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PARME
07/05/2006
 
© C. Rizoud
Giuseppe Verdi (1813 - 1901)

IL TROVATORE

Drame en quatre parties (1853)
Livret de Salvatore Cammaramo d’après El trovador d’Antonio Garcia-Gutierrez

Mise en scène : Elijah Moshinsky
Décors : Dante Ferretti
Costumes : Anne Tilby
Lumières : Howard Harrison

Il conte di Luna : Roberto Frontali
Leonora : Annalisa Raspagliosi
Azucena : Marianne Cornetti
Manrico : Marcelo Alvarez
Ferrando : Felipe Bou
Ines : Elena Borin
Ruiz : Saviero Fiore

Orchestre et Chœur du Teatro Regio di Parma

Direction musicale : Renato Palumbo

Festival Verdi, Parme,
Teatro Regio, le 7 mai 2006, 15h

Bravo Marcello !

Certains festivals sont plus discrets que d’autres mais n’en tracent pas moins leur route. Ainsi, loin du fracas de Bayreuth ou de Vérone, des sirènes de Salzbourg ou d’Aix, Parme célèbre dignement chaque année son enfant chéri, Giuseppe Verdi. Pour preuve, l’affiche de ce Trouvère, fer de lance de l’édition 2006, que ne renieraient pas les plus grands théâtres lyriques avec, en son épicentre, le premier Manrico de Marcelo Alvarez.

Et, disons-le sans perdre de temps, le séisme est de taille. L’échelle de Richter est impropre à le quantifier mais le ténor argentin a relevé le défi annoncé en septembre 2004 lors de la sortie de son disque The tenor’s passion.

Sans rien perdre de sa beauté, - le « deserto sulla terra » dans la coulisse le confirme dès la première note -, la voix possède désormais l’ampleur nécessaire au rôle, du grave large et sonore à la franchise de l’aigu en passant par un medium d’une intense chaleur. Plus que l’héroïsme, l’engagement l’emporte. Et ce n’est pas tant la cabalette, le fameux « Di quella pira » et son ut lancé comme un défi, qui transporte que la cavatine, « Ah ! si ben mio », interprétée avec une conviction irrésistible. Les ensembles, le premier duo avec Azucena, le trio final évidemment, sont habités par la même combinaison d’énergie et de séduction. La ligne ne résiste pas toujours à une telle tension et à deux ou trois reprises se rompt, seule faute de goût d’un chant exemplaire et enthousiasmant.

Marianne Cornetti partage la même ardeur. Après un mauvais « stride la vampa », imprécis et froissé, qui laisse le public muet, elle se jette dans la mêlée avec rage jusqu’à forcer l’assistance à retrouver l’usage de ses mains en plein milieu du « mal reggendo all’aspro assalto ». Azucena de feu et de sang, aux teintes sombres et violentes, contralto plus que mezzo, elle crache, tempête et finit par emporter comme une tornade toutes les réserves.

L’orthodoxie n’est plus de mise face à un tel tempérament.
La lumière flamboyante que renvoient ces deux torches vivantes tend à rejeter dans l’ombre les autres protagonistes : Leonora et Luna. Annalisa Raspagliosi et Roberto Frontali ne déméritent pourtant pas. Sans posséder les mêmes qualités, de timbre notamment, ils participent à la réussite du spectacle ; la première par un certain frémissement romantique, malgré les problèmes techniques que lui pose la partition et le trac qui semble parfois la contraindre ; le second par le mordant et l’autorité à défaut des couleurs.

Les chœurs et l’orchestre de Teatro regio sont irréprochables sous la baguette de Renato Palumbo. Le chef sait impulser le mouvement martial de l’œuvre sans faire ronfler la musique et, dans les moments plus élégiaques, la pare des tonalités nocturnes qui lui sont propres.

Les grincheux ne pourront pas plus épancher leur acrimonie sur le metteur en scène. Loin des égarements de Francesca Zambello à l’Opéra Bastille, Elijah Moshinsky situe la pièce à l’époque de sa création, le risorgimento. Les hommes de Luna portent la capote autrichienne, la forge se transforme en usine, le couvent en halles métalliques. L’ensemble reste cohérent, respectueux, efficace. Après tout, ce n’est plus si fréquent.

Pas trop de regrets cependant à la lecture de ce compte-rendu ; le miracle devrait se reproduire : des sessions de rattrapage sont organisées à Londres la saison prochaine. Ceux qui aiment Marcelo prendront le train ; les autres ont tort.


Christophe Rizoud


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