C O N C E R T S 
 
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NEW YORK
01/02/05

Rebecca Copley
TURANDOT

Giacomo PUCCINI (1858-1924)

Opéra en trois actes sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni
D'après la fable de Carlo Gozzi
Dernier duo et final complétés par Franco Alfano

Direction musicale : Bertrand de Billy
Mise en scène et décors : Franco Zeffirelli
Costumes : Anna Anni et Dada Saligeri 
Lumières : Gil Wechsler
Chorégraphie : Chiang Ching

Turandot : Rebecca Copley
Liù : Krassimira Stoyanova
Calaf : Johan Botha
Timur : Hao Jiang Tian
Altoum : Charles Anthony
Ping : Haijing Fu
Pang : Tony Stevenson
Pong : Eduardo Valdes
Mandarin : James Courtney

Orchestres et choeurs du Metropolitan Opera
Choeur d'enfants dirigé par Elena Doria

New York, Metropolitan Opera
1er Février 2005

CELESTE EMPIRE 

Cette reprise d'une production de Franco Zeffirelli datant de 1987 possédait au moins deux atouts : la présence au pupitre du chef français Bertrand de Billy, trop rare en France et surtout à Paris et, dans le rôle-titre, celle d'Andrea Gruber, qui nous avait tant éblouis à Bastille en décembre 2002.

Hélas, trois fois hélas, cette magnifique chanteuse ayant déclaré forfait pour cause de maladie, c'est Rebecca Copley qui la remplaça...

Cette production de Zeffirelli, on le sait, fit à la création couler beaucoup d'encre et fut taxée, plutôt à juste titre, de "kitsch". Il n'empêche qu'avec le recul et compte tenu des aberrations qui, depuis, n'ont cessé d'envahir les scènes d'opéras de France et de Navarre, la retrouver aujourd'hui a quelque chose de rafraîchissant... Certes, la chorégraphie est un peu désuète parfois, et les décors assez massifs et un rien surfaits. Il n'empêche que la splendeur des costumes, réalisés avec grand soin dans des matières nobles (le tomber impeccable de la soie et son chatoiement sous les éclairages sont reconnaissables entre tous), une grande recherche jusque dans le moindre accessoire, les mouvements de foule efficaces et parfaitement réglés, évoquent irrésistiblement les mémorables superproductions hollywoodiennes des glorieuses années 40-50, à ce jour inégalées. A ce titre, la fameuse "scène des énigmes", à l'acte II, dans des dégradés pastel de bleu et de vert, est un véritable morceau d'anthologie.

Que les détracteurs des "chinoiseries" se rassurent, nous ne verrons sans doute plus désormais ce genre de mise en scène, les matières synthétiques ayant remplacé désormais la soie et les broderies n'étant plus incrustées mais collées. "Chinoiserie" ? Peut-être, mais raffinée et témoignant d'une grande culture de la part de Zeffirelli. N'oublions pas que la Chine est présente dans la partition de Puccini, tout comme le Japon dans celle de Madame Butterfly, et que sans verser totalement dans la représentation d'un "Céleste Empire" de pacotille (ce que cette production n'est pas non plus), il est impossible de faire l'impasse sur cette composante de l'oeuvre.

Bertrand de Billy l'a d'ailleurs fort bien compris et sa lecture transparente et souple, délicatement teintée d'orientalisme et très attentive aux chanteurs, évite les excès dans lesquels nombre de ses confrères ont souvent sombré, à savoir tonitruance et recherche de l'effet. Le résultat est étonnant et l'orchestre du Met en grande forme fait entendre des sonorités assez inhabituelles, avec une belle mise en relief du caractère "sinisant" de l'oeuvre.

La Turandot de Rebecca Copley est efficace, à défaut d'être séduisante et nuancée, et les aigus, souvent émis à l'arraché, sont un peu stridents. Accordons-lui cependant les circonstances atténuantes liées au "stress de la remplaçante de dernière minute".

Johan Botha, habitué du rôle, est un superbe Calaf, puissant mais raffiné, il en assume sans problème la redoutable tessiture.

Mais c'est certainement dans l'incarnation de Liù par Krassimira Stoyanova que réside la grande découverte de la soirée. Cette jeune soprano qui fit ses débuts au Met en 2001 dans le rôle de Violetta, a également chanté Mimi à Bastille et est annoncée cette saison dans Léonore du Trouvère à Washington, Elettra d'Idoménée à Berlin et Vitellia à Aix. Voilà une voix corsée, fruitée, émise sans effort apparent, qui fait montre d' un contrôle total sur toute la tessiture et, ce qui ne gâche rien, au service d'un style raffiné et d'un rare pouvoir d'émotion. Sa mort est un des sommets de la représentation et le public du Met ne s'y trompe pas, lui réservant un véritable triomphe.

Citons encore le noble Timur de la basse chinoise Hao Jiang Tian et les formidables Ping, Pang, et Pong, avec une mention spéciale pour le Ping du baryton - également chinois - Haijing Fu.

Pour conclure, il convient de saluer le formidable choeur du Met, d'une précision et d'un lyrisme exemplaire.

Décidément, il est des reprises qui dégagent un délicieux parfum de nostalgie ! (*)
 
 

Juliette BUCH

(*) Il existe un DVD de cette production, paru chez DG, avec la distribution de la création, à savoir Eva Marton, Placido Domingo, Leona Mitchell, Paul Plishka, placés sous la direction de James Levine.

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