pour l'interprétation, car l'engagement de l'artiste est indéniable : je n'ai pas été personnellement touché tant cela me paraît "joué", exempt de réelle empathie pour le personnage, mais Patricia Racette réussit néanmoins à émouvoir des spectateurs au coeur peut-être moins endurci que le mien !

Si l'on me permet un euphémisme, Bastille joue l'homogénéité par rapport à la distribution de 1998 : Tito Beltran succédant à Ramon Vargas et Roberto Frontali à Leo Nucci, le niveau s'aligne malheureusement sur celui de Patricia Racette...

Conspué certains soirs, l'Alfredo de Tito Beltran est certainement un peu sous-dimensionné pour le rôle, notamment en terme de volume vocal. Du parterre, les huées semblent exagérées, mais peut-être était-il inaudible du balcon (les voix de ténors passent assez mal à Bastille).

Le démarrage n'est pas fameux, avec une tendance à chanter un peu en dessous au premier acte : la voix se libère après la cabalette "O moi rimorso" (habituellement coupée à Bastille et raccourcie à un couplet), que le ténor couronne d'un joli contre-ut. Par la suite, le timbre rayonne davantage, rappelant celui des premiers disques de ce chanteur autrefois prometteur.

Enfin, l'acteur est sympathique, dans un rôle assez ingrat. Il sera intéressant de le réentendre la saison prochaine dans I Capuletti, le rôle de Tebaldo pouvant lui convenir davantage.

Roberto Frontali chante honnêtement mais sans génie les belles pages de Germont : il retrouve lui aussi un couplet de sa cabalette de l'acte II, encore plus rarement donnée à la scène. Le volume de Bastille ne lui pose pas trop de problème mais le style est un peu relâché. Quant au timbre, nasal, j'ai eu un peu de mal à reconnaître la voix jadis claironnante de ce baryton.

Les seconds rôles et les choeurs sont irréprochables.

La direction de Nicola Luisotti est la vraie surprise de cette soirée : cet ancien chanteur nous offre en effet une lecture véritablement théâtrale de la partition. Rubati, points d'orgue... on est à l'opposé du suivi "à la lettre" de la partition telle que le pratique un Riccardo Muti. Des détails d'orchestration s'imposent, qui ne m'avaient jamais frappés jusque là. Tout n'est pas réussi (d'autant que l'orchestre est parfois un peu négligent), mais cette lecture, par son renouvellement, est un authentique plaisir. Bref : un chef à suivre dans ce répertoire.

La mise en scène fort médiocre de Jonathan Miller a déjà été chroniquée ; je me contenterai de la rappeler dans les grandes lignes : Violetta habite dans un grand magasin dont le seul mobilier consiste en un escalier de 50 mètres de développé ; à l'acte II, elle l'emmène à la campagne et, pour ne pas se le faire voler, elle le camoufle sous une toile peinte bucolique antivol, aimable contrepoint de sa demeure campagnarde, qui évoque quant à elle la maison de Psychose. Chez Flora, la soirée finit en drame car celle-ci a fait l'acquisition d'un escalier en tous points identique ! Malade de rage, Violetta et son escalier finissent la nuit dans un hôpital aux murs pisseux. Alfredo lui en promet un autre mais c'est trop tard: la rouille a frappé.

Comme on le voit, une production à ne pas manquer, surtout si vous aimez les escaliers.
 
 
 

Placido Carrerotti
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