C O N C E R T S 
 
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ROUEN
08/02/04

© Agence Heka
Richard WAGNER

TRISTAN UND ISOLDE

Opéra en 3 actes

Version de concert

Direction musicale : Oswald Sallaberger
Mise en espace et en lumières : Wolfgang Schilly
Chef de choeur Uldis Kokars
Choeur : Ave Sol de Riga
Orchestre de l'Opéra de Rouen


(Oswald Sallaberger)

Tristan : John Treleaven
Isolde : Susan Bullock
Kurwenal : Johannes Mannov
Brangäne : Rosemarie Lang
Roi Marke : Franz-Josef Selig
Melot : Michael Bennet
Un berger : Pascal Bourgeois
Un jeune marin : Patrice Henry
Un pilote : Arnaud Richard

Théâtre des Arts, Rouen
8 février 2004



Ainsi la décentralisation n'est pas un vain mot. Certains mélomanes parisiens devront bousculer leurs certitudes : il existe une vie musicale après le boulevard périphérique. Et sans aller bien loin. Rouen nous le démontre encore une fois.

Depuis deux ans, la ville a décidé de renouer avec sa tradition wagnérienne. Mégalomanie ? Non, le Théâtre des arts s'enorgueillit, à juste titre, d'avoir assuré la création française de Siegfried (c'était le 17 février 1900). Aussi, son directeur musical, Oswald Sallaberger, après avoir reçu Tannhaüser en 2003, accueillait cette année le "doux infidèle" et sa "femme céleste", Tristan et Isolde. Mais, en toute simplicité, comme de vieux amis, sans mise en scène ni falbalas. D'ailleurs le programme annonçait une version de concert. C'est trop de modestie. La mise en espace de Wolfgang Schilly ne doit pas être déprisée. Certes, l'orchestre est sur la scène mais les chanteurs ont laissé pupitres et partitions au vestiaire. A défaut d'armures, Ils ont superbement revêtu le geste et l'attitude, autrement indispensables à la théâtralité. Des jeux de lumière accompagnent sobrement l'action. Nous sommes bien à l'opéra. Merci à M. Schilly de le rappeler. Et bravo !

Un tel résultat n'aurait pu être obtenu sans l'engagement des chanteurs. Tous sont dramatiquement exemplaires. Susan Bollock, d'abord. Elle est Isolde, du début à la fin, véritablement habitée par le rôle. Techniquement, la soprano anglaise mène sa barque, sans effort apparent, jusqu'à la liebestod tant attendue. La performance est remarquable. Evidemment, sa reine irlandaise se ressent de son Elektra à Bruxelles. La fureur lui convient mieux que l'élégie. Le timbre peut même sembler ingrat. Qu'importe, elle est souveraine. Le Tristan de John Treleaven convainc moins. Là aussi, la partition demande beaucoup et le ténor n'a pas encore résolu tous ses problèmes techniques. Il parvient à éviter l'accident, mais c'est la justesse qui trinque. L'impression finale demeure cependant positive tant l'implication est grande.

Côté serviteurs, la balance s'inverse. Le beau Kurwenal de Johannes Mannov, sonore et viril, triomphe aisément de la Brangäne stridente de Rosemarie Lang.
"As-tu fait vraiment cela ?". Le sommet de la représentation est atteint au deuxième acte, lors de la supplique du roi Marke à Tristan. Franz-Josef Selig est bouleversant d'humanité. La voix, noble, profonde, se hisse à la hauteur de l'interprétation. L'air ne dure que 10 minutes, on aimerait qu'il en fasse 100. Bonne nouvelle pour les Parisiens, Franz-Josef Selig reprendra la couronne de Cornouailles à la Bastille en 2005-2006. Nous y serons.

Depuis son arrivée à Rouen, il y a cinq ans, Oswald Sallaberger s'applique à orienter l'orchestre de l'Opéra de Rouen vers le grand répertoire symphonique allemand. L'effort se concentre sur l'alchimie entre le son et la vérité dramatique. Cette représentation de Tristan marque donc une étape importante dans l'évolution de la phalange normande. Le travail effectué par le chef d'orchestre commence de porter ses fruits. Les cordes surtout ont compris la leçon. Les cuivres ne sont pas tout à fait au même niveau, dommage.

Et la leçon de décentralisation n'est pas terminée. Dans un mois (du 9 au 23 mars 2004), Rouen* accueille Marc Minkowski et Laurence Equilbey pour L'Enlèvement au sérail. Encore une affiche dont ne rougiraient pas les plus grands théâtres parisiens.
 
 
 

Christophe RIZOUD
* L'opéra de Rouen est en ligne (http://www.operaderouen.com)
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